Analyses

Macron : Président réformateur et protecteur

Emmanuel Macron : président réformateur et protecteur ?

Nous avons testé avec notre partenaire Marianne l’opinion des français sur quelques phrases emblématiques prononcées par le Président Macron au cours du quinquennat. Le premier enseignement est que ces phrases, préparées ou non, ont clivé l’opinion, ce qui n’est pas négatif lorsque ces clivages se font au bénéfice du président et qu’il permette de coaliser ses clusters cibles. A l’inverse, elles peuvent coaliser les colères contre lui lorsque ses clusters rejoignent l’avis des clusters d’opposition. C’est le cas de la phrase prononcée face à un jeune chômeur qui disait ne pas trouver d’emploi dans son domaine de prédilection. Le président avait répondu « Moi, je traverse la rue et je vous en trouve un de travail ».

Cette affirmation est rejetée massivement dans l’opinion, par tous les clusters, y compris les clusters de prédilection d’Emmanuel Macron. On peut penser que cette phrase renforce l’image d’un président « déconnecté », alors que le chômage sévit et peut concerner de nombreuses familles dans le pays. Seuls les Libéraux, cluster phare de la droite de gouvernement et les Centristes éprouvent un accord très relatif, autour de 48%. Cela repositionne le Président « à droite » et remet de la latéralité droite-gauche dans le débat, ces deux clusters étant historiquement les pourvoyeurs principaux des votes UMP
et LR. Les autres clusters populaires ou de gauche modérée rejettent massivement cette affirmation, remettant ainsi en cause l’équilibre du Président qui repose sur la transversalité.
Les deux autres affirmations testées dans notre étude sont davantage favorables aux propos du Président de la République. Il retrouve cet équilibre entre des clusters de gauche modérée, de droite modérée et des clusters conservateurs, voire populaires. Ainsi, l’affirmation selon laquelle « on met un pognon de dingue dans les minima sociaux » est approuvée majoritairement dans l’opinion.

Cependant, elle participe également à une relatéralisation du clivage « gauche-droite ». Si ces phrases ont pour but de déstabiliser la droite, alors l’objectif est atteint. En effet, les clusters Libéraux, Conservateurs, Anti-Assistanat, Identitaires, Réfractaires et Conservateurs sont largement favorables à cette affirmation. Ces clusters forment l’assise à la fois du vote LR mais également du RN et d’Eric Zemmour. Nous ne sommes pas surpris que les Libéraux (cluster ayant voté Fillon à 60% en 2017) et les Anti-assistanat plébiscitent cette dénonciation d’un Etat qui engraisserait des « profiteurs », des « assistés », tout ce qui peut être sous-entendu dans une telle phrase.

Les électeurs Pécresse, Le Pen et Zemmour sont mêmes plus favorables aux propos du président que ses propres électeurs. Cette position peut avoir un certain avenir. Si le Président voulait affaiblir ses trois principaux poursuivants ; cliver sur le sujet des minima sociaux pourrait produire un effet sur leurs électeurs et il pourrait espérer ramener à lui certains d’entre eux. Notons que la compétition la plus rude se joue dans ces clusters indécis pour Macron, Pécresse, Le Pen et Zemmour : les Conservateurs, les Anti-assistanat et dans une moindre mesure les Libéraux. Ils sont tous les quatre en grande concurrence dans ces clusters qui votent traditionnellement à droite. Il y a donc des marqueurs et des propositions à formuler si l’on veut « tuer le match » dans ces clusters. Ce thème de l’assistanat semble faire consensus, ce qui n’est pas simple au sein de clusters qui ne sont pas toujours si homogènes sur les questions économiques. Notons que cette affirmation a également la faveur de trois autres clusters dans lesquels le Président est apprécié : les Centristes (coeur de son électorat), les Sociaux-Républicains et les Eclectiques. A l’inverse, les clusters de « gauche » modérée qui ont participé massivement à l’élection du Président en 2017 et qui lui restent pour le moment fidèles dans nos baromètres d’intentions de vote marquent un désaccord franc avec ces propos. Les Sociaux-Démocrates et les Progressistes sont ainsi 70% et 72% à être en désaccord. Ces clusters diplômés sont favorables à une économie de marché, mais également favorables à la régulation de l’économie et à la redistribution. La concurrence est certes plus faible pour le Président de ce côté-ci de l’électorat ; les candidatures Jadot, Hidalgo et Taubira étant à la peine. Cependant, si le candidat Macron prononçait des propos similaires durant la campagne, il leur
laisserait la possibilité de se refaire un matelas, alors qu’il est estimé actuellement à 47% chez les Sociaux-Démocrates et 33% chez les Progressistes. Le rejet massif de cette prise de position par l’électorat Jadot est un signal important, y compris dans une optique de 2nd tour pour le Président de la République qui aura besoin de ces électeurs s’il se retrouvait face à un candidat de droite ou d’extrême droite.
Enfin, nous avons testé l’affirmation « Les français sont des Gaulois réfractaires au changement ». Cette question est celle qui fait le plus ressurgir le « bloc Macron ». En effet, tous les clusters de sa coalition approuvent majoritairement cette affirmation : Sociaux-Démocrates, Progressistes, Centristes, Sociaux-Républicains, Libéraux. Ainsi 86% de ses électeurs se disent d’accord avec lui. Parallèlement, à l’instar de sa politique sanitaire, cette phrase d’E. Macron scinde l’électorat des autres candidats en deux. 64% des électeurs de V. Pécresse sont d’accord, 56% des électeurs de Yannick Jadot et même 50% des électeurs d’E. Zemmour. C’est donc une phrase « efficace » en ce qu’elle permet de fédérer un électorat de façon cohérente « et en même temps » d’envoyer des signaux aux électeurs indécis ou ayant l’intention de voter pour ses concurrents.

Alors que l’affirmation du président sur le « pognon de dingue » renvoie l’image d’un président libéral, celle-ci donne l’image d’un président réformateur qui veut faire évoluer la France. Alors que la première réinstaure le clivage « droite-gauche », la seconde le traverse et place le clivage sur « conservatisme vs réformisme », beaucoup plus favorable pour Emmanuel Macron.
Les Français ne semblent pas avoir mal pris cette affirmation bien qu’il convient cependant d’observer avec prudence ces réponses. En effet, on peut être d’accord avec ce propos sans pour autant souhaiter que les Gaulois ne soient plus « réfractaires ».
Enfin, la mise en place du « quoiqu’il en coûte » a certainement nuancé l’image que se font les français du Président. Alors que la première mi-temps du quinquennat à l’image de ces phrases fortes était placée sous le sceau de réformes « libérales », la seconde mi-temps, jouée face à la crise Covid a remis l’Etat-providence au centre. L’image d’Emmanuel Macron s’en trouve de fait, bouleversée. C’est sur cet équilibre entre réformes pro-entreprises et protections étatiques que la coalition d’Emmanuel Macron pourrait se fédérer à nouveau en avril 2022.

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Sur la politique sanitaire : une France coupée en deux

Dans notre étude réalisée en partenariat avec Marianne du 1er au 5 février, nous avons interrogé les français sur la politique sanitaire du gouvernement. A l’image de notre étude qui testait la réaction de l’opinion aux propos tenus par le Président de la République sur sa volonté « d’emmerder » les non vaccinés, nous constatons que la politique sanitaire suscite l’émergence de deux blocs quasiment équipotents : 44% des sondés soutiennent la politique sanitaire du gouvernement et 48% se dit favorable à l’obligation vaccinale quand l’autre moitié la rejette fermement. Cependant, 69% des français, soit une large majorité de français se déclare favorable à l’arrêt du port du masque. Ce clivage puissant autour de la politique sanitaire recoupe un clivage peuple/élite très marqué. Les clusters les plus diplômés sont pro-vaccins et plus favorables aux mesures prises par le gouvernement, tandis que les clusters populaires non diplômés s’opposent radicalement à la vaccination obligatoire et à la politique sanitaire menée depuis deux ans. Nous retrouvons ainsi logiquement cette opposition au niveau de l’électorat. Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen sont les plus opposés aux mesures gouvernementales. L’électorat d’Emmanuel Macron adhère quant à lui massivement aux mesures prises. Les électeurs de l’espace « écolo-social-démocrate » – Yannick Jadot, Anne Hidalgo, Christiane Taubira – sont extrêmement clivés, de même que les électeurs de Valérie Pécresse et dans une moindre mesure ceux d’Eric Zemmour.

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L’émergence d’un « bloc des colères »

Notre segmentation par cluster permet d’observer dans le détail comment s’articule ce qu’on pourrait appeler un « bloc des colères ». Nous observons comment le thème vaccinal unit les clusters de ce bloc et les met d’accord sur un point : l’opposition radicale à Emmanuel Macron. Nous voyons ainsi se dessiner un arc contestataire qui rassemble principalement six de nos seize clusters : les Multiculturalistes, les Solidaires, les Révoltés, les Réfractaires, les Eurosceptiques et les Sociaux-Patriotes. Ces six clusters ont en commun d’être des clusters populaires ou de classe moyenne inférieure, d’avoir soutenu massivement les gilets jaunes en 2019, de s’abstenir plus que les autres et de s’orienter principalement vers deux candidatures : celle de Jean-Luc Mélenchon (pour les Multiculturalistes, Solidaires, Révoltés) et Marine Le Pen (pour les clusters Réfractaires, Eurosceptiques et Sociaux-Patriotes). Ces clusters ont également en commun d’être les plus réfractaires au libéralisme et de façon générale au « système » incarné par des politiciens dont ils se méfient.

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A la question : « Êtes-vous pour ou contre la vaccination obligatoire », nous retrouvons donc en tête les Sociaux-Patriotes qui se disent très défavorables à 64% et assez défavorable à 15% (un rejet qui s’élève au total à 79%). Dans la même étude, 40% des électeurs de ce cluster disent avoir l’intention de voter Marine Le Pen et 24% pour Eric Zemmour. Le deuxième cluster le plus défavorable à la vaccination est le cluster des Révoltés : 64% se disent très défavorables à cette mesure, 13% se disent assez défavorables. Dans notre étude, 48% des électeurs de ce cluster très populaire et antisystème disent vouloir voter pour Jean-Luc Mélenchon en avril 2022. Les clusters les plus opposés à la vaccination obligatoire sont ensuite les Solidaires (65%), les Eurosceptiques, les Réfractaires (64%), et les Multiculturalistes (61%).

Pour autant, cette convergence est circonstanciée à la thématique sanitaire : un électeur Solidaire ne votera pas pour Marine Le Pen, de même qu’un Social-Patriote a très peu de chance de voter pour un candidat de gauche, bien que Jean-Luc Mélenchon ait réussi à faire des scores intéressants dans ces trois clusters lepénistes en 2017.

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Notre étude montre que l’électorat le plus radical sur la question vaccinale est celui de Jean-Luc Mélenchon dont 75% d’électeurs sont défavorables à la vaccination obligatoire. On comprend alors pourquoi le leader la France Insoumise tient des propos très clivants sur la politique sanitaire. Cela explique également pourquoi Adrien Quatennens a encouragé ses militants sur France Info jeudi 10 février à participer au « convoi de la liberté ». Si cette posture ultra-contestataire a pour objectif de fédérer les clusters populaires, elle n’en demeure pas moins risquée pour J-L Mélenchon qui doit augmenter ses intentions de vote chez les Sociaux-Démocrates et les Progressistes s’il veut retrouver un étiage proche de son score en 2017. Le même risque existe chez Marine Le Pen. A la fois, il lui faut « tenir sa base » populaire, au sein de laquelle elle subit la concurrence d’Eric Zemmour et en même temps, il lui faut poursuivre son élargissement notamment en cas de 2nd tour en évitant de paraître trop radicale pour des clusters moins acquis à sa cause.

En somme dans ce « bloc des colères » nous retrouvons les clusters qui ont le plus soutenu les gilets jaunes et qui sont aussi ceux qui votent le moins pour Emmanuel Macron. Ce sont les clusters phares de l’opposition politique au gouvernement. Ils sont sociologiquement l’antithèse du « bloc macroniste » qui soutient largement la politique sanitaire du président et la vaccination.

A l’inverse, Emmanuel Macron rassemble derrière lui un bloc homogène électoralement qui lui permet d’être assez serein si jamais ce clivage devenait majeur au cours des prochains jours à l’occasion du « convoi de la liberté », vaste mouvement de contestation des restrictions sanitaires.

Emmanuel Macron soutenu par un bloc élitaire

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Par effet de miroir, les clusters les plus favorables à la vaccination obligatoire et à la politique sanitaire du gouvernement sont les clusters les plus diplômés, les plus aisés, les plus métropolitains, les moins radicaux, en somme ils dessinent une France qui va bien et qui s’est portée en 2017 sur les candidatures Hamon, Fillon, Macron. Sur la question de la vaccination obligatoire, on retrouve tout d’abord les Centristes qui y sont favorables à 78%, puis les Sociaux-Démocrates (71%), les Libéraux (69%), les Sociaux-Républicains (59%) et les Conservateurs (57%). Plus surprenant, les Anti-Assistanats, cluster pourtant très contestataire qui dit dans notre étude vouloir voter Le Pen à 34% et Zemmour à 20%, est majoritairement favorable à la vaccination obligatoire (58%). C’est même le 2eme cluster qui se dit « très favorable » (38%) juste après les Centristes (39%).  Ce cluster Anti-Assistanat est le moins diplômé, il est extrêmement populaire et nous devrions donc le retrouver dans le « bloc des colères » mais sa nature particulière très pro-ordre peut expliquer ce positionnement en faveur de la vaccination. C’est aussi un cluster globalement âgé. Ce cluster avait déjà manifesté un soutien relatif aux propos du Président sur sa volonté « d’emmerder les non vaccinés » : 52% se disaient favorables sur « le fond » du propos. C’est le pari d’Emmanuel Macron qu’il avait réussi lors des gilets jaunes : faire passer les revendications anti-pass et anti-vax pour des trublions, une « chienlit » pour reprendre la célèbre formule gaullienne qui nuirait une fois de plus aux commerçants, à l’économie, à l’ordre public ; des éléments auxquels sont attachés des clusters radicaux comme les Anti-Assistanat ou les Identitaires. Ce clivage sanitaire est ainsi particulièrement intéressant pour Emmanuel Macron car il ne perd pas sa base et divise celle de ses concurrents.

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La politique sanitaire du gouvernement est ainsi majoritairement soutenue dans les clusters Centristes, Sociaux-Démocrates, Libéraux, Progressistes, Eclectiques et Sociaux-Républicains. Un autre cluster décisif, celui des Conservateurs, est partagé en deux : 51% adhèrent à la politique sanitaire du gouvernement depuis 2 ans, 49% la rejettent. Ce cluster âgé, rural, de classe moyenne, penchant à droite est actuellement particulièrement indécis et se partage de manière égale entre trois candidats dans nos intentions de vote : 27% disent vouloir voter Pécresse, 24% Le Pen, et 25% Macron. Ce dernier peut donc avoir intérêt à cliver au sein de ce cluster en agitant le thème sanitaire qui n’y fait pas consensus pour y maintenir une fragmentation électorale qui complique la tâche de Valérie Pécresse. Enfin, notons que la politique sanitaire rassemble une fois de plus la gauche modérée (Sociaux-Démocrates, Progressistes) et la droite modérée (Libéraux). Emmanuel Macron parvient à rassembler ces clusters diplômés qui naguère étaient opposés et votaient pour les deux partis structurant la Ve République : le PS et LR. Alors que ces clusters sont très clivés sur les questions identitaires et culturelles, leur volonté de stabilité économique et politique, le rejet des extrêmes et de la radicalité les réunit derrière la candidature du Président. C’est ainsi qu’Emmanuel Macron obtient 47% des intentions de vote des Sociaux-Démocrates, 33% des Progressistes et 34% chez les Libéraux. Emmanuel Macron parvient ainsi à empêcher une percée des candidats du pôle social-écologique (Taubira, Jadot, Hildago) et bloque, au moins pour l’instant, toute dynamique en faveur de Valérie Pécresse.

Les clusters Jadot, Roussel, Taubira, Hidalgo, Pécresse et Zemmour clivés sur la question sanitaire

Les électeurs du pôle « écolo-socialiste » sont les plus clivés sur les enjeux sanitaires. La moitié des électeurs de Jadot, Taubira et Hidalgo se disent très favorables ou assez favorables à la politique sanitaire du gouvernement. L’électorat de Fabien Roussel apparaît également clivé. L’équation est donc difficile à résoudre pour ces candidats dont les clusters constituent l’arc « naturel » du vote de gauche (Multiculturalistes, Sociaux-Démocrates, Progressistes et Solidaires) car ces clusters sont extrêmement divisés. Si les Sociaux-Démocrates et les Progressistes font partie des plus favorables à la politique sanitaire et à la vaccination, les Solidaires et les Multiculturalistes font partie des plus opposés.

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Il est donc extrêmement difficile pour eux de se positionner sur ces questions. Et l’on voit bien que ceux-ci adoptent parfois des positionnements fluctuants voire contradictoires à l’image de Christiane Taubira qui a évolué et appelle désormais sans ambiguïté à la vaccination. De même, Fabien Roussel a adopté une stratégie différenciante de Jean-Luc Mélenchon sur les questions sanitaires en encourageant à la vaccination la plus large. Son électorat selon le sondage est clivé bien que plutôt favorable à la vaccination obligatoire. Cependant, ces dernières semaines, il a réalisé une percée chez les Solidaires qui eux, sont majoritairement défavorables aux questions posées. Donc en insistant trop sur ce point dans l’optique de se différencier de Jean-Luc Mélenchon, il prend un risque vis-à-vis des Solidaires et des Multiculturalistes, soit des composantes centrales de la gauche radicale.

Eric Zemmour subit les mêmes tensions sur ces sujets. Son électorat réunit des électeurs extrêmement radicaux mais attachés à l’ordre. S’il remettait en cause le bienfondé de la vaccination et des mesures de restriction, il prendrait le risque de cliver des clusters qui y sont plutôt favorables et dans lesquels il réalise des bons scores : les Anti-Assistanat, les Identitaires et surtout les Libéraux (cluster qu’il cible en adoptant un programme assez proche de celui de François Fillon en 2017). On observe d’ailleurs qu’Eric Zemmour progresse au sein de ce cluster (autour de 20% des intentions) et une éventuelle percée dans ce cluster augmenterait considérablement ses chances d’accès au 2nd tour. Il a donc tout intérêt à ne pas se positionner sur le sanitaire. A l’inverse, Valérie Pécresse et Emmanuel Macron ont tout intérêt à essayer de l’emmener sur ce clivage orthogonal parmi ses électeurs.

On voit bien que ce thème sanitaire met tous les candidats en tension vis-à-vis de leur électorat à l’exception de Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. En conclusion, le clivage autour de la politique sanitaire est d’autant plus favorable pour Emmanuel Macron qu’il fédère sa coalition électorale tout en divisant potentiellement les coalitions adverses. En cela, la crise pandémique aura, jusqu’à présent, permis au Président de consolider son bloc électoral.

Jean-Yves Dormagen, Président de Cluster17

« Cluster17 doit être jugé sur ses résultats » – Le Point

Cluster17 est un projet inédit d’institut de sondages politiques. Jean-Yves Dormagen a choisi de se départir du système « particulièrement nébuleux » des panels d’internautes – appelés « access panels » dans le jargon des études statistiques. Son institut propose, lui, une segmentation de l’électorat en seize « clusters », censés représenter les seize sensibilités politique et idéologique qui composent l’électorat français.

Pourquoi Emmanuel Macron cherche-t-il à cliver sur la vaccination ?

Par Jean-Yves Dormagen

RÉSUMÉ

Les propos d’Emmanuel Macron paraissent bien avoir produit l’effet qui était probablement escompté. Ils comportent une authentique prise de risque car ils ont largement déplu sur la « forme », y compris au sein de clusters très favorables au Président et essentiels à sa réélection. Ils ont ainsi, sans doute, encore accentué certains problèmes d’images auxquels est confronté Emmanuel Macron depuis le début de son quinquennat. Mais la forme volontairement provocante des propos présidentiels était, sans doute, le prix à payer pour placer le clivage sanitaire au centre du débat. Car sur le fond – ce qui compte bien évidemment le plus en politique – ce clivage permet de fédérer à la fois les clusters de son aile gauche (Sociaux-Démocrates et, dans une moindre mesure, Progressistes), de son centre modéré (Sociaux-Républicains, Centristes) et de son aile droite (Libéraux). Une telle configuration présente un double avantage pour Emmanuel Macron : compliquer encore plus l’émergence d’une candidature issue de l’espace de la sociale-écologie et mettre sous tension celle qui apparaît aujourd’hui comme sa principale menace dans la perspective d’une réélection, Valérie Pécresse.

La coalition électorale de la candidate des Républicains se révèle, en effet, profondément divisée sur les propos tenus par le Chef de l’Etat. Pour des raisons similaires, Eric Zemmour n’a lui, non plus, guère intérêt à la mise au centre du débat du clivage sanitaire. Enfin, ce clivage comporte aussi des risques pour les candidats qui s’appuient pourtant principalement sur des clusters plus radicaux et plus antisystèmes. S’engager frontalement sur ce terrain pourrait, en effet, conduire Jean-Luc Mélenchon à s’éloigner encore plus des clusters de la gauche modérée. Quant à Marine Le Pen, si ce clivage peut lui assurer de prendre définitivement le leadership sur Eric Zemmour dans les groupes les plus antisystèmes, il comporte aussi le risque de l’éloigner des segments identitaires (Anti-Assistanats et Identitaires) porteurs d’une demande d’ordre et de sens des responsabilités. L’interview donnée par Emmanuel Macron au Parisien conduit donc bien à fédérer sur le fond sa coalition électorale tout en divisant les coalitions adverses. Mais l’opération ne sera une réussite que si les coûts en termes d’images ne se révèlent pas trop élevées et durables.

Ce début d’année 2022 marque le lancement politique de la pré-campagne du Président de la République. En politique, cliver est un art car il permet de coaliser et mobiliser un camp (majoritaire) contre un autre (qu’on espère minoritaire). Le clivage idéal est celui qui fédère sa coalition électorale et dans le même temps divise les coalitions adverses. A quelques mois de l’élection, le risque principal est de se tromper de clivage jusqu’à se retrouver minoritaire dans son propre camp comme François Hollande en 2016 lors de l’adoption de la loi Travail ou du débat sur la déchéance de nationalité. Mais cela peut aussi mener à la victoire comme pour Jacques Chirac en 2002 qui avait exploité le clivage sécuritaire après les attentats du 11 septembre 2001. Emmanuel Macron dispose à ce titre d’un avantage structurel : parce qu’il est le Président en exercice, il dispose des meilleurs leviers pour imposer ses thèmes dans le débat public. C’est ainsi qu’en quelques jours, Emmanuel Macron a coup sur coup clivé l’électorat pour tenter de faire réapparaître le clivage de 2017 entre d’un côté : le « camp de la raison », du « progrès » et de l’autre : « le camp populiste », « antisystème ». C’est à l’aune de cette stratégie qu’il faut interpréter les « polémiques » sur le pavoisement des monuments du drapeau européen et surtout sur l’interview au Parisien dans laquelle Emmanuel Macron évoque son envie « d’emmerder les non vaccinés ». Nous avons souhaité vérifier les conséquences de cette « provocation », sans doute calculée, en termes de clivages politiques grâce à notre méthode de clusterisation de l’électorat.

Dans le tableau ci-dessous nous présentons les réponses des électeurs par clusters à la question suivante : « Le Président de la République, Emmanuel Macron, a déclaré : « Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français. Eh bien là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder ». Que pensez-vous de cette phrase ? ».

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Le clivage sanitaire est un clivage pertinent pour Emmanuel Macron

Premier enseignement, l’interview donnée au Parisien a bien eu un effet très clivant puisqu’elle divise les électeurs en deux grands pôles de dimension comparable : un pôle de 50% qui n’est d’accord « ni sur la forme ni sur le fond » du propos face à un autre pôle composé de ceux qui sont « d’accord sur le fond mais pas sur la forme » (26%) et de ceux qui sont « d’accord à la fois sur le fond et sur la forme » (20%). Le but de l’interview n’était pas d’unir les Français mais bel et bien d’unir une potentielle coalition électorale, majoritaire si possible, tout en divisant les coalitions adverses.

L’enseignement principal pour Emmanuel Macron est que ses propos sont largement approuvés sur le « fond » par les clusters qui sont essentiels à sa réélection : Progressistes, Sociaux-Démocrates, Sociaux-Républicains, Centristes et Libéraux. Dans notre étude, le Président a le soutien de cette France diplômée, du « camp de la raison » qui a conduit à son élection en 2017. Les trois clusters les plus décisifs pour sa campagne partagent le positionnement sur le fond du Président : les Sociaux-Démocrates (gauche modérée), les Centristes (le cœur du macronisme) et les Libéraux (ex-cœur de l’électorat Fillon 2017).

Les « Sociaux-Démocrates » sont essentiels à la réussite d’Emmanuel Macron car leur adhésion au Président empêche toute percée d’une candidature issue de l’espace écolo-socialiste. Les « Libéraux » sont le cluster sur lequel se joue le plus intensément la concurrence entre le Président et Valérie Pécresse, la seule candidature susceptible de le menacer pour l’instant dans le cadre d’un second tour. Quant aux « Centristes », ils sont le cluster le plus acquis au Président. Ces trois clusters ont réagi de manière similaire à l’interview : ils partagent dans près de huit cas sur dix environ le « fond » du propos mais sont divisés sur la « forme ». Au sein de ces clusters modérés, la dimension familière et provocante des propos tenus n’a semble-t-il guère été appréciée.

Mais sur le fond, le clivage sanitaire fédère ces clusters car ils ont une répulsion naturelle et instinctive envers la radicalité et donc envers l’excessivité des propos « antivax ». Le rejet des « extrêmes », du « complotisme », du « populisme », est le liant de cet électorat macroniste originel. Cet électorat transversal se divise parfois profondément sur les questions identitaires et les sujets de société (immigration, GPA, sécurité…), mais il se fédère sur les enjeux économiques et démocratiques. La crise sanitaire est l’occasion de mettre en avant un « bilan », une « compétence », des « capacités de gouvernance » qui sont, là aussi, autant de vertus particulièrement valorisées par ces clusters composés pour une bonne part de cadres et de diplômés du supérieur. Le clivage sanitaire doit ainsi favoriser la coagulation d’un « bloc élitaire ». L’enjeu pour Emmanuel Macron est donc bel et bien ici d’installer des sujets sur lesquels ce « bloc » est susceptible de se réunir. La crise sanitaire permet cela et ce d’autant plus que l’enjeu vaccinal constitue un terrain miné pour ses opposants en particulier à droite et à l’extrême droite.

Un clivage inconfortable pour Valérie Pécresse

A l’instar du thème de l’Union Européenne, le thème sanitaire et vaccinal permet à Emmanuel Macron de mettre Valérie Pécresse en tension. La candidate LR a en effet une équation périlleuse à résoudre car sa coalition repose sur la combinaison d’un électorat européiste, « raisonnable », diplômée, peu radicale (les Libéraux) et de clusters plus clivés sur l’Europe, voire plus radicaux et plus antisystèmes : Identitaires et Anti-Assistanats. La formulation choc du Président de la République a bien eu l’effet qui était sans doute escomptée : elle a profondément divisé ces trois derniers clusters. Dans le même temps, elle produisait une forte adhésion parmi les Libéraux. Il est essentiel de souligner que ce cluster qui représente aujourd’hui un quart du vote en faveur de Valérie Pécresse est aussi l’un des clusters les plus en accord sur le fond avec les propos du Président (74%).

Il est par conséquent quasiment impossible pour Valérie Pécresse de s’exprimer sur le sujet sans prendre le risque de cliver au sein de sa propre coalition. Au moment même où elle se prononçait, elle aussi, très clairement en faveur de mesures contraignantes, l’adoption du pass vaccinal et la cristallisation du débat autour du vaccin divisait massivement son électorat et son parti (Les députés LR ont d’ailleurs adopté des positions très différentes lors du vote du pass vaccinal). Son engagement à « ressortir le Kärcher de la cave » pour « nettoyer les quartiers » doit se comprendre comme une tentative de contre-feu : il lui faut absolument replacer le débat sur des enjeux régaliens qui lui permettent d’unir ses clusters et d’espérer diviser la coalition d’Emmanuel Macron.

En somme, cette semaine préfigure sans doute l’affrontement à venir entre Emmanuel Macron et Valérie Pécresse : celui de la bataille pour l’imposition des clivages. Le premier doit affaiblir la seconde dans le cluster des « Libéraux » en se plaçant en rempart anti-populisme et en gardien du temple de la raison économique. Valérie Pécresse doit fédérer ses clusters – Conservateurs, Libéraux, Anti-Assistanat, Identitaires – en se montrant crédible sur les sujets de sécurité, de lutte contre l’immigration, de défense de la culture française…

Les électorats d’Eric Zemmour et de Marine Le Pen divisés

La mise en avant du débat sur le pass vaccinal met également en difficulté les deux candidats identitaires : Eric Zemmour et Marine Le Pen. Tous deux savent que leurs chances de réussite reposent sur leur capacité à ne pas se laisser « extrémiser ». C’est la stratégie de la normalisation pour Eric Zemmour, qui se présente comme « candidat du RPR », de la Droite en somme, et la stratégie de la dédiabolisation pour Marine Le Pen qui en écartant Florian Philippot du RN et en renonçant à la sortie de l’euro avait définitivement entériné une stratégie de recentrage.

Concernant l’interview choc du Président, les coalitions de ces deux candidats sont, elles-aussi, divisés. C’est pour Eric Zemmour que ce clivage sur les enjeux sanitaires est le plus difficile à gérer. Il ne s’y est pas trompé d’ailleurs en déclarant que cette sortie était un « piège d’Emmanuel Macron », accusant le chef de l’Etat de vouloir « faire du Covid le sujet de cette présidentielle ». En effet les deux clusters les plus indispensables au succès d’Eric Zemmour – les Identitaires et les Anti-assistanats – manifestent un soutien qui n’est pas négligeable, on l’a vu, au Président sur les non-vaccinés. Les Anti-Assistanats, bien qu’il s’agisse d’un cluster de droite radicale, sont, sur ce sujet, coupés en deux : 52% favorables sur « le fond » (dont 25% en accord sur le « fond et la forme ») contre 46% « d’accord ni sur le fond, ni sur la forme ». Cette situation s’explique, sans doute, par le fait qu’Identitaires et Anti-Assistanats compose des clusters en moyenne âgés et très attachés à l’ordre, à l’autorité et au respect des normes auquel fait explicitement référence la déclaration du Président lorsqu’il stigmatise les non-vaccinés comme étant de mauvais citoyens.

Pour Marine Le Pen, la situation se révèle un peu moins délicate. Ses clusters les plus fidèles sont beaucoup plus antisystèmes et concentrent une part significative des électeurs les plus sensibles aux arguments des antivax. Les Eurosceptiques et les Sociaux-Patriotes sont ainsi respectivement 71% et 84% à n’être d’accord « ni sur la forme ni sur le fond » avec l’interview du Président. Demeurent pour elle le problème de la crédibilité et l’enjeu de ne pas effrayer les clusters moins antisystèmes dont elle a besoin pour se qualifier et, plus encore, pour réunir des voix au second tour : les Identitaires, les Conservateurs, les Anti-Assistanats.

On le voit, ce clivage est un casse-tête pour les candidats identitaires. Remarquons d’ailleurs que dans cette situation inconfortable, aucun candidat n’a contesté formellement le fond de l’interview donnée au Parisien. Le risque de passer pour un « antivax » est trop grand, si risqué même qu’Eric Zemmour comme Marine Le Pen prennent le risque d’abandonner la frange la plus radicale de leurs clusters sur ce sujet à d’autres candidats moins pusillanimes, et moins menaçants électoralement tels que Florian Philippot ou Nicolas Dupont-Aignan.

Les Sociaux-Démocrates et les Progressistes ou l’impossible opposition de la gauche

Jean-Luc Mélenchon a fait, quant à lui, le choix de s’opposer au pass sanitaire et au pass vaccinal. Il peut se le permettre car il prend un peu moins de risque à s’opposer frontalement au Président sur cet enjeu que les autres candidats. Les trois clusters les plus importants de sa coalition – Multiculturalistes, Solidaires, Révoltés – sont parmi les plus hostiles aux propos du Président tant sur « le fond », que sur « la forme ». Faiblement concurrencé dans ces trois clusters à ce stade de la campagne, Jean-Luc Mélenchon peut s’opposer sans trop de risque, mais à condition de ne pas donner l’image d’un antivax car les Solidaires et, plus encore, les Multiculturalistes sont hostiles au complotisme antiscience. En s’affichant comme l’opposant numéro 1 à Emmanuel Macron et au pass vaccinal, Jean-Luc Mélenchon peut aussi espérer reconquérir le vote d’une partie des clusters populaires antisystèmes : Sociaux-Patriotes, Réfractaires et Eurosceptiques. Il avait su capter une partie de ces groupes en 2017, mais ceux-ci se sont fortement éloignés depuis, sans doute en raison des prises de position jugées comme trop favorables au multiculturalisme du leader Insoumis sur les enjeux identitaires. Ce positionnement comporte cependant un risque majeur : celui d’accentuer encore les clivages au sein de la gauche et d’éloigner toujours plus les Sociaux-Démocrates et, dans une moindre mesure, les Progressistes. Ces deux clusters de gauche modérée constituent le cœur historique de l’ancien électorat socialiste. En 2017, Jean-Luc Mélenchon avait bénéficié auprès d’eux d’un contexte favorable. Certes, ces clusters avaient largement voté pour Emmanuel Macron dont ils constituent le flanc gauche de sa coalition, mais ils s’étaient aussi significativement portés sur Jean-Luc Mélenchon : 22% parmi les Sociaux-Démocrates et 33% parmi les Progressistes. Le leader Insoumis était alors parvenu à incarner le vote utile à gauche dans un contexte d’effondrement de la candidature socialiste. S’il s’engage dans une opposition résolue au pass vaccinal, il risque d’éloigner les Progressistes et de s’aliéner définitivement les Sociaux-Démocrates. On le voit, selon que l’objectif est de prospérer sur le clivage antisystème ou d’incarner le « vote utile » à gauche, les positions à adopter par le leader Insoumis sur le clivage sanitaire ne peuvent être que très différentes.

Un tel choix peut s’avérer d’autant plus décisif que Yannick Jadot est un concurrent très sérieux dans ces deux clusters diplômés, aisés, urbains et déterminants pour l’avenir électoral des candidats de gauche. En incarnant une candidature sérieuse et en tenant des propos raisonnables, favorables à la vaccination et à la science, le candidat écologiste peut espérer concurrencer à la fois Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. Les termes de l’équation électorale à résoudre sont globalement les mêmes pour Christiane Taubira et Anne Hidalgo. Par une forme d’apaisement et de modération, ces candidatures semblent mieux placées que Jean-Luc Mélenchon pour séduire Progressistes et Sociaux-Démocrates sur les thématiques en lien avec la vaccination. Ces deux clusters sont fondamentaux pour les candidats marqués à gauche car leur adhésion dans des proportions encore très importantes au Président de la République empêche pour le moment toute dynamique en leur faveur dans les sondages.

Emmanuel Macron a-t-il eu tort de provoquer ainsi sur la forme ?

Au regard des résultats de notre étude, apporter une réponse à cette dernière question est plus complexe. La forme clivante du propos était, certainement, le prix à payer pour imposer à ce point dans l’espace médiatique le clivage sanitaire. Et de manière générale, les positions de fond sur les enjeux clivants sont bien plus décisives que les enjeux de forme, lesquels ne sont généralement que l’« écume des choses » pour reprendre la célèbre formule de Paul Valéry. Il n’en reste pas moins que la forme a déplu, y compris dans un cluster pourtant largement acquis au Président de la République, tel que les Centristes. Plus problématique peut-être, la forme délibérément brutale des propos du Président a réouvert la voie à des critiques récurrentes depuis le début de son quinquennat :  il ferait preuve d’une forme d’arrogance, voire de mépris envers les Français et tout particulièrement des catégories populaires et des moins éduqués. Dans cette perspective, les « non-vaccinés » d’Emmanuel Macron peuvent être considérés comme un équivalent des « déplorables » d’Hillary Clinton, une formule que Donald Trump avait su utiliser en 2016 pour dénoncer l’élitisme culturel des Démocrates et ainsi mobiliser les fractions populaires de son électorat. C’est, bien évidemment, ce qu’espèrent les concurrents du chef de l’Etat qui s’emploient depuis une semaine à déplacer la ligne du conflit sur la personnalité d’Emmanuel Macron et son supposé mépris social pour tenter d’éviter un clivage sanitaire sur lequel le Président de la République est le mieux positionné.

Étude réalisée par Cluster17 pour le compte du journal Marianne auprès d’un échantillon de 1 426 personnes inscrites sur les listes électorales issu d’un échantillon de 1 506 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. L’échantillon est réalisé selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, du type de communes et des régions de résidence. Questionnaire auto-administré en ligne. Interviews réalisées entre le 6 et le 8 janvier 2022. Les répondants ne sont pas rémunérés.

Marges d’erreur appliquées aux résultats ( 1 426 personnes) :
Pour un pourcentage de 5 % (1.1) ; 10 % (1,6); 20 % (2,1); 30 % (2,4); 40 % (2,5); 50 % (2,6); 60 % (2,5); 70 % (2,4); 80 % (2,1); 90 % (1,6); 95 % (1,1)

cluster5

Les personnalités françaises appréciées des clusters

Dans le cadre de son partenariat avec l’hebdomadaire Marianne, Cluster17 a sondé les 16 clusters afin de connaître les personnalités appréciées par chacun dans les catégories suivantes : chanteur, humoriste, sportif, acteur et journaliste. Les réponses obtenues et présentées dans cet article offrent un panorama des affinités de chacun des systèmes d’opinion.

Les électeurs de gauche largement favorables à l’idée d’une primaire

L’éventualité d’une primaire est largement plébiscitée par les électeurs se positionnant à gauche : les sympathisants de gauche sont 68% à être favorables à l’idée d’une primaire de la gauche, dont 45% « très favorables ». Ce soutien est largement majoritaire dans toutes les composantes de l’électorat de gauche : 67% de favorables parmi ceux qui envisagent de voter Jean-Luc Mélenchon, 67% de ceux qui envisagent de voter pour Yannick Jadot, 83% de ceux qui ont émis une intention de vote pour Christiane Taubira et 91% de ceux qui envisagent de voter pour Anne Hidalgo.

En cas d’organisation d’une telle primaire, 19% des Français se déclarent « certains » d’y participer. Ce total s’élève à 44% parmi les sympathisants de gauche. Ce potentiel de participation se répartit de manière relativement égale au sein des différentes composantes de la gauche électorale : 48% des électeurs déclarant une intention de vote pour Jean-Luc Mélenchon se déclarent « certains » de participer à cette éventuelle primaire contre 43% de ceux de Yannick Jadot, 54% de ceux de Christiane Taubira et 47% de ceux d’Anne Hidalgo.

Parmi les personnes qui déclarent une certitude de participer, ils seraient 37% à envisager de voter pour Jean-Luc Mélenchon dans le cadre de cette éventuelle primaire, 25% pour Christiane Taubira et 16% pour Yannick Jadot. Les autres candidats potentiels sont relativement distancés : Anne Hidalgo ne recueille que 8% des suffrages, à un point seulement de Philippe Poutou (7%). Suivent ensuite Arnaud Montebourg (5%) et Fabien Roussel (3%).

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Les Echos – Opinion | Pour une approche des sondages par « clusters »

Dans une société « archipellisée », les études d’opinion mesurent de plus en plus mal les évolutions, dénonce le politiste Jean-Yves Dormagen, qui propose une solution inspirée de la recherche fondamentale.

La France est l’un des pays les plus friands d’études d’opinion. Aucune élection au monde ne donne lieu à autant de sondages d’intentions de vote que la présidentielle française. Même les Américains, qui ont inventé cette technologie, n’en produisent pas autant. Pourtant, c’est aussi en France que l’aversion à l’innovation et à la recherche et développement dans le domaine des sondages est la plus marquée.

Lire l’article en intégralité sur Les Echos

vote cluster présidentielle 2017

Comment les clusters ont-ils voté lors de l’élection présidentielle 2017 ?

Comment les clusters ont ils voté lors de la présidentielle 2017 ?

 

Identitaires
Taux d'abstention: 20%
Le Pen 46%
Fillon 33%
Dupont-Aignan 11%
Macron 7%
Mélenchon 1%
Lassalle 1%
Asselineau 1%
Arthaud 0%
Poutou 0%
Hamon 0%
Cheminade 0%
Anti-Assistanat
Taux d'abstention: 23%
Le Pen 40%
Fillon 26%
Macron 19%
Dupont-Aignan 7%
Mélenchon 4%
Arthaud 1%
Hamon 1%
Lassalle 1%
Poutou 0%
Asselineau 0%
Cheminade 0%
Sociaux-Patriotes
Taux d'abstention: 26%
Le Pen 55%
Mélenchon 12%
Dupont-Aignan 10%
Fillon 7%
Macron 5%
Asselineau 4%
Lassalle 3%
Arthaud 1%
Poutou 1%
Hamon 1%
Cheminade 0%
Eurosceptiques
Taux d'abstention: 31%
Le Pen 58%
Mélenchon 12%
Macron 10%
Fillon 7%
Dupont-Aignan 7%
Hamon 3%
Arthaud 1%
Lassalle 1%
Asselineau 1%
Poutou 0%
Cheminade 0%
Réfractaires
Taux d'abstention: 35%
Le Pen 39%
Macron 18%
Mélenchon 17%
Fillon 8%
Dupont-Aignan 8%
Hamon 5%
Lassalle 2%
Asselineau 2%
Poutou 1%
Arthaud 0%
Cheminade 0%
Libéraux
Taux d'abstention: 14%
Fillon 60%
Macron 27%
Le Pen 8%
Dupont-Aignan 2%
Mélenchon 1%
Hamon 1%
Lassalle 1%
Asselineau 1%
Arthaud 0%
Poutou 0%
Cheminade 0%
Conservateurs
Taux d'abstention: 31%
Fillon 33%
Macron 25%
Le Pen 25%
Mélenchon 6%
Dupont-Aignan 5%
Hamon 2%
Asselineau 2%
Poutou 1%
Lassalle 1%
Arthaud 0%
Cheminade 0%
Eclectiques
Taux d'abstention: 35%
Macron 43%
Mélenchon 21%
Le Pen 10%
Fillon 9%
Hamon 8%
Dupont-Aignan 4%
Arthaud 1%
Lassalle 1%
Asselineau 1%
Poutou 0%
Cheminade 0%
Sociaux Républicains
Taux d'abstention: 21%
Macron 41%
Mélenchon 20%
Fillon 15%
Dupont-Aignan 7%
Hamon 6%
Le Pen 5%
Poutou 2%
Asselineau 2%
Arthaud 1%
Lassalle 1%
Cheminade 0%
Apolitiques
Taux d'abstention: 38%
Macron 34%
Mélenchon 24%
Fillon 12%
Hamon 10%
Le Pen 10%
Dupont-Aignan 3%
Poutou 2%
Lassalle 2%
Arthaud 1%
Asselineau 1%
Cheminade 1%
Révoltés
Taux d'abstention: 41%
Mélenchon 54%
Macron 14%
Le Pen 11%
Hamon 5%
Poutou 4%
Asselineau 4%
Dupont-Aignan 4%
Lassalle 3%
Fillon 3%
Arthaud 1%
Cheminade 0%
Centristes
Taux d'abstention: 15%
Macron 65%
Fillon 22%
Mélenchon 5%
Dupont-Aignan 3%
Arthaud 2%
Hamon 2%
Le Pen 1%
Poutou 0%
Lassalle 0%
Asselineau 0%
Cheminade 0%
Solidaires
Taux d'abstention: 23%
Mélenchon 64%
Hamon 13%
Macron 10%
Poutou 3%
Le Pen 3%
Arthaud 2%
Lassalle 1%
Asselineau 1%
Fillon 1%
Dupont-Aignan 1%
Cheminade 0%
Progressistes
Taux d'abstention: 23%
Macron 39%
Mélenchon 33%
Hamon 18%
Poutou 3%
Fillon 3%
Dupont-Aignan 2%
Lassalle 1%
Asselineau 1%
Arthaud 0%
Le Pen 0%
Cheminade 0%
Sociaux-Démocrates
Taux d'abstention: 18%
Macron 48%
Mélenchon 22%
Hamon 19%
Fillon 6%
Arthaud 1%
Poutou 1%
Lassalle 1%
Dupont-Aignan 1%
Le Pen 1%
Asselineau 0%
Cheminade 0%
Multiculturalistes
Taux d'abstention: 16%
Mélenchon 67%
Hamon 20%
Macron 8%
Poutou 3%
Arthaud 1%
Dupont-Aignan 1%
Lassalle 0%
Asselineau 0%
Fillon 0%
Le Pen 0%
Cheminade 0%
CLUSTER17

La droite prise en tenaille entre Macron et Zemmour/Le Pen

Comprendre le rétrécissement de l’électorat des Républicains et pourquoi il sera difficile d’inverser cette tendance

Par Jean-Yves Dormagen
@jydormagen

Les adhérents des Républicains désigneront le 4 décembre prochain, par un vote, leur candidat à l’élection présidentielle. A l’occasion de cette « primaire interne », Cluster17 a réalisé un sondage pour mieux comprendre les enjeux à droite du prochain scrutin présidentiel. Notre segmentation de l’électorat en clusters idéologiques permet d’éclairer les difficultés rencontrées par la droite depuis 2017 et les risques que présente pour elle la séquence électorale de 2022.

RÉSUMÉ

Notre dernière étude permet d’éclairer les enjeux de la campagne présidentielle pour Les Républicains. L’analyse par clusters offre la possibilité de préciser les contours de l’électorat potentiel de la droite française. Cinq clusters principaux composent la grande famille historique de la droite et du centre. Il s’agit des Centristes, des Libéraux, des Conservateurs, des Anti-Assistanat et des Identitaires. A eux seuls, ils concentrent, en effet, les trois quarts du vote de droite. Ce sont eux qui ont porté Nicolas Sarkozy au pouvoir en 2007 et qui ont apporté l’essentiel de ses voix à François Fillon en 2017. 

Le profil de ces cinq clusters révèle que l’électorat des Républicains, comme tous les électorats, est en réalité hétérogène. Il se rassemble sur certains clivages, tel le clivage économique, sur lequel il partage un point de vue libéral : hostilité aux 35 heures, sentiment qu’il y a trop d’aides sociales, qu’il faut réduire le nombre de fonctionnaires… Mais il tend aussi à se diviser sur d’autres questions tout aussi déterminantes comme les enjeux culturels et identitaires. Pour comprendre ces lignes de clivages, il est utile de distinguer entre clusters aisés et clusters plus populaires. Les deux clusters les plus aisés – Centristes et Libéraux – sont modérés et très pro-Union Européenne. Les trois clusters de classes moyennes et populaires – Conservateurs, Anti-Assistanat et Identitaires – sont plus radicaux et surtout demandeurs d’une offre porteuse, à des degrés divers, de leurs revendications identitaires.

Ces différences de systèmes d’opinions trouvent leur prolongement dans les préférences en matière de choix du meilleur candidat pour représenter les Républicains à la présidentielle. Les sympathisants Républicains présents dans les deux clusters modérés préfèrent Michel Barnier. A l’opposé, ceux des clusters plus populaires et identitaires penchent pour Xavier Bertrand. Quant à Valérie Pécresse, elle est le premier choix des Conservateurs.

Mais quel que soit le candidat qui sortira vainqueur le 4 décembre prochain, il devra relever un défi considérable : inverser la dynamique de rétrécissement de l’électorat des Républicains. Comme le montre notre étude, celle-ci résulte de la prise en tenaille de cet espace électoral par l’offre incarnée par Emmanuel Macron d’un côté et par celles des candidatures identitaires de l’autre, au premier rang desquelles celle d’Éric Zemmour. Comme le montrent nos intentions de votes par clusters, Emmanuel Macron est aujourd’hui très largement en tête dans les deux clusters modérés de la droite et du centre, y compris au sein des Libéraux qui représentaient encore le cœur battant de la campagne de François Fillon en 2017. A l’autre pôle de la droite, parmi les Anti-Assistanat et les Identitaires, Éric Zemmour et dans une moindre mesure Marine Le Pen font largement la course en tête.

Quel qu’il soit, le candidat républicain devra faire preuve de beaucoup de talent pour sortir de cette prise en tenaille et retrouver un score comparable à celui de François Fillon en 2017.

La grande famille de la droite se compose de cinq clusters idéologiques principaux

Parmi nos seize clusters, cinq relèvent de la famille politique de la droite et du centre (Tab. 1). Ils ont en commun de se positionner majoritairement à droite et au centre :  80% contre 31% dans le reste de la population. Ils représentent une part décisive du marché électoral de la droite : en 2017, ces cinq clusters ont ainsi fourni plus des trois quarts (83%) du total des suffrages obtenus par François Fillon. Ils constituent le socle historique des coalitions électorales qui ont porté la droite au pouvoir. En 2007, ces clusters ont voté à 88% pour Nicolas Sarkozy contre Ségolène Royal et ils lui ont à nouveau apporté 79% de leurs voix en 2012, pourtant dans un contexte de recul de la droite. Quatre de ces clusters concentrent à eux seuls près des trois quarts (71%) des électeurs déclarant une proximité partisane en faveur des Républicains (le cluster Les Centristes se distinguant des autres sur ce dernier point, cf. Tab 1).

L’analyse de ces cinq clusters conduit à souligner un premier point très important pour qui veut comprendre les dynamiques électorales en cours : comme tous les électorats, celui qui est susceptible de voter les Républicains est, en réalité, divers et hétérogène. Si certains clivages le rassemblent, d’autres, tout aussi importants, peuvent le diviser. Notre méthode de clusterisation le révèle très clairement. Au sein de l’électorat français, elle nous a permis d’identifier trois clivages principaux : multiculturalisme VS identitarisme, demande de stabilité VS demande de rupture et social-étatisme VS pro-entreprenariat. Les clusters de la droite et du centre sont principalement réunis par ce dernier clivage portant sur les enjeux économiques : à des degrés divers, tous les clusters de la droite et du centre sont favorables au libéralisme économique. Ils sont plutôt hostiles aux taxes, aux 35 heures, à « trop » de redistribution et ont tendance à considérer qu’il y a « trop de fonctionnaires en France ». Ils sont plutôt pro-entreprises et pro-marché. Sur les deux autres clivages, ils ont tendance à s’éloigner voire à se diviser. Et c’est là l’une des clefs de lecture principale, on va le constater, de la crise électorale actuelle de la droite. Pour comprendre les racines et les logiques de cette crise, il faut distinguer, ici, les clusters demandeurs de stabilité, en moyenne très diplômés et aisés, et les clusters demandeurs de rupture, plutôt populaires.

Nous avons identifié, au sein de la population française dans son ensemble, trois clusters particulièrement demandeurs de stabilité, tous en moyenne très diplômés et aisés. Deux d’entre eux sont des clusters du centre ou de la droite : les Centristes et les Libéraux . Ils se caractérisent par une forte demande de stabilité et par des positions modérées (pour les Centristes) à plutôt conservatrices (pour les Libéraux) sur les enjeux culturels et identitaires. Ces clusters sont aussi parmi les plus favorables à l’Union européenne et ceux dont les membres se sentent le plus « Européens ».

Sur ces clivages, les clusters de droite qui sont porteurs d’une demande de rupture et sont généralement plus populaires voire très populaires pour certains d’entre eux, ont des positions différentes, si ce n’est opposées. Les Conservateurs compose un cluster peu politisé, qui se caractérise par un rejet du multiculturalisme, mais sans atteindre la radicalité des Anti-Assistanat et des Identitaires . Ces deux derniers clusters réunissent, en effet, les segments de la population les plus hostiles au multiculturalisme, aux migrants et au libéralisme culturel. Ils comprennent d’ailleurs un certain nombre d’électeurs sceptiques sur l’Union européenne, voire pour une partie minoritaire d’entre eux favorables à une sortie de l’UE. En termes de radicalité également, des différences voire des oppositions sont décelables. Autant les Centristes et les Libéraux sont modérés et favorables à la stabilité, autant un cluster comme les Anti-Assistanat est porteur d’une certaine demande de transformations radicales.

L’électorat de la droite et du centre est partagé sur le choix du meilleur candidat

Lorsqu’on examine les préférences des différents clusters concernant le candidat qui portera les couleurs des Républicains, des premières tendances se dessinent. Aucun candidat ne s’impose réellement comme une évidence, puisque Xavier Bertrand est en tête (31%) mais avec une avance somme toute assez réduite sur Valérie Pécresse (26%), elle-même suivie d’assez près par Michel Barnier (23%). L’examen de ces résultats par clusters apporte quatre informations complémentaires. Xavier Bertrand est le seul candidat dont le score ne varie guère en fonction de la sensibilité idéologique des électeurs de la droite et du centre. Il faut, cependant, souligner qu’il est, en léger, retrait parmi les Libéraux, lesquels représentent le barycentre des Républicains et sont peut-être surreprésentés parmi les électeurs qui voteront au Congrès du parti. Valérie Pécresse est, quant à elle, sous-représentée au sein du cluster le plus radical sur les enjeux culturels : les Identitaires. A l’inverse, Éric Ciotti est logiquement au plus haut sur les clusters qui font des enjeux culturels et identitaires leur priorité politique. Il est d’ailleurs de loin le candidat le plus clivant au sein de la coalition électorale de la droite, obtenant la quasi-totalité de ses préférences parmi les Anti-Assistanat et les Identitaires et n’ayant quasiment aucun soutien dans les trois autres clusters. Enfin, Michel Barnier réalise ses meilleurs scores dans les deux clusters pro-Européens et demandeurs de stabilité : 32% chez les Libéraux et 31% chez les Centristes, soit dans des segments de la droite et du centre où son profil d’ancien commissaire européen est de nature à rassurer et à susciter l’adhésion.

Barnier VS Bertrand ou les deux pôles de l’électorat « Républicain »

Si ces résultats permettent de comprendre les préférences actuelles au sein des différentes composantes de l’électorat de la droite et du centre, ils ne sont en rien prédictifs des résultats du processus de désignation. Celui-ci dépend du vote des seuls adhérents Républicains, lesquels ne peuvent pas être sondés et ne sont probablement pas représentatifs des électeurs de droite et a fortiori du centre dans leur globalité. Nos propres résultats incitent d’ailleurs à la prudence et permettent de comprendre toute l’incertitude du scrutin dès lors que le corps électoral se restreint aux individus les plus convaincus. Lorsqu’on ne tient compte, en effet, que des électeurs déclarant une proximité avec les Républicains (15%), les rapports de forces évoluent sensiblement.

Parmi les sympathisants les Républicains des cinq clusters de droite, Michel Barnier fait jeu égal avec Xavier Bertrand : 32% contre 31%. Tous les autres candidats reculent chez les seuls sympathisants des Républicains, y compris Valérie Pécresse. La compétition entre Michel Barnier et Xavier Bertrand révèle alors les différentes sensibilités de l’électorat les Républicains : l’ancien commissaire européen est largement en tête dans les deux clusters pro-européens et demandeurs de stabilité (56% parmi les Centristes et 47% parmi les Libéraux), tandis que Xavier Bertrand est en position de leadership dans les deux clusters radicaux sur les enjeux culturels et sociétaux (39% chez les Anti-Assistanat et 39% chez les Identitaires). On le voit, ce duel potentiel active partiellement le clivage entre les deux pôles principaux de la droite : son pôle diplômé, aisé, pro-Européen et plus modéré d’un côté, et son pôle identitaire, plus populaire et plus radical de l’autre.

Pourquoi le candidat issu de la primaire aura du mal à retrouver le score de François Fillon en 2017

La difficulté pour les Républicains aujourd’hui réside précisément dans le fait que ces deux pôles sont en train de s’éloigner de plus en plus, captés par des offres mieux positionnées et mieux-disantes que la leur. Ainsi, le pôle modéré et demandeur de stabilité est de plus en plus attiré par Emmanuel Macron et LREM. Nos dernières mesures des intentions de votes par clusters le montrent très clairement. Emmanuel Macron est, aujourd’hui, en position quasi-hégémonique parmi les Centristes : 85% d’intentions de votes dans un cluster au sein duquel François Fillon obtenait encore 22% des voix en 2017 et où Xavier Bertrand (le candidat républicain que nous avons testé) n’obtiendrait plus que 4% des suffrages. La situation est moins compromise au sein du cluster qui fut le cœur battant de l’électorat de François Fillon : les Libéraux. Au sein de ce cluster diplômé, aisé et conservateur, Emmanuel Macron est cependant en tête : 41% contre 33% en faveur de Xavier Bertrand. Un tel score du candidat républicain représenterait un recul de 35 points par rapport à François Fillon parmi les Libéraux. À noter, la percée d’Éric Zemmour au sein de ce cluster où l’ancien journaliste du Figaro est crédité de 22% des intentions de votes.

Éric Zemmour constitue précisément, avec Marine Le Pen, l’autre grande menace qui pèse sur les chances de succès d’une candidature Républicaine. Chez les Identitaires, la percée d’Éric Zemmour est absolument fulgurante : 56% d’intentions de votes en sa faveur. Comme il s’agit d’un cluster de grande dimension (10% de l’électorat), les Identitaires apportent à eux seuls plus de 5 points d’intentions de vote globale à Éric Zemmour. La rapidité de sa progression au sein de cluster s’explique par le fait que les positions qu’il défend sont particulièrement bien ajustées au système d’opinion de ce segment de l’électorat. Marine Le Pen y occupe la seconde place avec 18% reléguant ainsi Xavier Bertrand à un modeste 9% dans un cluster qui avait pourtant accordé 33% de ses suffrages à François Fillon. L’hémorragie électorale est un peu moins prononcée chez les Anti-Assistanat, peut-être en raison de leur attachement à un programme très orienté à droite sur le plan économique. Il n’en reste pas moins que le vote Républicain y est aujourd’hui divisé de moitié par rapport à son niveau de 2017, ici au bénéfice d’Emmanuel Macron en légère progression et, plus encore, des deux candidatures identitaires qui réunissent ensemble 56% des intentions de votes (28% Eric Zemmour et 28% Marine Le Pen).

Le cluster des Conservateurs constitue dans cette perspective un véritable cas d’école. Ce cluster conservateur sur les enjeux culturels mais plutôt modéré vote traditionnellement à droite : en 2002, il préférait largement Jacques Chirac (85%) à Jean-Marie Le Pen (15%). En 2007, il votait à 81% en faveur de Nicolas Sarkozy face à Ségolène Royal. Mais depuis quelques années, il est au carrefour de toutes les recompositions à droite, subissant des forces centripètes qui le fragmentent littéralement. Ainsi, dès le premier tour de la dernière présidentielle, il se divisait en trois parts d’importances assez comparables : François Fillon (33%), Emmanuel Macron (25%) et Marine Le Pen (25%). Nos dernières intentions de votes sont révélatrices des évolutions en cours : Emmanuel Macron y est stable (33%) par rapport à son score de 2017, et les candidatures identitaires cumulées y sont en progression (37%, dont Éric Zemmour 23% et Marine Le Pen 14%), tandis que Xavier Bertrand (13%) y enregistre un recul de 20 points par rapport à François Fillon. C’est bien dans cette prise en tenaille entre la candidature d’Emmanuel Macron et les candidatures identitaires que réside l’explication du recul considérable du parti Les Républicains, dont l’espace électoral ne cesse de se réduire, y compris dans des clusters qui leur ont été longtemps fidèles.

Sauf évènement spectaculaire venant modifier le scénario de la campagne en cours, inverser cette tendance baissière représentera un challenge particulièrement difficile pour le candidat Républicain. L’analyse par clusters permet de bien se représenter l’ampleur du défi. Si le futur candidat s’adresse prioritairement aux deux clusters diplômés, aisés et modérés (Centristes et Libéraux) pour stopper l’hémorragie électorale au profit d’Emmanuel Macron, il risque de l’accélérer dans les clusters les plus identitaires (Anti-Assistanat, Identitaires) au profit d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen. S’il s’adresse prioritairement à ces derniers, c’est son flanc demandeur de stabilité qui se trouvera à découvert au plus grand bénéfice d’Emmanuel Macron. Quant à la stratégie habituelle des candidats Républicains – adopter un positionnement de droite médian susceptible de fédérer les cinq clusters de la coalition – elle risque, elle aussi, de se révéler inefficace. Cette position médiane sera, par définition, moins ajustée aux systèmes d’opinion de chacun des clusters que l’offre d’Emmanuel Macron sur les clusters demandeurs de stabilité et que l’offre des candidatures identitaires sur les clusters qui font des questions culturelles et sociétales l’enjeu majeur de la prochaine élection. On le comprend, les transformations accélérées de l’offre politique compliquent considérablement la tâche de celle ou de celui qui sera désigné par les adhérents des Républicains pour porter leur couleur à la prochaine présidentielle.

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