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Baromètre hebdomadaire S16-1 : Présidentielle 2022

Emmanuel Macron creuse l’écart sur Marine Le Pen, la « coalition Mélenchon » divisée sur le second tour

Emmanuel Macron augmente l’écart avec Marine Le Pen à cinq jours du 2nd tour. Le principal enjeu pour les deux candidats est de s’assurer de la mobilisation de son électorat de 1er tour évidemment mais également de réunir une part significative du vote Mélenchon, ainsi que des électorats de Yannick Jadot, Éric Zemmour et Valérie Pécresse.

L’écart d’Emmanuel Macron repose sur un meilleur report de voix de ces candidats de 1er tour. A l’exception des électeurs d’Éric Zemmour, les autres choisissent tous majoritairement Emmanuel Macron. La principale inconnue repose sur l’abstention, notamment pour les électeurs de Jean-Luc Mélenchon qui sont encore plus de 50% à ne pas vouloir choisir et à se réfugier dans le vote blanc/nul ou l’abstention. Seuls 29% des électeurs du 1er tour de J-L Mélenchon basculeraient sur Emmanuel Macron et 16% voteraient pour Marine Le Pen.

La tripartition de l’espace politique qui s’est imposée la semaine dernière rend l’équation très difficile pour les deux protagonistes. En effet, les trois clusters principaux du vote Mélenchon sont tout à fait opposés à Macron sur l’axe économique et institutionnel et tout aussi radicalement opposés à Le Pen sur l’axe culturel-identitaire. Le « front républicain » est donc en voie de délitement et seul le cluster des Multiculturalistes continue de maintenir un semblant de « barrage », donnant seulement 2% d’intentions de vote à Marine Le Pen. Mais ce barrage est devenu bien fragile puisque 59% d’entre eux disent s’abstenir ou voter blanc dans notre enquête. Les autres clusters de la « coalition Mélenchon » renvoient Macron et Le Pen dos à dos : les Solidaires qui sont un cluster très à gauche économiquement mais très anti-élites et moins progressistes que les Multiculturalistes sur le plan sociétal placent Macron et Le Pen au coude-à-coude. Chez les Révoltés, Emmanuel Macron progresse par rapport à notre dernière enquête malgré un score relativement serré dans ce cluster « dégagiste », extrêmement populaire et fortement représenté dans les cités.

Emmanuel Macron peut continuer de compter sur les deux autres clusters de gauche, plus modérés pour maintenir la « digue » face au RN : les Sociaux-Démocrates et les Progressistes, deux clusters diplômés, pro-UE, choisissent massivement Emmanuel Macron et comptent bien moins s’abstenir que les clusters de la gauche radicale, ce qui est logique au vu des scores déjà très hauts obtenus par Emmanuel Macron au 1er tour dans cet électorat.

L’électorat Pécresse du premier tour se révèle lui aussi profondément divisée, tiraillée entre l’offre de stabilité pro-système incarnée par Emmanuel Macron, l’offre identitaire de Marine Le Pen et la tentation du non-vote. Le fait qu’aucune logique majoritaire ne s’impose pour l’instant dans cet électorat laisse présager des grandes difficultés que vont rencontrer les Républicains dans la période à venir, pris en tenaille entre l’offre macronienne d’un côté qui capte leur frange la plus élitaire et modérée et l’offre incarnée par le RN et Reconquête qui attire leur frange la plus radicale, antisystème et identitaire. Ainsi, par exemple, les Conservateurs, cluster volatil qui rassemble des électeurs de la petite droite, rurale, souvent retraitée continue de pencher vers Marine Le Pen, ce qui démontre la puissance de la demande d’une partie de l’ancienne droite de gouvernement sur les sujets sécuritaires et identitaires. Curieusement, la campagne de second tour de Marine Le Pen ne semble pas réellement destinée à répondre à cette demande. La candidate du RN semble avant tout soucieuse de ne pas cliver, peut-être pour entretenir la faible mobilisation de la gauche radicale, voire tenter d’en séduire une partie. Le problème de cette stratégie est d’être, en retour, faiblement mobilisatrice pour sa propre base électorale et de ne pas réellement enclenchée de dynamique, avec pour conséquence de voir l’écart se creuser inexorablement en sa défaveur avec Emmanuel Macron.

Baromètre hebdomadaire S15 : Présidentielle 2022

Emmanuel Macron d’une courte tête : pourquoi les scores sont-ils si serrés ?

Dans notre enquête réalisée entre le 13 et le 14 avril sur un échantillon de 3 329 électeurs, Emmanuel Macron dispose d’une courte avance sur Marine Le Pen : 53% pour le Président, 47% pour la candidate du RN. Pour la troisième accession du Rassemblement National au 2nd tour en 20 ans, cette fois-ci semble celle de la banalisation, d’une normalisation définitive de sa progression dans le champ institutionnel. Le Président de la République ne se trompe pas lorsqu’il affirme qu’il n’y a plus de « front républicain ».

La gauche radicale en partie spectatrice de ce 2nd tour

Ce front républicain émergeant dans les années 90, lorsque le parti de Jean-Marie Le Pen commençait à conquérir des villes puis en 2002 lors de son accession au 2nd tour, tenait par la mobilisation des électeurs de gauche.  De tous les électeurs de gauche, des plus modérés aux plus radicaux. En 2017 déjà, ce front semblait s’effriter. Aujourd’hui, notre enquête montre la rupture définitive du front républicain. Les clusters de gauche radicale qui ont largement voté Jean-Luc Mélenchon sont à l’heure actuelle spectateurs du 2nd tour. Voire même, pour certains d’entre eux, ils hésitent entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

En 2002, les étudiants faisaient grève dans les facs pour « emmerder le Front National ». Aujourd’hui la Sorbonne est occupée par des étudiants qui portent le slogan « Ni Macron ni Le Pen ». Ce qui est frappant c’est que Marine Le Pen ne fait plus peur. Ainsi une partie de la gauche est démobilisée dans cet entre-deux-tours et nombre de ces électeurs pourraient s’abstenir, renvoyant les deux protagoniste dos-à-dos. Est-ce la naissance d’un bloc « anti-Macron » ? C’est-à-dire d’une alliance objective similaire à celle du référendum de 2005 quand la gauche populaire avait voté avec les souverainistes de droite ?

Symbole de cette démobilisation, les Multiculturalistes, les Révoltés et les Solidaires qui ont voté à près de 70% pour Jean-Luc Mélenchon dimanche dernier comportent entre un tiers et la moitié d’électeurs qui pensent que « les choses resteront à peu près les mêmes quel que soit le Président élu » quand dans le même temps la gauche modérée (Les Sociaux-Démocrates et les Progressistes) qui a placé Macron en tête devant Mélenchon se sent plus concernée et déclare davantage vouloir voter pour Emmanuel Macron au 2nd tour. C’est avant tout grâce à cette gauche éduquée et diplômée que le « barrage » peut encore tenir, même très affaibli, face au RN.

Le phénomène nouveau de ce 2nd tour par rapport à 2017 c’est la progression de Marine Le Pen dans les clusters de gauche « mélenchonniste ». Il y a cinq ans, un électeur insoumis se posait principalement la question : « abstention ou Macron ? ». Aujourd’hui pour une part significative la question est « abstention, Macron ou Le Pen ? ». C’est notamment le cas dans les clusters Solidaires et Révoltés qui sont deux clusters populaires, le premier étant plutôt rural et âgé alors que le second est jeune, non diplômé, et plutôt urbain ou péri-urbain. Dans ces deux clusters, Marine Le Pen est estimée respectivement à 39% et 52% des suffrages exprimés. Un des principaux facteurs explicatifs est que Marine Le Pen colle davantage aux opinions de ces clusters sur deux des trois clivages fondamentaux de notre clusterisation : sur le clivage peuple/élite, elle incarne le dégagisme envers un supposé « système ». De même sur le clivage économique, elle semble mieux représenter les électeurs populaires de ces clusters de gauche, très majoritairement employés et ouvriers quand Emmanuel Macron incarne pour de nombreux électeurs le « président des riches ». A l’inverse chez les Multiculturalistes, le clivage identitaire demeure déterminant. Pour eux, l’alternative est donc entre non-choix (abstention ou votes blancs et nuls) ou Macron. Pour autant, Emmanuel Macron ne parvient pas à les mobiliser alors qu’ils détiennent en partie les clés de ce 2nd tour. 63% des Multiculturalistes excluent pour l’instant d’aller voter.

Les clusters de l’ancienne coalition de droite sont très clivés 

De l’autre côté de feu le « front républicain », l’horizon n’est pas beaucoup plus dégagé pour Emmanuel Macron. Dans l’ancienne coalition de droite républicaine qui avait porté Nicolas Sarkozy au pouvoir et voté largement François Fillon en 2017, les électeurs sont aujourd’hui très clivés.

Les Conservateurs qui constituent un cluster âgé, rural, très favorable à la stabilité et à ce que les choses continuent sans grand changement se portent aujourd’hui majoritairement sur Le Pen dans ce duel : 63% vs 37%. C’est une forme de « révolution » culturelle : L’ex-candidate du Frexit qui faisait peur à la petite droite épargnante, rurale et retraitée semble aujourd’hui être devenue un débouché politique pour ce segment en demande d’ordre. Toutefois, ce cluster, très volatil reste à convaincre et pourrait changer d’avis si jamais la candidate RN montrait des signes d’incompétence ou de radicalité trop marquée. Chez les Conservateurs, le débat d’entre-deux-tours et le commentaire médiatique qui en sera fait pourrait avoir une importance particulière.

Chez les Libéraux, qui constituent le cœur de la droite élitaire (60% avaient voté Fillon en 2017), très attachés au libéralisme économique, à l’UE, au rayonnement culturel de la France, Emmanuel Macron ne fait pas l’unanimité. Un tiers d’entre eux disent vouloir voter Le Pen dimanche prochain.

On peut l’interpréter de deux façons : la première c’est que Marine Le Pen a réussi en partie à se crédibiliser en montrant un visage moins radical. La seconde c’est que ces clusters de droite modérée sont tout de même radicaux sur le clivage identitaire. Clivage dans lequel Marine Le Pen est mieux-disante incarnant un positionnement hostile à l’immigration et à l’islam. La prééminence de ce clivage pour une partie sensible de l’électorat de droite permet d’ailleurs à Le Pen de maintenir une base extrêmement solide dans deux autres clusters ayant porté Nicolas Sarkozy au pouvoir : 70% chez les Anti-Assistanat et 94% chez les Identitaires.

En conclusion, le positionnement structural de Macron est particulièrement compliqué. Le « en même temps » est plus dur à tenir qu’il y a cinq ans. Sur l’économique et l’identitaire, s’il veut tenter de mobiliser l’électorat mélenchonniste, il risque de trop se découvrir dans la droite conservatrice et prend le risque de laisser une partie de cet électorat basculer en faveur de Marine Le Pen.

Baromètre hebdomadaire S14 – 2 : Présidentielle 2022

Macron – Le Pen qualifiables, Mélenchon troisième homme, abstention record ?

Pour notre ultime baromètre, la situation n’est toujours pas stabilisée. Emmanuel Macron demeure en tête avec 26% des intentions de vote. Derrière lui, Marine Le Pen poursuit sa dynamique à 21% (+1) tout comme Jean-Luc Mélenchon à 18% (+1). Le reste des prétendants pointe sous la barre des 10%. Valérie Pécresse à 9,5 (-0,5) et Éric Zemmour à 9,5 (-1,5) ne sont pas parvenus à enrayer leur dynamique baissière depuis un mois. Le 2nd tour semble hors de portée pour eux.

Emmanuel Macron parait avoir stoppé sa dynamique baissière

Le Président de la République retrouve une stabilité à deux jours du scrutin, avec 26% des intentions de vote. Certes, c’est un score inférieur à celui qu’il avait atteint lors de son entrée en campagne au moment de l’invasion militaire russe. Mais c’est un score supérieur à celui dont il disposait avant cette entrée en campagne. C’est également un score proche de celui qu’il avait obtenu en 2017. Son socle semble relativement solide. Il parvient toujours à capter une part importante de la gauche modérée (Sociaux-Démocrates et Progressistes) comme en 2017. Il mobilise aujourd’hui un électeur sur deux dans ces clusters qui auraient pu lui faire défaut si un candidat issu du bloc écolo-socialiste était parvenu à s’imposer. Le reste de sa coalition se compose de clusters peu politisés ou modérés (Apolitiques, Eclectiques, Sociaux-Républicains) et évidemment des Centristes. Par rapport à 2017, son barycentre se déporte légèrement à droite. Il a su capter durant son mandat et sa campagne une partie sensible du vote Fillon 2017 dont le cluster des Libéraux  représente le cœur battant. La campagne difficile de Valérie Pécresse a fini de lui ouvrir la voie et il semble représenter même une sorte de « vote utile » dans ce cluster de droite aisée, élitiste et pro-UE. Il est estimé à 45% chez les Libéraux contre 30% pour Valérie Pécresse, quand François Fillon avait atteint plus de 60% dans ce même cluster il y a cinq ans.

Marine Le Pen, le pari réussi de la banalisation ?

La candidate du RN a su résister à la sévère concurrence d’Éric Zemmour avec lequel elle faisait jeu égal au niveau des intentions de vote durant l’automne. La crise en Ukraine a inversé les dynamiques et Marine Le Pen a alors distancé très largement Éric Zemmour. Elle doit cette dynamique à la fidélité de ses clusters populaires qui composaient déjà le cœur de sa coalition en 2017 (Réfractaires, Eurosceptiques, Sociaux-Patriotes). Au sein de ces trois clusters, elle a amplifié son avance ces dernières semaines, Éric Zemmour étant désormais réduit à des scores quasi-anecdotiques dans cet électorat populaire de la France périphérique, aux positionnements « antisystème ».
En outre, c’est chez les « Identitaires » que la concurrence d’Éric Zemmour s’avérait la plus rude, ce qui est logique au vu de la radicalité de ce cluster sur les questions ethniques et culturelles. Mais même dans ce cluster, Marine Le Pen semble avoir inversé la tendance. Elle fait désormais jeu égal avec lui, alors qu’il la devançait largement pendant toute la campagne, atteignant parfois 50% des intentions de vote dans un cluster qui avait voté Le Pen à 46% il y a cinq ans.
Enfin, ce qui permet à Marine Le Pen de se positionner comme qualifiable au 2nd tour c’est non seulement cette extrême résilience de son « bloc populaire », mais c’est aussi la capacité qu’elle a eu à pénétrer des segments qui jusqu’ici lui échappaient. C’est le cas dans des clusters de la petite droite rurale, âgée et davantage modérée sur les questions ethno-culturelles à l’instar des Conservateurs dont elle convainc 28% des électeurs, se plaçant en deuxième position derrière Emmanuel Macron. De même chez les Anti-Assistanat, elle retrouve un leadership incontesté au sein de ce cluster légitimiste qui s’était montré très volatil, en particulier au début de la crise ukrainienne qui avait suscité une forte adhésion à la figure du président.

Jean-Luc Mélenchon boosté par le vote utile de gauche

Jean-Luc Mélenchon poursuit sa dynamique dans notre baromètre, à 18% (+1). Il capitalise sur les clusters de gauche populaire (Solidaires et Révoltés) et de gauche radicale (Multiculturalistes) dans des proportions similaires à celles observées en 2017. Le candidat insoumis a réussi à s’imposer face à des concurrents de gauche qui n’ont jamais été en position de lui disputer son leadership. Cette concurrence relativement faible des candidatures « écolo-socialistes » et communiste a permis d’enclencher une dynamique de « vote utile » en faveur de Jean-Luc Mélenchon à l’instar de ce qu’il s’était passé il y a cinq ans. Il retrouve également son score dans les clusters plus modérés, historiquement proches du PS (19% chez les Sociaux-Démocrates et 28% chez les Progressistes). Il progresse également chez les Apolitiques comme en 2017.
Cependant, des clusters plus conservateurs sur le plan sociétal dans lesquels il avait percé en 2017 (Sociaux-Républicains et Sociaux-Patriotes) semblent moins mobilisés cette fois-ci et pourraient lui manquer dans la compétition engagée avec Marine Le Pen pour la qualification au 2nd tour.

L’abstention pourrait impacter sensiblement les rapports de forces

Des bouleversements pourraient avoir lieu le jour du vote, ne serait-ce qu’en raison du niveau d’incertitude qui demeure relativement élevé dans l’électorat. En effet, un électeur sur cinq affirme ne pas être certain de son choix au 1er tour, ce qui atteste d’une relative fluidité de la situation électorale. D’autre part, la cristallisation ordinairement observée plusieurs jours avant le suffrage n’a pas eu lieu. Aujourd’hui encore, des dynamiques sont en cours principalement pour Le Pen et Mélenchon (à la hausse) et pour Pécresse et Zemmour (à la baisse). Ces dynamiques pourraient encore s’accroître dans les heures qui nous séparent du vote.
Enfin, la principale menace demeure le niveau de participation qui pourrait être exceptionnellement bas. Une abstention au moins équivalente à celle observée en 2002 devrait avoir des conséquences sur le niveau des votes. Elle toucherait en effet les candidats aux électorats plus populaires, plus jeunes et moins politisés, ce qui est principalement le cas de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.
Marine Le Pen a l’électorat le plus populaire et sa coalition comprend deux des clusters qui se disent les moins certains d’aller voter : les Réfractaires et les Eurosceptiques. Il faut également souligner qu’Éric Zemmour capte une part de la fraction la plus politisée et la plus mobilisée de l’ancien électorat mariniste de 2017 aggravant encore les risques que fait peser l’abstention sur le score de Marine Le Pen. Le risque est similaire pour Jean-Luc Mélenchon dont le cluster des Révoltés (issus principalement des quartiers HLM) constitue une part de son électorat. L’insoumis est également celui qui a l’électorat le plus jeune : 40% de son électorat a moins de 34 ans. Or, lorsque l’abstention est élevée, on sait qu’elle est décuplée chez les jeunes et dans les classes populaires. Cela pourrait entraîner un rééquilibrage au profit d’Emmanuel Macron mais aussi de Valérie Pécresse et d’Éric Zemmour qui ont un socle électoral plus aisé, plus âgé et donc plus votant que la moyenne.

Baromètre hebdomadaire S14 – 1 : Présidentielle 2022

A cinq jours du vote, Macron en baisse, Le Pen et Mélenchon en dynamique

Emmanuel Macron perd un point dans notre baromètre cette semaine à 26%. Il demeure stable au sein des clusters modérés et centraux mais c’est au sein de clusters constituant sa « jambe gauche » et sa « jambe droite » que le Président recule le plus fortement. D’abord chez les Sociaux-Démocrates et les Progressistes, où il était monté très haut lors de la crise en Ukraine. Ces deux clusters affichaient un soutien fort au Président depuis le début de nos baromètres. Mais les annonces qui ont marqué l’entrée en campagne d’Emmanuel Macron sur le RSA, les retraites ou l’éducation semblent rebuter certains électeurs de ces clusters de gauche économique, favorables à la redistribution et pro-service public. De même sur sa droite, le Président baisse chez les Conservateurs et les Anti-Assistanat après être monté très haut dans ces deux segments de l’électorat particulièrement volatils. Comme si l’effet de légitimité suscité par le début de la guerre avait subitement pris fin, le Président retombe à des scores proches de ceux qu’il connaissait avant la fin février.
En revanche, sa principale concurrente Marine Le Pen connait elle une dynamique ininterrompue depuis l’invasion russe. Elle se rapproche d’Emmanuel Macron en atteignant la barre des 20% (+2). Elle bénéficie de la solidité de sa base électorale (Eurosceptiques, Réfractaires, Sociaux-Patriotes) et capte un « vote utile » au détriment d’Éric Zemmour dans des clusters très radicaux sur les questions ethno-culturelles : les Anti-Assistanat et les Identitaires. Ce dernier cluster qui avait massivement voté Le Pen en 2017 était devenu le cœur de l’électorat Zemmour depuis son entrée dans le jeu politique. Il captait jusqu’alors 45 à 50% des Identitaires. Mais les courbes sont en train de s’inverser et les deux candidats font désormais quasiment jeu égal au sein de ce cluster décisif. Marine Le Pen parvient également à s’imposer dans un cluster rural, plutôt âgé et de classe moyenne, celui des Conservateurs. Un des principaux points communs entre ces clusters « lepénistes » est la sur-représentation d’électeurs habitant au cœur de la ruralité et de la « France périphérique ».

Enfin, nous nous orientons vers un match à trois dans lequel Jean-Luc Mélenchon fait figure de troisième homme. Avec Marine Le Pen, il est le seul candidat en dynamique dans cette dernière ligne droite, à 17% (+1). Il est désormais assez proche de son score de 2017 grâce à un effet de « vote utile » au sein des clusters traditionnels de la gauche radicale : les Multiculturalistes, les Révoltés et les Solidaires. Au sein de ces derniers, c’est Fabien Roussel qui pâtit de ce « vote utile » en faveur de Mélenchon. Le candidat communiste perd un demi-point à 2,5%, et il le perd principalement au sein de ce cluster, dont le profil est celui d’une « gauche de classe » dans laquelle il était monté assez haut.

Par ailleurs, Jean-Luc Mélenchon parvient dans ces derniers jours de campagne à retrouver une part significative d’électeurs Progressistes qui étaient partagés entre sa candidature, celle d’Emmanuel Macron et celle de Yannick Jadot. Le candidat insoumis atteint 32% dans ce cluster, juste derrière Emmanuel Macron qui tombe à 42%. Il retrouve ainsi son score de 2017 comme dans la quasi-totalité des autres clusters. Seuls les Sociaux-Républicains restent pour le moment plus éloignés du vote Mélenchon qu’en 2017. Alors qu’il avait réussi à capter 20% des électeurs de ce cluster il y a cinq ans, il plafonne aujourd’hui autour de 10%.

La principale inconnue qui pourrait tout changer demeure l’abstention. Si celle-ci était élevée, elle pourrait créer de lourds dégâts, en particulier pour les candidats ayant les électeurs les plus jeunes et les plus populaires : J-L. Mélenchon et M. Le Pen. Emmanuel Macron dont la dynamique baissière est ininterrompue depuis deux semaines doit également mobiliser l’ensemble de ses électeurs s’il veut maintenir son leadership sur le 1er tour et entrer dans le 2nd tour en position de force.

Baromètre hebdomadaire S13 : Présidentielle 2022

Emmanuel Macron stable, Le Pen et Mélenchon boostés par le « vote utile »

Si Emmanuel Macron demeure stable et en tête à 27%, l’écart continue de se resserrer avec Marine Le Pen. La candidate du Rassemblement National gagne 1 point et grimpe à 18% des intentions de vote, son plus haut niveau depuis l’automne et le début de nos baromètres. Elle a mieux encaissé le choc de l’invasion militaire russe que son principal concurrent Éric Zemmour et commence à enclencher une dynamique de « vote utile ». Dans les deux clusters les plus volatils et les plus hésitants, les Conservateurs et les Anti-Assistanat, elle passe en tête. Chez les Conservateurs, elle double même son score en l’espace de deux semaines quand dans le même temps Emmanuel Macron, monté très haut au début de la guerre baisse largement. Idem pour Éric Zemmour qui divise son score par deux en l’espace de deux semaines dans ce cluster âgé, rural, votant continuellement à droite à chaque élection. Chez les Anti-Assistanat, c’est le même schéma qui se dessine. Éric Zemmour poursuit sa chute, ce qui bénéficie logiquement en premier lieu à Marine Le Pen. On observe dans ce cluster deux dynamiques quasi symétriquement opposées entre les deux candidats identitaires. Il y a un mois, au début de la guerre en Ukraine, ils étaient à égalité. Désormais, la candidate du RN est à 40% d’intention de vote dans ce cluster quand le candidat Reconquête est tombé à 12%. Par conséquent, Marine Le Pen profite non seulement de la fidélité de ses clusters populaires originels (Eurosceptiques, Réfractaires, Sociaux-Patriotes) mais elle commence à élargir sa base à des clusters jusqu’ici hésitants qu’il faudra surveiller jusqu’au dernier moment en raison de leur extrême volatilité et incertitude depuis 3 mois.

Jean-Luc Mélenchon bénéficie lui aussi d’une dynamique de vote utile. Elle se cantonne pour l’instant davantage aux clusters constituant son socle électoral depuis 2017 (Multiculturalistes, Révoltés, Solidaires). Il obtient des scores très élevés au sein de ces trois clusters. L’enjeu pour lui repose d’abord sur sa capacité à mobiliser cette base en continuant à capter une partie des électeurs de Fabien Roussel qui plait à une partie non négligeable des clusters mélenchonistes et tout particulièrement aux Solidaires. Mais il lui faut également capter une partie du vote Jadot notamment dans le cluster des Progressistes. Dans ce cluster jeune, urbain, diplômé, écologiste et très ouvert sur les enjeux culturels, J-L Mélenchon avait réussi à incarner le vote utile en 2017 obtenant 33% des voix juste derrière Emmanuel Macron. Aujourd’hui, il est à 22% juste devant Yannick Jadot à 15%. Enfin, il faudra voir si la percée observée cette semaine dans le cluster très populaire et dégagiste des Réfractaires se confirme pour J-L Mélenchon, auquel cas ce serait un signe positif pour lui, ce cluster étant resté jusqu’ici plus distant qu’en 2017, où 17% de Réfractaires avaient voté Mélenchon.

Pour ces deux candidats, le doute repose sur l’engouement autour de la campagne et la participation de leur base électorale, réputée très fragile. En effet, pour des raisons tenant à la sociologie de leur électorat, Marine Le Pen, comme Jean-Luc Mélenchon pourraient être grandement affaiblis par une abstention élevée. Capter le vote des Eurosceptiques et des Sociaux-Patriotes sera, en revanche, sans doute plus difficile pour le candidat insoumis. Dans la concurrence avec Marine Le Pen pour l’accès au second tour, ces clusters pourraient se révéler particulièrement décisifs.

L’enjeu de dimanche prochain sera de voir qui du vote utile ou de la sociologie électorale prendra le dessus. Le premier profiterait forcément à Le Pen (en cas de siphonnage du vote Zemmour) et Mélenchon (en cas de siphonnage du vote Jadot et Roussel) mais la seconde peut être, pour ces deux candidatures, extrêmement défavorable en cas de faible participation.

La menace de l’abstention différentielle défavorable

Les élections régionales ont montré que le risque permanent pour le RN est l’abstention de son électorat. Idem pour Jean-Luc Mélenchon qui peine à mobiliser sa base lors d’élections intermédiaires présentant moins d’enjeux, tout particulièrement les quartiers de grands ensembles où les Révoltés, qui lui sont largement acquis, sont surreprésentés mais pourraient peu voter dimanche prochain si l’abstention devait être élevée.

La sociologie de l’électorat de ces deux candidats est en effet propice à subir une abstention différentielle défavorable. On sait que lorsque l’abstention est forte, elle est exponentielle dans les électorats populaires et au sein de la jeunesse. Or, Marine Le Pen possède la base électorale la plus populaire : les clusters Eurosceptiques, Réfractaires et Sociaux-Patriotes sont trois clusters extrêmement populaires et antisystèmes. Les Réfractaires et les Eurosceptiques sont d’ailleurs ceux qui se disent le moins certains d’aller voter : 62% et 64%. Idem pour le cluster très populaire des Révoltés qui plébiscite J-L Mélenchon : seuls 63% se disent certains d’aller voter.

En outre, pour Jean-Luc Mélenchon, la structure par âge de son électorat pourrait lui être extrêmement préjudiciable en cas d’abstention particulièrement haute. En effet, il est le candidat préféré des moins de 34 ans. Ce vote « jeune » présente l’inconvénient qu’il est ordinairement bien plus abstentionniste. Si cet électorat se mobilisait peu le jour du vote, cela pourrait avoir des conséquences désastreuses pour lui et lui faire perdre mécaniquement de précieux points dans la course au 2nd tour.

Baromètre hebdomadaire S12 – 2 : Présidentielle 2022

Emmanuel Macron stoppe sa baisse

Emmanuel Macron se stabilise à 27%, 10 points devant Le Pen

Après deux semaines de baisse consécutive, Emmanuel Macron retrouve de la stabilité à 27% des intentions de vote. Il maintient son socle dans ses clusters phares. On aurait pu penser que la crise ukrainienne lui aurait permis de conquérir durablement les clusters cibles Libéraux et Anti-Assistanat mais Valérie Pécresse se maintient à un bon niveau et repasse devant lui chez les Libéraux, cluster décisif de LR, et chez les Anti-Assistanat, cluster extrêmement volatil, il est dépassé par Marine Le Pen et rejoint par Valérie Pécresse.

Derrière, Marine Le Pen se maintient à 17% des intentions de vote comptant sur un socle très solide d’électeurs Réfractaires, Eurosceptiques et Sociaux-Patriotes, trois clusters dans lesquels elle est peu concurrencée. Malgré la concurrence d’Éric Zemmour elle parvient également à réunir un tiers des intentions de vote des Anti-Assistanat et des Identitaires.

Enfin, Jean-Luc Mélenchon s’impose comme le troisième homme de notre baromètre à 15% des intentions de vote (+0,5). Il poursuit sa dynamique en continuant d’arrimer à lui un électorat essentiellement issu de son socle traditionnel composé des clusters Multiculturalistes, Solidaires et Révoltés. L’hypothèse d’un vote utile au sein de ces clusters de gauche radicale prend forme. S’il veut espérer se qualifier au second tour, il faudrait pour Jean-Luc Mélenchon continuer à « siphonner » ces trois clusters dans lesquels il convainc déjà plus d’un électeur sur deux. Fabien Roussel, principal concurrent de J-L Mélenchon dans ces clusters perd un point et se retrouve à 3%. Yannick Jadot est en progression à 5,5% (+0,5).

Certains clusters sont encore très indécis

Trois clusters marquent une indécision plus importante que les autres vis-à-vis de leur choix de vote au 1er tour. Il s’agit des Sociaux-Démocrates, des Progressistes (gauche urbaine, modérée) et des Conservateurs (droite rurale modérée). Seuls deux tiers de ces électeurs disent être sûrs de leur choix au 1er tour. Cela laisse le jeu ouvert dans ces clusters dans lesquels Emmanuel Macron fait la course en tête. La cristallisation de leur choix sera d’autant plus décisive que les Sociaux-Démocrates sont un des clusters les plus certains d’aller voter. Des changements de choix pourraient donc avoir de lourdes conséquences. Pour les Sociaux-Démocrates et les Progressistes, il n’est pas surprenant de constater un tel taux d’incertitude. Emmanuel Macron peut s’apparenter davantage à un choix par défaut pour ces clusters en demande de redistribution économique et progressiste sur les enjeux culturels. Ils peuvent donc hésiter avec les candidatures issues de la social-démocratie et de l’écologie ou même avec J-L Mélenchon seul candidat issu de la gauche en situation de pouvoir se qualifier au second tour.

Les Conservateurs sont quant à eux perpétuellement indécis. C’est un cluster moins politisé qui ne vote pas de façon homogène à chaque élection. Si la crise ukrainienne a permis à Emmanuel Macron de percer dans ce cluster, les autres candidats de droite et d’extrême droite peuvent également espérer attirer ces électeurs très volatils. C’est également un cluster qui se dit peu certain d’aller voter : seuls 55% des Conservateurs se disent certains de participer au premier tour.

Baromètre hebdomadaire S12 : Présidentielle 2022

Macron solidement en tête malgré un début de baisse

Début de reflux pour Emmanuel Macron ?

« L’effet drapeau » observé ces quatre dernières semaines au profit d’Emmanuel Macron sur fond de guerre en Ukraine semble s’estomper. Emmanuel Macron reste largement en tête, à un niveau très solide à 27% mais on observe une baisse des intentions de vote pour la seconde fois consécutive (-1).

Sa relative baisse s’observe en particulier dans les clusters dans lesquels il était beaucoup monté à l’occasion de la crise ukrainienne : les Sociaux-Démocrates, les Sociaux-Républicains et les Conservateurs. Cependant, il demeure solide dans l’ensemble des clusters de sa coalition car peu concurrencé. Sa concurrente principale, Valérie Pécresse, ne parvient pas à retrouver la dynamique du début de campagne. La candidate LR reste 5e à 11% (+0,5).

Marine Le Pen toujours en 2nde position

Marine Le Pen conserve sa deuxième position à 17% (+0,5) et creuse encore l’écart avec son principal rival Eric Zemmour. Son socle constitué principalement par les électeurs Refractaires, Eurosceptiques et Sociaux-Patriotes semble même s’amplifier. Elle augmente son score dans deux de ces trois clusters, repasse en tête chez les Anti-Assistanat et se rapproche d’Eric Zemmour chez les Identitaires, cluster décisif pour ce camp politique.

Elle devance Jean-Luc Mélenchon qui se stabilise lui aussi à la 3eme place avec 14,5% des intentions de vote. Les propositions (RSA conditionné, retraite à 65 ans…) du candidat Emmanuel Macron pourraient « refroidir » les électeurs des clusters Sociaux-Démocrates et Progressistes de voter pour le Président au 1er tour et ainsi laisser un peu d’espace pour un autre candidat de gauche. C’est une des conditions pour Jean-Luc Mélenchon s’il souhaite passer le cap du 2nd tour. On observe d’ailleurs une légère baisse d’Emmanuel Macron chez les Sociaux-Démocrates. Jean-Luc Mélenchon y retrouve un score proche de celui fait en 2017 mais Yannick Jadot en profite aussi et passe deuxième au sein de ce cluster très favorable à l’UE. Le candidat écologiste est à 5% (-0,5). Il ne parvient pas à concurrencer sérieusement le président dans l’ancien socle de la « gauche de gouvernement » constitué par les Sociaux-Démocrates et les Progressistes ni dans la gauche radicale (Multiculturalistes) qui reste fidèle à la candidature Mélenchon.

Enfin, Fabien Roussel retrouve son score du mois de février à 4% (+0,5). Le candidat communiste obtient des scores intéressants au sein de la gauche radicale (Multiculturalistes, Solidaires) mais ne parvient pas pour le moment à augmenter ses intentions de vote au sein de ces clusters ni à élargir son socle à d’autres clusters.

Baromètre hebdomadaire S11 : Présidentielle 2022

Emmanuel Macron toujours en tête, Le Pen qualifiable, Mélenchon en embuscade

Emmanuel Macron maintient sa large coalition

Emmanuel Macron demeure en tête à 28 % des intentions de vote dans notre baromètre cette semaine (-1,5). Il s’appuie sur une base solide composée de clusters très divers sur le plan politique et culturel qu’il parvient à rassembler dans un contexte propice à la stabilité.

Les Sociaux-Démocrates et les Progressistes constituent son « aile gauche » : il est largement en tête dans ces deux clusters, loin devant les autres candidats écologiste et socialiste. Les Conservateurs, les Anti-Assistanat et les Libéraux forment son « aile droite ». Ces clusters qui avaient largement appuyé la candidature de François Fillon en 2017 se reportent massivement sur Emmanuel Macron pour l’instant, empêchant ainsi la candidature Pécresse de se déployer.

Enfin, l’assise « naturelle » du Président repose sur les clusters dépolitisés ou modérés : Centristes, Sociaux-Républicains, Apolitiques et Eclectiques qui affichent des intentions de vote très élevées en faveur d’Emmanuel Macron.

Pécresse face à une équation insoluble

Valérie Pécresse stagne à 10,5% et se retrouve à 6 points du 2nd tour. La campagne compliquée de Valérie Pécresse n’est pas seulement un problème d’image ou d’incarnation. Sa situation délicate provient en premier lieu de l’équation politique difficilement soluble qu’elle a à résoudre. Les clusters du vote Fillon 2017 sont fortement clivés, tentés d’un côté par Emmanuel Macron qui a attiré au fil de son mandat et au cours des dernières semaines la frange plus modérée, libérale, pro-UE et légitimiste (Les Libéraux et les Conservateurs) et de l’autre côté par Éric Zemmour qui tient une ligne dure sur l’immigration et la sécurité séduisant l’aile « Ciotti » des électeurs LR qu’on retrouve dans les clusters Anti-Assistanat et Identitaires.

Dans ce contexte, il est donc très difficile pour Valérie Pécresse d’unifier les clusters de l’ancienne coalition de droite : être mieux-disante qu’Emmanuel Macron sur l’économie et la stabilité du système est très difficile au vu du contexte et il lui est dans le même temps impossible de concurrencer Éric Zemmour sur son programme identitaire.

Cela étant, ce qu’il reste de l’électorat Pécresse est un électorat potentiellement plus votant que la moyenne. Dans le cas d’une abstention record, qui toucherait très probablement davantage Le Pen et Mélenchon, son score pourrait mécaniquement augmenter et la rapprocher du 2nd tour.

Marine Le Pen qualifiable, Jean-Luc Mélenchon dans le match du 2nd tour

Marine Le Pen demeure qualifiable au 2nd tour à 16,5% (+0,5). Elle maintient son avance sur son principal concurrent Éric Zemmour. Depuis le conflit en Ukraine ce dernier a perdu 4 points tandis que la candidate RN est restée stable. Elle semble avoir moins pâti de la cristallisation des débats autour du conflit militaire. Son socle, plus populaire, bâti de longue date, composé principalement d’Eurosceptiques, de Réfractaires et de Sociaux-Patriotes semble particulièrement solide. Et il y a peu de chance désormais pour qu’Éric Zemmour ou un autre candidat parvienne à fragiliser cet équilibre d’ici le 1er tour.

Le 3eme homme de notre baromètre est Jean-Luc Mélenchon à 14,5% (+0,5). Lui aussi dispose d’un socle solide bâti sur les clusters de gauche les plus radicaux et d’une concurrence relativement faible sur ce segment de l’électorat. Tous ces facteurs lui permettent d’espérer apparaître comme le « vote utile de gauche » à l’image de l’élection de 2017 et ainsi d’entrevoir le 2nd tour.

Mais comme pour Marine Le Pen, pèse sur Jean-Luc Mélenchon le risque de l’abstention. Ces deux candidats, dont les électeurs appartiennent à des clusters plutôt jeunes ou populaires seraient certainement les plus fragilisés en cas d’abstention très élevée. Le cluster des Révoltés (fidèle à Mélenchon) comme les clusters des Réfractaires et des Eurosceptiques (fidèles à Le Pen) font effet partie des clusters les plus abstentionnistes.

Baromètre hebdomadaire S10 : Présidentielle 2022

Macron très largement en tête, Le Pen qualifiable au 2nd tour. 

Emmanuel Macron continue sa hausse dans notre baromètre de la semaine, désormais à 29,5% (+1,5). Derrière Marine Le Pen crée l’écart, seule à 16% (+2) devant Jean-Luc Mélenchon. Éric Zemmour et Valérie Pécresse subissent chacun une forte baisse de 2,5 points cette semaine et se retrouvent désormais 4e et 5e à 12% et 10,5%. 

Après les Conservateurs, Emmanuel Macron perce chez les Anti-Assistanat 

La semaine dernière, nous avions mis en lumière la percée d’Emmanuel Macron dans le cluster des Conservateurs, cluster décisif car volatile. Emmanuel Macron avait semé la concurrence dans ce cluster qui se dispatche historiquement entre la droite et l’extrême droite. Le Président confirme son avance au sein de ce cluster cette semaine y réunissant toujours autour de 40% des intentions de vote.  

La nouveauté cette semaine provient du basculement des Anti-Assistanat vers Emmanuel Macron. Ce cluster est également l’un des plus volatiles, généralement divisé entre les candidatures identitaires et la droite traditionnelle. Jusqu’ici Emmanuel Macron se trouvait plutôt en retrait par rapport aux candidatures de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour parmi les Anti-Assistanat. Cette semaine, il les dépasse et monte à 30% des intentions de vote. Ce cluster, qui est l’un des plus « légitimistes », l’un des plus attachés à l’ordre perçoit certainement en Emmanuel Macron le garant de l’ordre économique et social dans un contexte politique rendu plus incertain en raison de la situation instable en Ukraine. 

Le coup de force d’Emmanuel Macron réside dans cette capacité à augmenter son score dans ces clusters radicaux, exclusivement de droite et « en même temps » de conserver sa large avance dans les clusters historiques du vote PS : les Sociaux-Démocrates et les Progressistes. Enfin, pour la première fois depuis deux mois, Emmanuel Macron dépasse Valérie Pécresse chez les Libéraux, cluster qui avait voté à 60% pour François Fillon et représente historiquement le cœur électoral du vote LR. 

Marine Le Pen distance Valérie Pécresse et Éric Zemmour grâce à un socle électoral fidèle 

Marine Le Pen distance cette semaine Éric Zemmour de 4 points. C’est la première fois depuis l’entrée en campagne d’Éric Zemmour que Marine Le Pen dispose d’un tel écart avec son concurrent principal dans la bataille pour le vote des clusters les plus attachés aux thématiques identitaires.   

Durant toute la campagne, c’est grâce à ses trois clusters-phares que Marine Le Pen est parvenue à se maintenir continuellement autour de la barre des 15%. Les Réfractaires, les Eurosceptiques et les Sociaux-Patriotes sont des clusters de salariés et d’ouvriers, déclassés et en forte demande de protections tant sociales que culturelles. Ils composent le cœur de l’électorat lepéniste. Éric Zemmour qui a tout de même grapillé des électeurs de Le Pen dans ces clusters n’a pour l’heure jamais réussi à véritablement s’y imposer. Il demeure, cependant, le candidat préféré des Identitaires, cluster dans lequel Marine Le Pen était arrivée en tête en 2017. Ce cluster très radical sur les questions ethno-culturelles et plutôt de « droite économique » est logiquement séduit par le candidat le plus radical sur ces thématiques. Cependant, cela ne suffit pas. Éric Zemmour ne parvient pas pour l’instant à convaincre une part suffisante d’électeurs dans les clusters lepénistes et dans ceux qui étaient jusqu’à présents acquis à la droite traditionnelle pour espérer se qualifier au second tour. 

A gauche, Jean-Luc Mélenchon maintient son avance  

Jean-Luc Mélenchon s’installe à la 3e place dans notre baromètre de la semaine. A l’instar de Marine Le Pen, l’insoumis dispose, depuis le début de la campagne, d’un socle fidèle et solide composé principalement des Multiculturalistes, des Solidaires et des Révoltés. A la différence de Marine Le Pen, la concurrence est, pour lui, moins rude sur ces clusters phares. Ni Yannick Jadot, ni Fabien Roussel ne semblent en mesure de convaincre une part importante de ces clusters de gauche radicale, ce qui assure à Jean-Luc Mélenchon une nette avance dans les sondages et lui permet de se présenter comme le « vote efficace » offrant la possibilité à un candidat de gauche d’accéder au second tour. Tout l’enjeu pour Jean-Luc Mélenchon est de parvenir à convaincre une part significative des autres clusters de gauche, en particulier des Progressistes et, dans une moindre mesure, des Sociaux-Démocrates de se tourner vers lui pour assurer une présence de gauche au second tour. 

Vers une démobilisation électorale ? 

Un des enjeux majeurs du 1er tour sera le niveau de l’abstention. Celle-ci pourrait être élevée, voire atteindre des niveaux records pour une élection présidentielle. On n’observe d’ailleurs aucune progression de la mobilisation alors que le scrutin approche. Nos graphiques ci-dessous montrent que les électeurs sont même moins nombreux que la semaine dernière à considérer que « l’élection présidentielle est plus importante que la précédente » ou qu’il « importe vraiment de savoir qui gagnera l’élection présidentielle ». Si l’abstention devait être très élevée, les scores des principaux candidats pourraient être bouleversés, en particulier celui de Marine Le Pen et dans une moindre mesure celui de Jean-Luc Mélenchon. La candidate du RN compte, en effet, dans sa coalition deux des clusters les plus abstentionnistes : les Réfractaires et les Eurosceptiques. Quant au candidat insoumis, il est particulièrement fort parmi les Révoltés, un cluster où l’abstention pourrait être record si l’élection se confirme comme étant un mauvais cru en termes de participation électorale. 

Baromètre hebdomadaire S09 : Présidentielle 2022

Le candidat Macron en forte dynamique

Dans notre baromètre réalisé parallèlement à sa déclaration officielle de candidature, Emmanuel Macron gagne 2,5 points et se retrouve à 28% d’intentions de vote. La situation internationale lui profite pleinement. A l’inverse, ses deux principaux concurrents, Éric Zemmour et Marine Le Pen tombent à 14,5% (-1,5).

Une part importante de Français qui ont pris fait et cause pour le peuple ukrainien (voir ici) se tournent logiquement vers Emmanuel Macron qui s’est placé dès le début de l’invasion du côté du président ukrainien Zelensky en adoptant notamment un flot de mesures contre le régime russe. A l’inverse, Éric Zemmour et Marine Le Pen davantage identifiés comme des candidats « proches » de Vladimir Poutine perdent des points à mesure que cette guerre avance et alors que leurs électeurs, comme le révélait notre précédente étude, sont particulièrement clivés sur cet enjeu (voir ici).

La percée d’Emmanuel Macron se situe dans la continuité de sa dynamique de la semaine dernière. Les clusters les moins politisés et les plus modérés le plébiscitent. C’est au sein des clusters Progressistes, Apolitiques, Eclectiques et Conservateurs que sa percée est la plus forte. Ces électeurs pourtant hétérogènes politiquement et sociologiquement se rassemblent autour de la figure consensuelle et rassurante du Président de la République. Sa fonction lui confère l’avantage d’être sur le devant de la scène, ce qui déclenche un réflexe « légitimiste » pour les électeurs modérés. Sa volonté d’opérer une médiation dans le conflit tout en affichant un soutien sans faille aux Ukrainiens fédère ces clusters pro-UE et libéraux, inquiets par le déclenchement de cette guerre en Europe. Concomitamment, les clusters déjà acquis à la cause du Président continuent de lui apporter un soutien élevé. Ainsi le Président fait le plein chez les Centristes (79%), obtient des scores très élevés chez les Sociaux-Démocrates (49%) et les Sociaux Républicains (48%) et continue de faire jeu égal avec Valérie Pécresse dans le cluster décisif pour l’avenir de la droite des Libéraux.

La bataille pour le vote des Conservateurs tourne à l’avantage de Macron

Ce cluster âgé, rural et de classe moyenne, défiant envers les propositions radicales et en forte demande de stabilité était jusqu’alors un des plus volatiles.

Le surgissement du conflit en Ukraine a provoqué fort logiquement des variations sensibles au sein de ce segment de l’électorat. Alors qu’il y a deux semaines, E. Macron, V. Pécresse et E. Zemmour étaient quasiment à égalité parmi les Conservateurs, depuis l’invasion russe, Emmanuel Macron a progressé jusqu’à 42% des intentions de vote au sein de ce cluster (+14). Dans le même temps Valérie Pécresse a divisé son score par deux, passant à 14% (-14) et Eric Zemmour est tombé à 11% (-11).

On observe bien un réflexe légitimiste en faveur du Président dans ce cluster. Il faudra scruter au cours des prochaines semaines si cette tendance se confirme, auquel cas ce serait principalement la candidature de Valérie Pécresse qui en souffrirait. En effet ce cluster compose avec les Libéraux l’électorat « naturel » des Républicains. C’est en ce sens un cluster décisif et la prééminence du clivage autour de la guerre en Ukraine pourrait constituer un effet d’« aubaine électoral » pour Emmanuel Macron.

Au-delà de ce cluster, la radicalité affichée par Éric Zemmour depuis le début de la campagne pourrait fragiliser sa tentative d’unifier les clusters allant de la droite modérée aux Identitaires, la situation appelant davantage à la retenue, au calme, à l’ordre et à la stabilité y compris au sein de clusters parfois radicaux. La baisse sondagière des candidats RN et Reconquête! profite par voie de conséquence à Valérie Pécresse qui se maintient à 13% (+0,5) et continue à entrevoir une possible qualification au 2nd tour. La situation géopolitique pourrait également jouer en sa faveur si elle se crédibilisait et apparaissait comme une alternative plus sérieuse que Zemmour et Le Pen, incarnant une forme de « rupture dans la stabilité ».

Jean-Luc Mélenchon dans le match pour le 2nd tour

La baisse des deux candidats identitaires permet également à Jean-Luc Mélenchon de se rapprocher du 2nd tour. Il demeure stable à 13,5% et semble ne pas avoir trop pâti des accusations de complicité avec le régime de Moscou proférées par certains de ses adversaires, même si sa dynamique haussière s’en trouve peut-être ralentie. Il se situe donc dans la course au 2nd tour à un point désormais de la qualification. Il lui faudra pour réaliser le « sorpasso » faire aussi bien qu’en 2017 au sein de ses clusters phares : Multiculturalistes, Solidaires et Révoltés et déjouer une abstention potentiellement forte au sein du cluster des Révoltés, un des clusters à plus haut risque d’abstention. Cependant, le « vote utile » de gauche qui s’était porté sur lui en 2017 pourrait lui échapper notamment en raison de la crise ukrainienne. Les électeurs indécis des clusters Sociaux-Démocrates et Progressistes pourraient en effet se tourner sur Emmanuel Macron dès le 1er tour, alors qu’une part significative d’entre eux avait voté pour le candidat insoumis en 2017, dans une logique de vote utile à gauche.

L’abandon de Christiane Taubira semble avoir profité à Yannick Jadot qui gagne un point cette semaine à 5,5%. Il augmente son socle dans les clusters naturels de la gauche « écolo-socialiste » : Multiculturalistes, Sociaux-Démocrates et Progressistes. Mais pour l’heure, ce socle demeure trop faible. Il faudrait pour Yannick Jadot incarner une alternative crédible à Emmanuel Macron, tenir une position d’équilibre entre propositions de rupture écologiques et sérieux économique. Sa position sur le conflit ukrainien, bien en phase avec la majorité du pays et des électeurs de gauche, pourrait également lui permettre de tirer son épingle du jeu (voir ici).

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