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Baromètre des personnalités politiques

Baromètre des personnalités politiques N°1

Marine Le Pen en tête de notre 1er baromètre de personnalités

Nous publions notre premier baromètre hebdomadaire de popularité des personnalités politiques. Pour organiser notre classement, nous avons décidé de classer en tête la personnalité qui obtient le plus de « soutien ». Cela nous semble refléter davantage le potentiel politique et plus encore électoral d’une personnalité, la « sympathie » étant un élément subjectif moins explicatif des comportements électoraux. A titre d’exemple, au baromètre de la « sympathie », Jean Lassalle serait en passe de se retrouver au 2nd tour d’un scrutin présidentiel.

Marine Le Pen fédère le socle de soutien le plus massif

Ce n’est pas la plus populaire ou la plus sympathique de notre classement mais Marine Le Pen arrive en tête au nombre de soutiens. La candidate, bien que défaite au second tour, possède un socle très fort d’électeurs qui se retrouvent à la fois dans ses idées et dans sa personne. C’est principalement ce socle de soutiens très puissant qui lui a permis de tenir bon face à Éric Zemmour durant la campagne au cours de l’automne et de l’hiver dernier. On perçoit son assise au sein des clusters populaires « sociaux-identitaires » : les Réfractaires, les Eurosceptiques et les Sociaux-Patriotes. Autour de ce « noyau dur », elle agrège une base de soutiens assez large : elle séduit en effet le cluster des Conservateurs, dans lequel elle arrive en tête devant Emmanuel Macron. Rappelons que ce groupe de petits retraités de droite, assez modérés mais très conservateurs sur les valeurs l’avait placée à égalité avec Emmanuel Macron au 2nd tour. Enfin, elle arrive en tête dans des clusters plus radicaux sur l’immigration et la sécurité : les Anti-Assistanat et les Identitaires. Dans ce dernier cluster, elle devance d’une courte tête Éric Zemmour, dont on perçoit bien où se situe le socle très radical qui l’a porté durant la campagne. Le fait que sa popularité se cantonne quasi exclusivement à ce cluster des Identitaires montre le rétrécissement de son audience électorale au fil de la campagne, apparaissant certainement trop clivant et trop radical pour le reste des clusters mais aussi trop à « droite » sur le plan économique.
A l’inverse, Marine Le Pen arrive en tête dans six clusters sur seize, ce qui démontre la transversalité de ses soutiens et nous permet de comprendre les ressorts de sa réussite au 1er tour et de sa progression au 2nd tour. Cependant, la « marque Le Pen » tout comme son programme hostile à l’immigration et à l’islam, restent rejetés dans une large partie de l’électorat malgré sa stratégie de dédiabolisation.

Emmanuel Macron et Edouard Philippe, leaders incontestés de la France modérée

Emmanuel Macron est la deuxième personnalité à obtenir le plus de soutiens. Il arrive lui aussi en tête de six de nos clusters. Principalement dans les groupes modérés, diplômés ou dépolitisés. Le cluster phare de sa coalition reste les Centristes, dans lequel il obtient un plébiscite avec 65% de soutiens. On retrouve le cœur de son électorat constitué des clusters diplômés, modérés et dépolitisés : Apolitiques, Sociaux-Républicains, Eclectiques autour desquels il arrive à agréger le soutien des anciens électeurs PS.

Il arrive en effet en tête dans deux clusters de gauche modérée, citadins, diplômés : les Sociaux-Démocrates et les Progressistes. Mais il arrive également en tête au sein des Libéraux, l’ancien cluster de base de l’électorat UMP, presqu’à égalité avec son ancien Premier Ministre. Edouard Philippe est ainsi le premier « concurrent » d’Emmanuel Macron dans les clusters de la droite et du centre. Il atteint des scores assez hauts dans les mêmes clusters que le Président de la République.

En revanche, le Maire du Havre ne séduit pas les Sociaux-Démocrates et les Progressistes, ce qui laisse à penser que la succession du Président ne sera pas aisée pour celui qui s’inscrira dans ses pas, car sa réussite électorale repose avant tout sur cet alliage original qui coalise schématiquement des anciens électeurs de François Hollande et de Nicolas Sarkozy autour de l’ancien électorat de François Bayrou (voir https://cluster17.com/sur-quels-elements-repose-la-victoire-demmanuel-macron/).

Enfin, notre baromètre montre un rejet assez puissant de la personnalité d’Emmanuel Macron y compris dans des clusters où il dispose pourtant également de soutiens. Il y a une grande ambivalence de l’électorat à son endroit : il séduit autant qu’il divise. Chez les Apolitiques il est rejeté à 42%, chez les Sociaux-Républicains à 41%, chez les Eclectiques à 31%, et chez les Conservateurs, cluster très clivé, il arrive second du classement en termes de soutiens mais il génère 45% de « rejet ».

Moins surprenant, il suscite une forte défiance dans les clusters de « l’arc contestataire », ces groupes appartenant à la gauche radicale comme les Multiculturalistes, Solidaires et les Révoltés mais également dans les clusters favorables à Marine Le Pen : Réfractaires, Eurosceptiques, Sociaux-Patriotes et Identitaires. Dans l’ensemble de ces clusters, plus de deux tiers des électeurs « rejettent » la personnalité du Président. On voit ici l’esquisse d’un « bloc anti-Macron » qui peut se coaliser dans des mobilisations de type Gilets jaunes mais qui n’ont pas voté ensemble en 2022 car trop clivés notamment sur l’axe identitaire.

Jean-Luc Mélenchon en tête d’un pôle de gauche radicale

Jean-Luc Mélenchon arrive 4e de notre baromètre, derrière Edouard Philippe. Le troisième homme de la présidentielle est le leader incontesté du troisième « pôle », celui de la gauche radicale et écologiste, qu’on retrouve principalement dans trois clusters qui le placent largement en tête : les Multiculturalistes, les Révoltés et les Solidaires.

Il est également apprécié dans le cluster des Progressistes, un groupe plutôt jeune, citadin et diplômé qui l’a placé au coude-à-coude lors du 1er tour avec Emmanuel Macron. Il est la quatrième personnalité la plus soutenue dans ce cluster et fait notable, il y est peu « rejeté » contrairement à l’autre groupe de la gauche modérée, les Sociaux-Démocrates qui sont 14% à le soutenir mais 40% à le « rejeter ».

Comme Emmanuel Macron et Marine Le Pen, sa notoriété est très élevée et à l’instar de ses deux concurrents il clive une partie importante de l’électorat qui dit « rejeter » sa personnalité.
Le fait de cliver n’est pas un problème pour ces trois candidats dans la mesure où cela leur permet dans le même mouvement de coaliser une base solide de soutiens fidèles. Ce n’est pas le cas des autres candidats à la présidentielle. En particulier pour les deux candidates des anciens partis de gouvernement qui clôturent notre classement.

Valérie Pécresse est « rejetée » par 55% des électeurs (et 27% se disent « indifférents ») et Anne Hidalgo occupe la dernière position rejetée par 61% des électeurs (24% se disent « indifférents »). C’est tout autant leurs campagnes difficiles que leurs partis qui semblent mis en cause dans l’électorat. Leurs très faibles résultats lors de la dernière présidentielle ont sans doute contribué à dégrader encore un peu plus leur image dans l’opinion.

Baromètre hebdomadaire S16-3 : Présidentielle 2022

Pourquoi Emmanuel Macron est en dynamique constante ?

Emmanuel Macron continue de creuser l’écart avec Marine Le Pen et la devance désormais de 8 points, à 56% (+1) contre 44% des intentions de vote. Les intentions de vote ne sont donc pas complètement cristallisées, d’autant que si les électeurs qui vont aller voter sont globalement certains de leur choix, la principale incertitude réside dans le niveau d’abstention. Pour autant, Emmanuel Macron semble marquer des points au cours des derniers jours dans une large partie de l’électorat et bénéficie pour l’instant d’une dynamique haussière.
On observe tout d’abord une progression transversale des intentions de vote en sa faveur. Il a en effet progressé chez les électeurs du 1er tour de Valérie Pécresse (+12), de Jean-Luc Mélenchon (+2) mais également parmi les électeurs d’Éric Zemmour (+5) par rapport à notre enquête réalisée les 17 et 18 avril.

Ces dynamiques constantes sont doublées d’une forte certitude de choix : 93% de ceux qui s’apprêtent à voter Macron se disent certains de leur choix. De même pour 91% des électeurs de Marine Le Pen. La principale inconnue réside dans l’abstention. L’électorat populaire de Marine Le Pen se mobilisera t-il ou bien considérant que le match est déjà joué et que son niveau au débat a été insatisfaisant restera t-il à la maison ? L’électorat Mélenchon du 1er tour ira-t-il faire barrage à Le Pen ? Les jeunes électeurs progressistes se mobiliseront-ils également derrière le vote Macron ?

En ce sens, le débat télévisé de mercredi a permis à Emmanuel Macron d’accentuer sa progression. Il s’est certainement mieux adressé à la fois aux électeurs de Valérie Pécresse et aux clusters modérés qui sont avant tout en demande de stabilité, de présidentialité et de compétence. On observe à ce titre une progression chez les Conservateurs et les Libéraux, deux clusters de droite pour lesquels Emmanuel Macron « a gagné le débat ». Chez les Conservateurs, cluster volatil assez âgé, rétif aux grands changements, le débat aura sûrement un effet sur le vote de dimanche. Malgré le fait qu’ils soient nombreux à ne pas avoir d’avis, le fait qu’Emmanuel Macron ait pour une bonne partie d’entre eux « gagné le débat » est un symbole assez fort car Marine Le Pen avait su lors des dernières semaines, par sa stratégie de dédiabolisation, mordre sur cet électorat qui lui avait empêché de jouer la victoire en 2017. Autre signe négatif pour Marine Le Pen, son électorat n’a semble-t-il pas été emballé par sa prestation face à Emmanuel Macron. Dans quatre clusters phares de sa coalition – les Réfractaires, les Eurosceptiques, les Anti-Assistanat et les Identitaires – plus de la moitié des électeurs affirment que « ni Emmanuel Macron ni Marine Le Pen n’a gagné le débat » ou bien qu’ils « ne savent pas ». Quand dans le même temps la plupart des autres clusters donnent le duel télévisé gagné à Emmanuel Macron. La candidate RN en lissant son image au maximum a fini par oublier d’activer les lignes de clivage fondamentales qui mobilisent son électorat. Cette stratégie défensive n’est sans doute pas pour rien dans son recul constant tout au long de cet entre-deux tour. Paradoxalement, c’est Emmanuel Macron qui s’est montré à l’offensive, plus clivant. Et cela se ressent dans notre enquête, ses clusters phares se montrant satisfaits de sa prestation.

En incarnant l’ordre et une forme de continuité de l’Etat, Emmanuel Macron emporte le vote des plus de 65 ans, classe d’âge dans laquelle il devance le plus largement Marine Le Pen (63% – 37%). C’est également sur l’axe peuple/élite qu’il conquiert les voix des électeurs de Yannick Jadot, notamment sur l’attachement à l’UE qui constitue une matrice commune entre la gauche modérée et le Président de la République. D’ailleurs, Emmanuel Macron s’impose avant tout comme le choix de la modération. Cette promesse de stabilité lui permet de progresser dans les clusters les moins radicaux : Apolitiques, Sociaux-Républicains, Eclectiques. Il y devance largement sa concurrente. Les clusters de gauche modérée (Sociaux-Démocrates et Progressistes) s’apprêtent logiquement à voter quasi-unanimement en faveur du Président de la République. Ces clusters diplômés, élitaires, pro-UE, ouverts à la mondialisation, tolérants sur le plan identitaire sont en effet aux antipodes des clusters « lepénistes » sur l’ensemble des clivages. Leur moindre radicalité ainsi que leur politisation plus élevée que la moyenne les amènent logiquement à se mobiliser et à continuer à « faire barrage » quand pour la gauche radicale, ce réflexe semble moins automatique.

Sur l’axe identitaire, Emmanuel Macron colle mieux aux attentes des électeurs Multiculturalistes qui sont profondément de gauche culturelle et ont voté massivement Jean-Luc Mélenchon au 1er tour. En plaçant le curseur sur l’écologie, en renvoyant Marine Le Pen à ses positions anti-islam, hostiles au voile, en la faisant traiter de raciste par l’intermédiaire de Mourad Boudjellal à Marseille, en allant dans les quartiers populaires, Emmanuel Macron essaye de reconstruire le « front républicain » en produisant des signaux qui s’adressent en premier lieu à cette gauche qui montre des signes de lassitude et qui pourrait par son abstention massive réduire l’ampleur de la victoire attendue. 56% des Multiculturalistes disent toujours vouloir s’abstenir ou voter blanc dimanche. Seule une infime minorité d’entre eux disent vouloir voter Marine Le Pen. Cela les distingue des deux autres clusters du « bloc Mélenchon ».

En effet, une part substantielle de la gauche « mélenchonniste », radicale et populaire constituée par les clusters Solidaires et Révoltés, renvoie toujours les deux candidats dos à dos, les plaçant quasiment à égalité. Il y a dans ces clusters tout autant une mobilisation « anti-Macron » qu’un réflexe « anti-Le Pen ». Ce qui est logique puisque ces deux clusters ont les mêmes positionnements que « les clusters Le Pen » (Sociaux-Patriotes, Eurosceptiques et Réfractaires) sur le clivage économique : ils sont radicalement favorables à la taxation des plus riches, à la redistribution économique et à la fonction publique. Mais également sur le clivage peuple/élite, ils sont « dégagistes », favorables aux gilets jaunes et à un renversement du « système » et ne supportent pas les petites phrases d’Emmanuel Macron sur les « gens qui ne sont rien ». Mais sur l’axe identitaire, ils sont au contraire tolérants envers l’islam et ouvert à un certain multiculturalisme donc éloignés de l’offre incarnée par Marine Le Pen. Tous ces éléments les mettent dans une situation de tension très forte. Les Révoltés et les Solidaires sont d’ailleurs les deux seuls clusters avec les Conservateurs à placer Marine Le Pen et Emmanuel Macron à égalité dans leurs intentions de votes.

L’analyse par clusters révèle ainsi que des pans entiers de l’électorat ont du mal à se reconnaître et à s’investir dans ce duel de second tour. En conséquence, l’abstention ainsi que le vote blanc et nul pourraient être élevés dimanche soir.

Baromètre hebdomadaire S16-1 : Présidentielle 2022

Emmanuel Macron creuse l’écart sur Marine Le Pen, la « coalition Mélenchon » divisée sur le second tour

Emmanuel Macron augmente l’écart avec Marine Le Pen à cinq jours du 2nd tour. Le principal enjeu pour les deux candidats est de s’assurer de la mobilisation de son électorat de 1er tour évidemment mais également de réunir une part significative du vote Mélenchon, ainsi que des électorats de Yannick Jadot, Éric Zemmour et Valérie Pécresse.

L’écart d’Emmanuel Macron repose sur un meilleur report de voix de ces candidats de 1er tour. A l’exception des électeurs d’Éric Zemmour, les autres choisissent tous majoritairement Emmanuel Macron. La principale inconnue repose sur l’abstention, notamment pour les électeurs de Jean-Luc Mélenchon qui sont encore plus de 50% à ne pas vouloir choisir et à se réfugier dans le vote blanc/nul ou l’abstention. Seuls 29% des électeurs du 1er tour de J-L Mélenchon basculeraient sur Emmanuel Macron et 16% voteraient pour Marine Le Pen.

La tripartition de l’espace politique qui s’est imposée la semaine dernière rend l’équation très difficile pour les deux protagonistes. En effet, les trois clusters principaux du vote Mélenchon sont tout à fait opposés à Macron sur l’axe économique et institutionnel et tout aussi radicalement opposés à Le Pen sur l’axe culturel-identitaire. Le « front républicain » est donc en voie de délitement et seul le cluster des Multiculturalistes continue de maintenir un semblant de « barrage », donnant seulement 2% d’intentions de vote à Marine Le Pen. Mais ce barrage est devenu bien fragile puisque 59% d’entre eux disent s’abstenir ou voter blanc dans notre enquête. Les autres clusters de la « coalition Mélenchon » renvoient Macron et Le Pen dos à dos : les Solidaires qui sont un cluster très à gauche économiquement mais très anti-élites et moins progressistes que les Multiculturalistes sur le plan sociétal placent Macron et Le Pen au coude-à-coude. Chez les Révoltés, Emmanuel Macron progresse par rapport à notre dernière enquête malgré un score relativement serré dans ce cluster « dégagiste », extrêmement populaire et fortement représenté dans les cités.

Emmanuel Macron peut continuer de compter sur les deux autres clusters de gauche, plus modérés pour maintenir la « digue » face au RN : les Sociaux-Démocrates et les Progressistes, deux clusters diplômés, pro-UE, choisissent massivement Emmanuel Macron et comptent bien moins s’abstenir que les clusters de la gauche radicale, ce qui est logique au vu des scores déjà très hauts obtenus par Emmanuel Macron au 1er tour dans cet électorat.

L’électorat Pécresse du premier tour se révèle lui aussi profondément divisée, tiraillée entre l’offre de stabilité pro-système incarnée par Emmanuel Macron, l’offre identitaire de Marine Le Pen et la tentation du non-vote. Le fait qu’aucune logique majoritaire ne s’impose pour l’instant dans cet électorat laisse présager des grandes difficultés que vont rencontrer les Républicains dans la période à venir, pris en tenaille entre l’offre macronienne d’un côté qui capte leur frange la plus élitaire et modérée et l’offre incarnée par le RN et Reconquête qui attire leur frange la plus radicale, antisystème et identitaire. Ainsi, par exemple, les Conservateurs, cluster volatil qui rassemble des électeurs de la petite droite, rurale, souvent retraitée continue de pencher vers Marine Le Pen, ce qui démontre la puissance de la demande d’une partie de l’ancienne droite de gouvernement sur les sujets sécuritaires et identitaires. Curieusement, la campagne de second tour de Marine Le Pen ne semble pas réellement destinée à répondre à cette demande. La candidate du RN semble avant tout soucieuse de ne pas cliver, peut-être pour entretenir la faible mobilisation de la gauche radicale, voire tenter d’en séduire une partie. Le problème de cette stratégie est d’être, en retour, faiblement mobilisatrice pour sa propre base électorale et de ne pas réellement enclenchée de dynamique, avec pour conséquence de voir l’écart se creuser inexorablement en sa défaveur avec Emmanuel Macron.

Baromètre hebdomadaire S15 : Présidentielle 2022

Emmanuel Macron d’une courte tête : pourquoi les scores sont-ils si serrés ?

Dans notre enquête réalisée entre le 13 et le 14 avril sur un échantillon de 3 329 électeurs, Emmanuel Macron dispose d’une courte avance sur Marine Le Pen : 53% pour le Président, 47% pour la candidate du RN. Pour la troisième accession du Rassemblement National au 2nd tour en 20 ans, cette fois-ci semble celle de la banalisation, d’une normalisation définitive de sa progression dans le champ institutionnel. Le Président de la République ne se trompe pas lorsqu’il affirme qu’il n’y a plus de « front républicain ».

La gauche radicale en partie spectatrice de ce 2nd tour

Ce front républicain émergeant dans les années 90, lorsque le parti de Jean-Marie Le Pen commençait à conquérir des villes puis en 2002 lors de son accession au 2nd tour, tenait par la mobilisation des électeurs de gauche.  De tous les électeurs de gauche, des plus modérés aux plus radicaux. En 2017 déjà, ce front semblait s’effriter. Aujourd’hui, notre enquête montre la rupture définitive du front républicain. Les clusters de gauche radicale qui ont largement voté Jean-Luc Mélenchon sont à l’heure actuelle spectateurs du 2nd tour. Voire même, pour certains d’entre eux, ils hésitent entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

En 2002, les étudiants faisaient grève dans les facs pour « emmerder le Front National ». Aujourd’hui la Sorbonne est occupée par des étudiants qui portent le slogan « Ni Macron ni Le Pen ». Ce qui est frappant c’est que Marine Le Pen ne fait plus peur. Ainsi une partie de la gauche est démobilisée dans cet entre-deux-tours et nombre de ces électeurs pourraient s’abstenir, renvoyant les deux protagoniste dos-à-dos. Est-ce la naissance d’un bloc « anti-Macron » ? C’est-à-dire d’une alliance objective similaire à celle du référendum de 2005 quand la gauche populaire avait voté avec les souverainistes de droite ?

Symbole de cette démobilisation, les Multiculturalistes, les Révoltés et les Solidaires qui ont voté à près de 70% pour Jean-Luc Mélenchon dimanche dernier comportent entre un tiers et la moitié d’électeurs qui pensent que « les choses resteront à peu près les mêmes quel que soit le Président élu » quand dans le même temps la gauche modérée (Les Sociaux-Démocrates et les Progressistes) qui a placé Macron en tête devant Mélenchon se sent plus concernée et déclare davantage vouloir voter pour Emmanuel Macron au 2nd tour. C’est avant tout grâce à cette gauche éduquée et diplômée que le « barrage » peut encore tenir, même très affaibli, face au RN.

Le phénomène nouveau de ce 2nd tour par rapport à 2017 c’est la progression de Marine Le Pen dans les clusters de gauche « mélenchonniste ». Il y a cinq ans, un électeur insoumis se posait principalement la question : « abstention ou Macron ? ». Aujourd’hui pour une part significative la question est « abstention, Macron ou Le Pen ? ». C’est notamment le cas dans les clusters Solidaires et Révoltés qui sont deux clusters populaires, le premier étant plutôt rural et âgé alors que le second est jeune, non diplômé, et plutôt urbain ou péri-urbain. Dans ces deux clusters, Marine Le Pen est estimée respectivement à 39% et 52% des suffrages exprimés. Un des principaux facteurs explicatifs est que Marine Le Pen colle davantage aux opinions de ces clusters sur deux des trois clivages fondamentaux de notre clusterisation : sur le clivage peuple/élite, elle incarne le dégagisme envers un supposé « système ». De même sur le clivage économique, elle semble mieux représenter les électeurs populaires de ces clusters de gauche, très majoritairement employés et ouvriers quand Emmanuel Macron incarne pour de nombreux électeurs le « président des riches ». A l’inverse chez les Multiculturalistes, le clivage identitaire demeure déterminant. Pour eux, l’alternative est donc entre non-choix (abstention ou votes blancs et nuls) ou Macron. Pour autant, Emmanuel Macron ne parvient pas à les mobiliser alors qu’ils détiennent en partie les clés de ce 2nd tour. 63% des Multiculturalistes excluent pour l’instant d’aller voter.

Les clusters de l’ancienne coalition de droite sont très clivés 

De l’autre côté de feu le « front républicain », l’horizon n’est pas beaucoup plus dégagé pour Emmanuel Macron. Dans l’ancienne coalition de droite républicaine qui avait porté Nicolas Sarkozy au pouvoir et voté largement François Fillon en 2017, les électeurs sont aujourd’hui très clivés.

Les Conservateurs qui constituent un cluster âgé, rural, très favorable à la stabilité et à ce que les choses continuent sans grand changement se portent aujourd’hui majoritairement sur Le Pen dans ce duel : 63% vs 37%. C’est une forme de « révolution » culturelle : L’ex-candidate du Frexit qui faisait peur à la petite droite épargnante, rurale et retraitée semble aujourd’hui être devenue un débouché politique pour ce segment en demande d’ordre. Toutefois, ce cluster, très volatil reste à convaincre et pourrait changer d’avis si jamais la candidate RN montrait des signes d’incompétence ou de radicalité trop marquée. Chez les Conservateurs, le débat d’entre-deux-tours et le commentaire médiatique qui en sera fait pourrait avoir une importance particulière.

Chez les Libéraux, qui constituent le cœur de la droite élitaire (60% avaient voté Fillon en 2017), très attachés au libéralisme économique, à l’UE, au rayonnement culturel de la France, Emmanuel Macron ne fait pas l’unanimité. Un tiers d’entre eux disent vouloir voter Le Pen dimanche prochain.

On peut l’interpréter de deux façons : la première c’est que Marine Le Pen a réussi en partie à se crédibiliser en montrant un visage moins radical. La seconde c’est que ces clusters de droite modérée sont tout de même radicaux sur le clivage identitaire. Clivage dans lequel Marine Le Pen est mieux-disante incarnant un positionnement hostile à l’immigration et à l’islam. La prééminence de ce clivage pour une partie sensible de l’électorat de droite permet d’ailleurs à Le Pen de maintenir une base extrêmement solide dans deux autres clusters ayant porté Nicolas Sarkozy au pouvoir : 70% chez les Anti-Assistanat et 94% chez les Identitaires.

En conclusion, le positionnement structural de Macron est particulièrement compliqué. Le « en même temps » est plus dur à tenir qu’il y a cinq ans. Sur l’économique et l’identitaire, s’il veut tenter de mobiliser l’électorat mélenchonniste, il risque de trop se découvrir dans la droite conservatrice et prend le risque de laisser une partie de cet électorat basculer en faveur de Marine Le Pen.

Baromètre hebdomadaire S14 – 2 : Présidentielle 2022

Macron – Le Pen qualifiables, Mélenchon troisième homme, abstention record ?

Pour notre ultime baromètre, la situation n’est toujours pas stabilisée. Emmanuel Macron demeure en tête avec 26% des intentions de vote. Derrière lui, Marine Le Pen poursuit sa dynamique à 21% (+1) tout comme Jean-Luc Mélenchon à 18% (+1). Le reste des prétendants pointe sous la barre des 10%. Valérie Pécresse à 9,5 (-0,5) et Éric Zemmour à 9,5 (-1,5) ne sont pas parvenus à enrayer leur dynamique baissière depuis un mois. Le 2nd tour semble hors de portée pour eux.

Emmanuel Macron parait avoir stoppé sa dynamique baissière

Le Président de la République retrouve une stabilité à deux jours du scrutin, avec 26% des intentions de vote. Certes, c’est un score inférieur à celui qu’il avait atteint lors de son entrée en campagne au moment de l’invasion militaire russe. Mais c’est un score supérieur à celui dont il disposait avant cette entrée en campagne. C’est également un score proche de celui qu’il avait obtenu en 2017. Son socle semble relativement solide. Il parvient toujours à capter une part importante de la gauche modérée (Sociaux-Démocrates et Progressistes) comme en 2017. Il mobilise aujourd’hui un électeur sur deux dans ces clusters qui auraient pu lui faire défaut si un candidat issu du bloc écolo-socialiste était parvenu à s’imposer. Le reste de sa coalition se compose de clusters peu politisés ou modérés (Apolitiques, Eclectiques, Sociaux-Républicains) et évidemment des Centristes. Par rapport à 2017, son barycentre se déporte légèrement à droite. Il a su capter durant son mandat et sa campagne une partie sensible du vote Fillon 2017 dont le cluster des Libéraux  représente le cœur battant. La campagne difficile de Valérie Pécresse a fini de lui ouvrir la voie et il semble représenter même une sorte de « vote utile » dans ce cluster de droite aisée, élitiste et pro-UE. Il est estimé à 45% chez les Libéraux contre 30% pour Valérie Pécresse, quand François Fillon avait atteint plus de 60% dans ce même cluster il y a cinq ans.

Marine Le Pen, le pari réussi de la banalisation ?

La candidate du RN a su résister à la sévère concurrence d’Éric Zemmour avec lequel elle faisait jeu égal au niveau des intentions de vote durant l’automne. La crise en Ukraine a inversé les dynamiques et Marine Le Pen a alors distancé très largement Éric Zemmour. Elle doit cette dynamique à la fidélité de ses clusters populaires qui composaient déjà le cœur de sa coalition en 2017 (Réfractaires, Eurosceptiques, Sociaux-Patriotes). Au sein de ces trois clusters, elle a amplifié son avance ces dernières semaines, Éric Zemmour étant désormais réduit à des scores quasi-anecdotiques dans cet électorat populaire de la France périphérique, aux positionnements « antisystème ».
En outre, c’est chez les « Identitaires » que la concurrence d’Éric Zemmour s’avérait la plus rude, ce qui est logique au vu de la radicalité de ce cluster sur les questions ethniques et culturelles. Mais même dans ce cluster, Marine Le Pen semble avoir inversé la tendance. Elle fait désormais jeu égal avec lui, alors qu’il la devançait largement pendant toute la campagne, atteignant parfois 50% des intentions de vote dans un cluster qui avait voté Le Pen à 46% il y a cinq ans.
Enfin, ce qui permet à Marine Le Pen de se positionner comme qualifiable au 2nd tour c’est non seulement cette extrême résilience de son « bloc populaire », mais c’est aussi la capacité qu’elle a eu à pénétrer des segments qui jusqu’ici lui échappaient. C’est le cas dans des clusters de la petite droite rurale, âgée et davantage modérée sur les questions ethno-culturelles à l’instar des Conservateurs dont elle convainc 28% des électeurs, se plaçant en deuxième position derrière Emmanuel Macron. De même chez les Anti-Assistanat, elle retrouve un leadership incontesté au sein de ce cluster légitimiste qui s’était montré très volatil, en particulier au début de la crise ukrainienne qui avait suscité une forte adhésion à la figure du président.

Jean-Luc Mélenchon boosté par le vote utile de gauche

Jean-Luc Mélenchon poursuit sa dynamique dans notre baromètre, à 18% (+1). Il capitalise sur les clusters de gauche populaire (Solidaires et Révoltés) et de gauche radicale (Multiculturalistes) dans des proportions similaires à celles observées en 2017. Le candidat insoumis a réussi à s’imposer face à des concurrents de gauche qui n’ont jamais été en position de lui disputer son leadership. Cette concurrence relativement faible des candidatures « écolo-socialistes » et communiste a permis d’enclencher une dynamique de « vote utile » en faveur de Jean-Luc Mélenchon à l’instar de ce qu’il s’était passé il y a cinq ans. Il retrouve également son score dans les clusters plus modérés, historiquement proches du PS (19% chez les Sociaux-Démocrates et 28% chez les Progressistes). Il progresse également chez les Apolitiques comme en 2017.
Cependant, des clusters plus conservateurs sur le plan sociétal dans lesquels il avait percé en 2017 (Sociaux-Républicains et Sociaux-Patriotes) semblent moins mobilisés cette fois-ci et pourraient lui manquer dans la compétition engagée avec Marine Le Pen pour la qualification au 2nd tour.

L’abstention pourrait impacter sensiblement les rapports de forces

Des bouleversements pourraient avoir lieu le jour du vote, ne serait-ce qu’en raison du niveau d’incertitude qui demeure relativement élevé dans l’électorat. En effet, un électeur sur cinq affirme ne pas être certain de son choix au 1er tour, ce qui atteste d’une relative fluidité de la situation électorale. D’autre part, la cristallisation ordinairement observée plusieurs jours avant le suffrage n’a pas eu lieu. Aujourd’hui encore, des dynamiques sont en cours principalement pour Le Pen et Mélenchon (à la hausse) et pour Pécresse et Zemmour (à la baisse). Ces dynamiques pourraient encore s’accroître dans les heures qui nous séparent du vote.
Enfin, la principale menace demeure le niveau de participation qui pourrait être exceptionnellement bas. Une abstention au moins équivalente à celle observée en 2002 devrait avoir des conséquences sur le niveau des votes. Elle toucherait en effet les candidats aux électorats plus populaires, plus jeunes et moins politisés, ce qui est principalement le cas de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.
Marine Le Pen a l’électorat le plus populaire et sa coalition comprend deux des clusters qui se disent les moins certains d’aller voter : les Réfractaires et les Eurosceptiques. Il faut également souligner qu’Éric Zemmour capte une part de la fraction la plus politisée et la plus mobilisée de l’ancien électorat mariniste de 2017 aggravant encore les risques que fait peser l’abstention sur le score de Marine Le Pen. Le risque est similaire pour Jean-Luc Mélenchon dont le cluster des Révoltés (issus principalement des quartiers HLM) constitue une part de son électorat. L’insoumis est également celui qui a l’électorat le plus jeune : 40% de son électorat a moins de 34 ans. Or, lorsque l’abstention est élevée, on sait qu’elle est décuplée chez les jeunes et dans les classes populaires. Cela pourrait entraîner un rééquilibrage au profit d’Emmanuel Macron mais aussi de Valérie Pécresse et d’Éric Zemmour qui ont un socle électoral plus aisé, plus âgé et donc plus votant que la moyenne.

Baromètre hebdomadaire S14 – 1 : Présidentielle 2022

A cinq jours du vote, Macron en baisse, Le Pen et Mélenchon en dynamique

Emmanuel Macron perd un point dans notre baromètre cette semaine à 26%. Il demeure stable au sein des clusters modérés et centraux mais c’est au sein de clusters constituant sa « jambe gauche » et sa « jambe droite » que le Président recule le plus fortement. D’abord chez les Sociaux-Démocrates et les Progressistes, où il était monté très haut lors de la crise en Ukraine. Ces deux clusters affichaient un soutien fort au Président depuis le début de nos baromètres. Mais les annonces qui ont marqué l’entrée en campagne d’Emmanuel Macron sur le RSA, les retraites ou l’éducation semblent rebuter certains électeurs de ces clusters de gauche économique, favorables à la redistribution et pro-service public. De même sur sa droite, le Président baisse chez les Conservateurs et les Anti-Assistanat après être monté très haut dans ces deux segments de l’électorat particulièrement volatils. Comme si l’effet de légitimité suscité par le début de la guerre avait subitement pris fin, le Président retombe à des scores proches de ceux qu’il connaissait avant la fin février.
En revanche, sa principale concurrente Marine Le Pen connait elle une dynamique ininterrompue depuis l’invasion russe. Elle se rapproche d’Emmanuel Macron en atteignant la barre des 20% (+2). Elle bénéficie de la solidité de sa base électorale (Eurosceptiques, Réfractaires, Sociaux-Patriotes) et capte un « vote utile » au détriment d’Éric Zemmour dans des clusters très radicaux sur les questions ethno-culturelles : les Anti-Assistanat et les Identitaires. Ce dernier cluster qui avait massivement voté Le Pen en 2017 était devenu le cœur de l’électorat Zemmour depuis son entrée dans le jeu politique. Il captait jusqu’alors 45 à 50% des Identitaires. Mais les courbes sont en train de s’inverser et les deux candidats font désormais quasiment jeu égal au sein de ce cluster décisif. Marine Le Pen parvient également à s’imposer dans un cluster rural, plutôt âgé et de classe moyenne, celui des Conservateurs. Un des principaux points communs entre ces clusters « lepénistes » est la sur-représentation d’électeurs habitant au cœur de la ruralité et de la « France périphérique ».

Enfin, nous nous orientons vers un match à trois dans lequel Jean-Luc Mélenchon fait figure de troisième homme. Avec Marine Le Pen, il est le seul candidat en dynamique dans cette dernière ligne droite, à 17% (+1). Il est désormais assez proche de son score de 2017 grâce à un effet de « vote utile » au sein des clusters traditionnels de la gauche radicale : les Multiculturalistes, les Révoltés et les Solidaires. Au sein de ces derniers, c’est Fabien Roussel qui pâtit de ce « vote utile » en faveur de Mélenchon. Le candidat communiste perd un demi-point à 2,5%, et il le perd principalement au sein de ce cluster, dont le profil est celui d’une « gauche de classe » dans laquelle il était monté assez haut.

Par ailleurs, Jean-Luc Mélenchon parvient dans ces derniers jours de campagne à retrouver une part significative d’électeurs Progressistes qui étaient partagés entre sa candidature, celle d’Emmanuel Macron et celle de Yannick Jadot. Le candidat insoumis atteint 32% dans ce cluster, juste derrière Emmanuel Macron qui tombe à 42%. Il retrouve ainsi son score de 2017 comme dans la quasi-totalité des autres clusters. Seuls les Sociaux-Républicains restent pour le moment plus éloignés du vote Mélenchon qu’en 2017. Alors qu’il avait réussi à capter 20% des électeurs de ce cluster il y a cinq ans, il plafonne aujourd’hui autour de 10%.

La principale inconnue qui pourrait tout changer demeure l’abstention. Si celle-ci était élevée, elle pourrait créer de lourds dégâts, en particulier pour les candidats ayant les électeurs les plus jeunes et les plus populaires : J-L. Mélenchon et M. Le Pen. Emmanuel Macron dont la dynamique baissière est ininterrompue depuis deux semaines doit également mobiliser l’ensemble de ses électeurs s’il veut maintenir son leadership sur le 1er tour et entrer dans le 2nd tour en position de force.

Baromètre hebdomadaire S13 : Présidentielle 2022

Emmanuel Macron stable, Le Pen et Mélenchon boostés par le « vote utile »

Si Emmanuel Macron demeure stable et en tête à 27%, l’écart continue de se resserrer avec Marine Le Pen. La candidate du Rassemblement National gagne 1 point et grimpe à 18% des intentions de vote, son plus haut niveau depuis l’automne et le début de nos baromètres. Elle a mieux encaissé le choc de l’invasion militaire russe que son principal concurrent Éric Zemmour et commence à enclencher une dynamique de « vote utile ». Dans les deux clusters les plus volatils et les plus hésitants, les Conservateurs et les Anti-Assistanat, elle passe en tête. Chez les Conservateurs, elle double même son score en l’espace de deux semaines quand dans le même temps Emmanuel Macron, monté très haut au début de la guerre baisse largement. Idem pour Éric Zemmour qui divise son score par deux en l’espace de deux semaines dans ce cluster âgé, rural, votant continuellement à droite à chaque élection. Chez les Anti-Assistanat, c’est le même schéma qui se dessine. Éric Zemmour poursuit sa chute, ce qui bénéficie logiquement en premier lieu à Marine Le Pen. On observe dans ce cluster deux dynamiques quasi symétriquement opposées entre les deux candidats identitaires. Il y a un mois, au début de la guerre en Ukraine, ils étaient à égalité. Désormais, la candidate du RN est à 40% d’intention de vote dans ce cluster quand le candidat Reconquête est tombé à 12%. Par conséquent, Marine Le Pen profite non seulement de la fidélité de ses clusters populaires originels (Eurosceptiques, Réfractaires, Sociaux-Patriotes) mais elle commence à élargir sa base à des clusters jusqu’ici hésitants qu’il faudra surveiller jusqu’au dernier moment en raison de leur extrême volatilité et incertitude depuis 3 mois.

Jean-Luc Mélenchon bénéficie lui aussi d’une dynamique de vote utile. Elle se cantonne pour l’instant davantage aux clusters constituant son socle électoral depuis 2017 (Multiculturalistes, Révoltés, Solidaires). Il obtient des scores très élevés au sein de ces trois clusters. L’enjeu pour lui repose d’abord sur sa capacité à mobiliser cette base en continuant à capter une partie des électeurs de Fabien Roussel qui plait à une partie non négligeable des clusters mélenchonistes et tout particulièrement aux Solidaires. Mais il lui faut également capter une partie du vote Jadot notamment dans le cluster des Progressistes. Dans ce cluster jeune, urbain, diplômé, écologiste et très ouvert sur les enjeux culturels, J-L Mélenchon avait réussi à incarner le vote utile en 2017 obtenant 33% des voix juste derrière Emmanuel Macron. Aujourd’hui, il est à 22% juste devant Yannick Jadot à 15%. Enfin, il faudra voir si la percée observée cette semaine dans le cluster très populaire et dégagiste des Réfractaires se confirme pour J-L Mélenchon, auquel cas ce serait un signe positif pour lui, ce cluster étant resté jusqu’ici plus distant qu’en 2017, où 17% de Réfractaires avaient voté Mélenchon.

Pour ces deux candidats, le doute repose sur l’engouement autour de la campagne et la participation de leur base électorale, réputée très fragile. En effet, pour des raisons tenant à la sociologie de leur électorat, Marine Le Pen, comme Jean-Luc Mélenchon pourraient être grandement affaiblis par une abstention élevée. Capter le vote des Eurosceptiques et des Sociaux-Patriotes sera, en revanche, sans doute plus difficile pour le candidat insoumis. Dans la concurrence avec Marine Le Pen pour l’accès au second tour, ces clusters pourraient se révéler particulièrement décisifs.

L’enjeu de dimanche prochain sera de voir qui du vote utile ou de la sociologie électorale prendra le dessus. Le premier profiterait forcément à Le Pen (en cas de siphonnage du vote Zemmour) et Mélenchon (en cas de siphonnage du vote Jadot et Roussel) mais la seconde peut être, pour ces deux candidatures, extrêmement défavorable en cas de faible participation.

La menace de l’abstention différentielle défavorable

Les élections régionales ont montré que le risque permanent pour le RN est l’abstention de son électorat. Idem pour Jean-Luc Mélenchon qui peine à mobiliser sa base lors d’élections intermédiaires présentant moins d’enjeux, tout particulièrement les quartiers de grands ensembles où les Révoltés, qui lui sont largement acquis, sont surreprésentés mais pourraient peu voter dimanche prochain si l’abstention devait être élevée.

La sociologie de l’électorat de ces deux candidats est en effet propice à subir une abstention différentielle défavorable. On sait que lorsque l’abstention est forte, elle est exponentielle dans les électorats populaires et au sein de la jeunesse. Or, Marine Le Pen possède la base électorale la plus populaire : les clusters Eurosceptiques, Réfractaires et Sociaux-Patriotes sont trois clusters extrêmement populaires et antisystèmes. Les Réfractaires et les Eurosceptiques sont d’ailleurs ceux qui se disent le moins certains d’aller voter : 62% et 64%. Idem pour le cluster très populaire des Révoltés qui plébiscite J-L Mélenchon : seuls 63% se disent certains d’aller voter.

En outre, pour Jean-Luc Mélenchon, la structure par âge de son électorat pourrait lui être extrêmement préjudiciable en cas d’abstention particulièrement haute. En effet, il est le candidat préféré des moins de 34 ans. Ce vote « jeune » présente l’inconvénient qu’il est ordinairement bien plus abstentionniste. Si cet électorat se mobilisait peu le jour du vote, cela pourrait avoir des conséquences désastreuses pour lui et lui faire perdre mécaniquement de précieux points dans la course au 2nd tour.

Baromètre hebdomadaire S12 – 2 : Présidentielle 2022

Emmanuel Macron stoppe sa baisse

Emmanuel Macron se stabilise à 27%, 10 points devant Le Pen

Après deux semaines de baisse consécutive, Emmanuel Macron retrouve de la stabilité à 27% des intentions de vote. Il maintient son socle dans ses clusters phares. On aurait pu penser que la crise ukrainienne lui aurait permis de conquérir durablement les clusters cibles Libéraux et Anti-Assistanat mais Valérie Pécresse se maintient à un bon niveau et repasse devant lui chez les Libéraux, cluster décisif de LR, et chez les Anti-Assistanat, cluster extrêmement volatil, il est dépassé par Marine Le Pen et rejoint par Valérie Pécresse.

Derrière, Marine Le Pen se maintient à 17% des intentions de vote comptant sur un socle très solide d’électeurs Réfractaires, Eurosceptiques et Sociaux-Patriotes, trois clusters dans lesquels elle est peu concurrencée. Malgré la concurrence d’Éric Zemmour elle parvient également à réunir un tiers des intentions de vote des Anti-Assistanat et des Identitaires.

Enfin, Jean-Luc Mélenchon s’impose comme le troisième homme de notre baromètre à 15% des intentions de vote (+0,5). Il poursuit sa dynamique en continuant d’arrimer à lui un électorat essentiellement issu de son socle traditionnel composé des clusters Multiculturalistes, Solidaires et Révoltés. L’hypothèse d’un vote utile au sein de ces clusters de gauche radicale prend forme. S’il veut espérer se qualifier au second tour, il faudrait pour Jean-Luc Mélenchon continuer à « siphonner » ces trois clusters dans lesquels il convainc déjà plus d’un électeur sur deux. Fabien Roussel, principal concurrent de J-L Mélenchon dans ces clusters perd un point et se retrouve à 3%. Yannick Jadot est en progression à 5,5% (+0,5).

Certains clusters sont encore très indécis

Trois clusters marquent une indécision plus importante que les autres vis-à-vis de leur choix de vote au 1er tour. Il s’agit des Sociaux-Démocrates, des Progressistes (gauche urbaine, modérée) et des Conservateurs (droite rurale modérée). Seuls deux tiers de ces électeurs disent être sûrs de leur choix au 1er tour. Cela laisse le jeu ouvert dans ces clusters dans lesquels Emmanuel Macron fait la course en tête. La cristallisation de leur choix sera d’autant plus décisive que les Sociaux-Démocrates sont un des clusters les plus certains d’aller voter. Des changements de choix pourraient donc avoir de lourdes conséquences. Pour les Sociaux-Démocrates et les Progressistes, il n’est pas surprenant de constater un tel taux d’incertitude. Emmanuel Macron peut s’apparenter davantage à un choix par défaut pour ces clusters en demande de redistribution économique et progressiste sur les enjeux culturels. Ils peuvent donc hésiter avec les candidatures issues de la social-démocratie et de l’écologie ou même avec J-L Mélenchon seul candidat issu de la gauche en situation de pouvoir se qualifier au second tour.

Les Conservateurs sont quant à eux perpétuellement indécis. C’est un cluster moins politisé qui ne vote pas de façon homogène à chaque élection. Si la crise ukrainienne a permis à Emmanuel Macron de percer dans ce cluster, les autres candidats de droite et d’extrême droite peuvent également espérer attirer ces électeurs très volatils. C’est également un cluster qui se dit peu certain d’aller voter : seuls 55% des Conservateurs se disent certains de participer au premier tour.

Baromètre hebdomadaire S12 : Présidentielle 2022

Macron solidement en tête malgré un début de baisse

Début de reflux pour Emmanuel Macron ?

« L’effet drapeau » observé ces quatre dernières semaines au profit d’Emmanuel Macron sur fond de guerre en Ukraine semble s’estomper. Emmanuel Macron reste largement en tête, à un niveau très solide à 27% mais on observe une baisse des intentions de vote pour la seconde fois consécutive (-1).

Sa relative baisse s’observe en particulier dans les clusters dans lesquels il était beaucoup monté à l’occasion de la crise ukrainienne : les Sociaux-Démocrates, les Sociaux-Républicains et les Conservateurs. Cependant, il demeure solide dans l’ensemble des clusters de sa coalition car peu concurrencé. Sa concurrente principale, Valérie Pécresse, ne parvient pas à retrouver la dynamique du début de campagne. La candidate LR reste 5e à 11% (+0,5).

Marine Le Pen toujours en 2nde position

Marine Le Pen conserve sa deuxième position à 17% (+0,5) et creuse encore l’écart avec son principal rival Eric Zemmour. Son socle constitué principalement par les électeurs Refractaires, Eurosceptiques et Sociaux-Patriotes semble même s’amplifier. Elle augmente son score dans deux de ces trois clusters, repasse en tête chez les Anti-Assistanat et se rapproche d’Eric Zemmour chez les Identitaires, cluster décisif pour ce camp politique.

Elle devance Jean-Luc Mélenchon qui se stabilise lui aussi à la 3eme place avec 14,5% des intentions de vote. Les propositions (RSA conditionné, retraite à 65 ans…) du candidat Emmanuel Macron pourraient « refroidir » les électeurs des clusters Sociaux-Démocrates et Progressistes de voter pour le Président au 1er tour et ainsi laisser un peu d’espace pour un autre candidat de gauche. C’est une des conditions pour Jean-Luc Mélenchon s’il souhaite passer le cap du 2nd tour. On observe d’ailleurs une légère baisse d’Emmanuel Macron chez les Sociaux-Démocrates. Jean-Luc Mélenchon y retrouve un score proche de celui fait en 2017 mais Yannick Jadot en profite aussi et passe deuxième au sein de ce cluster très favorable à l’UE. Le candidat écologiste est à 5% (-0,5). Il ne parvient pas à concurrencer sérieusement le président dans l’ancien socle de la « gauche de gouvernement » constitué par les Sociaux-Démocrates et les Progressistes ni dans la gauche radicale (Multiculturalistes) qui reste fidèle à la candidature Mélenchon.

Enfin, Fabien Roussel retrouve son score du mois de février à 4% (+0,5). Le candidat communiste obtient des scores intéressants au sein de la gauche radicale (Multiculturalistes, Solidaires) mais ne parvient pas pour le moment à augmenter ses intentions de vote au sein de ces clusters ni à élargir son socle à d’autres clusters.

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