Analyses

Giorgia Meloni election campaign

Come si struttura l’elettorato italiano? 16 carte e 34 grafici per capirlo meglio

Domenica, la coalizione guidata da Giorgia Meloni dovrebbe vincere le elezioni legislative, spingendo la leader post-fascista alla testa del paese. Per capire come l’elettorato si è trasformato dal 2018, bisogna interessarsi ai suoi segmenti politico-ideologici.
Uno studio inedito di Jean-Yves Dormagen che analizza i gruppi che compongono le coalizioni italiane, ma che possono anche dividerle.

Giorgia Meloni election campaign

Comment se structure l’électorat italien

Ce dimanche, la coalition menée par Giorgia Meloni devrait remporter les élections générales italiennes, propulsant une dirigeante post-fasciste à la tête du pays. Pour saisir comment l’électorat a pu tant se transformer depuis 2018, il faut s’intéresser à ses grands segments politico-idéologiques. Dans cette étude inédite pour Le Grand Continent, Jean-Yves Dormagen livre une analyse des groupes qui compose les coalitions italiennes, ce qui les unit mais également ce qui est susceptible de les diviser.

Stade

Sport, Football, Joueurs : qu’en pensent les Français ?

Sport et clivages idéologiques : Qui regarde quoi ? Qui supporte qui ?

  • Le football demeure le sport le plus populaire avec 42% de répondants qui disent le suivre « de temps en temps » ou « régulièrement » dans les media. Le rugby et le tennis arrivent juste derrière avec 39% de fans. On trouve de fortes disparités locales liées aux histoires et aux traditions de chaque Région. Ainsi le foot est le sport le plus suivi dans le Grand-Est, les Hauts-de-France et en Normandie mais il est largement devancé par le rugby en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine.
  • En termes d’appartenance idéologique, les amateurs de foot sont les plus transversaux : on y retrouve 47% de Sociaux-Démocrates et 48% de Libéraux : deux clusters modérés de centre-gauche et centre-droit. Le foot est le sport favori des Multiculturalistes, cluster radical de gauche avec 44% de fans. Le Rugby a une répartition moins transversale avec moins de citoyens de gauche qui déclarent le regarder. Les clusters les plus friands de rugby sont les Centristes, les Libéraux, les Conservateurs, les Réfractaires et les Eurosceptiques. Les trois premiers sont plutôt des clusters modérés pro-Macron et les deux derniers des clusters très populaires qui votent Marine Le Pen.
    En termes d’électorat, les électeurs d’E. Macron et ceux de V. Pécresse sont ceux qui déclarent le plus suivre le sport quel qu’il soit. Cela dénote un clivage générationnel : ce sont les plus âgés qui suivent le plus le sport dans les media.
  • Le suivi médiatique du sport demeure genré : les hommes suivent à 58% le foot contre « seulement » 29% de femmes. Seul le tennis est à peu près égalitaire (42% d’hommes vs 36% de femmes). De même, demeure un clivage d’âge, les plus de 65 ans restent les premiers spectateurs de sport, hormis pour le football, qui est également bien suivi chez les jeunes. Socialement, le foot est également le plus homogène : 54% des ouvriers disent le suivre, tout comme 46% de cadres et professions intellectuelles. Le rugby est davantage suivi par les retraités et le tennis par les cadres et professions intellectuelles supérieures.

PSG : club préféré des français (surtout des plus aisés)

  • Parmi ceux qui déclarent avoir un club de foot préféré, le Paris-Saint-Germain arrive en tête avec 21% de supporters juste devant l’Olympique de Marseille avec 19%. L’Olympique Lyonnais arrive 3eme avec 9% de supporters.
  • Le PSG rassemble des supporters très opposés idéologiquement mais assez homogènes sur le plan économique. Club préféré des Sociaux-Démocrates, des Centristes et des Libéraux, ces trois clusters rassemblent les français les plus aisés de notre clusterisation et sont très favorables au Président de la République. Le PSG est également le club préféré des Anti-Assistanat et des Identitaires, deux clusters qui se revendiquent de droite, très opposés à l’immigration avec des positionnements plutôt élitaires et libéraux sur le plan économique.
  • L’OM a un socle plus populaire. Tout d’abord l’OM est le club préféré de trois clusters de gauche sur quatre : les Multiculturalistes, les Solidaires et les Progressistes. Les deux premiers clusters sont très radicaux, très « anti-système » et favorable à la redistribution économique. Une grande majorité d’entre eux a voté pour Jean-Luc Mélenchon. L’OM est également le club préféré des trois clusters qui comportent le plus d’ouvriers et d’employés non diplômés : les Eurosceptiques, les Réfractaires et les Sociaux-Patriotes. Trois clusters très anti-élites, très sociaux et plutôt anti-immigration. Une partie sensible d’entre eux votent Rassemblement National. Une partie moins importante s’est tournée vers la NUPES aux législatives. Enfin, l’OM est également le club préféré des Conservateurs, cluster plus âgé et plus rural de classe moyenne qui vote plutôt à droite.
  • Enfin, on perçoit la filiation entre certains clubs et leur territoire consacrant ainsi des enjeux de suprématie locale. L’OM est ainsi le club préféré des habitants de PACA avec 62% de supporters. Le PSG bien qu’il ait un ancrage géographique moindre, dispose de 42% de supporters chez les habitants d’Ile de France. Dans les Hauts-de-France, Lens devance Lille de deux points : 27% de supporters contre 25%. En Auvergne Rhône-Alpes, les Lyonnais dont le palmarès récent a conquis le cœur de nombreux français devancent leurs rivaux Stéphanois avec 39% de supporters contre 14%.

Les français votent « Zizou » à l’unanimité

  • Interrogés sur leurs trois joueurs préférés, les Français ont placé Zinédine Zidane largement en tête, loin devant Platini, Pelé et M’Bappé (joueur en activité préféré des français). Sans surprise, c’est surtout chez les plus de 50 ans que Michel Platini recueille de nombreux soutiens, faisant presque jeu égal avec Zizou chez les retraités. Killian M’Bappé est lui plébiscité par les moins de 35 ans qui le placent 2eme derrière Zidane.
  • Les tensions identitaires qui traversent le pays se retrouvent dans ce classement. On voit notamment que Karim Benzema est très soutenu dans des clusters « mélenchonnistes » (Multiculturalistes, Révoltés) ou de gauche culturelle (Progressistes) avec un taux de soutien entre 10 et 20%. Il est beaucoup moins apprécié par les clusters plus hostiles aux immigrés et à l’islam : les Sociaux-Patriotes, les Anti-Assistanat et les Identitaires qui sont à peine 4% à le citer parmi leurs trois joueurs préférés. A l’inverse, Olivier Giroud qu’on a longtemps opposé à Karim Benzema dans le débat public, peut compter sur une base de soutien forte dans les groupes identitaires : il obtient ainsi 18% de soutient chez les Sociaux-Patriotes et 16% chez les Identitaires. On retrouve donc logiquement un fort niveau de soutien à Benzema parmi les électeurs de Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron : 32% et 31% et a contrario un fort niveau de soutien en faveur Giroud chez les électeurs de Marine Le Pen et d’Eric Zemmour : 38% et 23%.
    Notons que le joueur préféré des électeurs de Jean-Luc Mélenchon est N’Golo Kanté qui récolte 42% de soutien parmi eux.

Cluster17 est le résultat d’un travail scientifique de plusieurs années qui a permis de créer un outil de sondages et une méthode d’analyse testée auprès de dizaines de milliers de personnes sur l’ensemble du territoire. Cette approche repose sur une segmentation inédite de la société française en 16 groupes homogènes : les Clusters. Ces derniers permettent une analyse plus fine de la société et sont au centre de notre production d’études d’opinion. Pour tout comprendre aux clusters et faire le test : https://cluster17.com/

Travail,-salaire,-assistanat,-quels-sont-les-clivages-RL

Travail, salaire, assistanat : quels sont les clivages qui traversent l’opinion ?

Alors que le Gouvernement prépare une réforme de l’assurance-chômage à la rentrée, nous avons interrogé les Français sur leur rapport au travail et à l’argent.

  • Travail nécessité VS Travail liberté : la permanence d’un clivage de classe

Le rapport au travail est fortement déterminé par la situation économique des répondants. Les clusters les plus aisés : Sociaux-Démocrates, Centristes et Libéraux, qui forment un axe modéré favorable au Président, sont les trois clusters qui partagent le plus l’affirmation selon laquelle « Le travail est une valeur essentielle permettant aux individus de s’épanouir ». Les Anti-Assistanat et les Identitaires, deux clusters de droite conservatrice partagent également pour une relative majorité d’entre eux cette idée. A l’inverse les électeurs plus radicaux et/ou populaires de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen qu’on retrouve dans les clusters Multiculturalistes, Révoltés, Eurosceptiques et Sociaux-Patriotes sont une large majorité à affirmer que « Le travail est juste un moyen pour subvenir à ses besoins ».

Si cette question fait ressortir un clivage de classe, les autres questions de notre enquête font davantage ressortir un clivage de nature idéologique.

  • Travail VS coût de la vie : un déséquilibre qui confine à l’urgence

Tout d’abord, la quasi-totalité de notre échantillon (93%) est d’accord avec le fait que « Le travail ne paie pas assez par rapport au coût de la vie ». Un tel score montre les difficultés que traverse la plupart des Français pour assurer un niveau de vie en lien avec leurs revenus. Les clusters populaires, qu’ils votent plutôt Jean-Luc Mélenchon (Multiculturalistes, Révoltés, Solidaires) ou plutôt Marine Le Pen (Réfractaires, Eurosceptiques, Sociaux-Patriotes) sont logiquement ceux qui semblent le plus en attente de hausses de salaire. On peut parler pour ces clusters d’urgence sociale, comme le laissait déjà voir notre étude sur l’inflation au mois de juillet (https://cluster17.com/les-francais-face-a-linflation/).

  • Salaire VS allocations : Une ligne de clivage idéologique et des clusters populaires divisés

L’affirmation « En France, on s’en sort plus facilement avec les revenus des allocations qu’avec un salaire » clive parfaitement l’opinion en deux blocs : 50% sont d’accord et 50% sont en désaccord. Les électeurs d’Éric Zemmour, de Marine Le Pen et de Valérie Pécresse partagent cette affirmation à plus de 69%. Les plus de 75 ans et les retraités également à plus de 60%. En termes de clusters, on voit se dessiner un clivage de nature idéologique fracturant le pays en deux. Les Multiculturalistes, les Sociaux-Démocrates, les Progressistes, les Solidaires, les Centristes, les Révoltés, les Apolitiques sont dans leur majorité en désaccord. En face, les Conservateurs, les Libéraux, les Réfractaires, les Eurosceptiques, les Sociaux-Patriotes, les Anti-Assistanat et les Identitaires sont majoritairement d’accord.

On voit que l’électorat du Président de la République est clivé sur cette question : les Centristes, les Sociaux-Républicains et les Sociaux-Démocrates, soit le flanc modéré de centre et centre-gauche, ne partagent pas les mêmes positions que les Libéraux et les Conservateurs qui constituent la fraction de droite de sa coalition.

Au contraire, l’électorat de Jean-Luc Mélenchon et plus généralement la gauche est tout à fait rassemblée contre cette affirmation qui peut être perçue comme une dénonciation de l’«assistanat ».

L’électorat de Marine Le Pen est quant à lui clivé. Les trois clusters populaires (Réfractaires, Eurosceptiques, Sociaux-Patriotes), composés de nombreux ouvriers et d’employés peu diplômés qui votent massivement pour elle (et qui sont une majorité dans nos enquêtes à ne pas se reconnaître dans le clivage gauche / droite) se positionnent ici avec la « droite » mais dans une majorité très relative. Cela peut être interprété en deux sens : à la fois leur salaire est trop bas et à la fois les allocations sont trop hautes, donc trop peu différenciantes de leur niveau de vie. Il s’agit sans doute autant d’un manque de reconnaissance du travail par le salaire que d’une forme d’injustice ressentie vis-à-vis des bénéficiaires des allocations, dans des groupes où le niveau de salaire est parfois inférieur à un SMIC à temps plein.

Nous avons testé deux autres mesures volontairement clivantes pour mettre en exergue ces clivages :

1/ « Il faut supprimer les allocations chômage au bout de 6 mois sans activité » : 32% des français interrogés sont d’accord et 68% en désaccord.

Nous retrouvons ici la même répartition que dans la question précédente. Seuls les clusters qui se positionnent à droite et qui votaient jadis pour l’UMP et LR sont majoritairement d’accord : les Conservateurs, les Libéraux, les Anti-Assistanat et les Identitaires. L’ensemble des autres clusters sont assez largement en désaccord, y compris les Centristes, ce qui démontre à quel point il serait difficile pour Emmanuel Macron de préserver l’équilibre de sa coalition si des mesures trop « radicales » venaient à être prises.

2/ « Supprimer le RSA aux allocataires s’ils ne travaillent pas 12h par semaine en contrepartie » : 56% des français interrogés sont d’accord et 44% sont en désaccord

Cette mesure fait davantage consensus et fait apparaître une majorité d’opinion. Les Centristes sont ici majoritairement d’accord. Les Apolitiques et les Sociaux-Républicains, deux clusters modérés, sont également majoritairement d’accord avec cette mesure.
De même, les Réfractaires basculent avec la majorité. Les Sociaux-Patriotes et les Eurosceptiques sont quant à eux très clivés, quasiment à 50-50. Le clivage qui traverse ces trois clusters populaires montre qu’il existe à la fois un risque pour Emmanuel Macron à cliver fortement sur des mesures qui peuvent paraître impopulaires mais également les difficultés pour Marine Le Pen à se positionner dans la mesure où sa base est profondément clivée sur ces enjeux. Les électorats d’Éric Zemmour et de Valérie Pécresse sont quant à eux très favorables à un durcissement des conditions d’attribution du RSA et des allocations.

Pour la gauche, les choses sont plus « simples » : l’ensemble de sa base électorale – qu’elle soit radicale (Multiculturalistes, Solidaires, Révoltés) ou modérée (Sociaux-Démocrates, Progressistes) – est en opposition avec la mise en place de telles mesures. Les débats qui s’amorcent au Parlement constituent ainsi l’occasion pour les partis membres de la NUPES de tenter de « récupérer » une partie des Sociaux-Démocrates et des Progressistes qui continuent d’adhérer sensiblement à l’action du Président de la République mais pourraient se trouver en porte-à-faux si des mesures perçues comme « anti-redistributives » ou « anti-assistanat » venaient à être adoptées.

De l’élection présidentielle aux élections législatives : pourquoi il n’y a pas de majorité politique dans le pays ?

La séquence électorale qui s’achève accouche d’une situation inédite : un président réélu hors situation de cohabitation – une première sous la Ve République – mais se retrouvant sans majorité absolue à la suite de son élection – une première depuis l’instauration du quinquennat.

Nous posions à l’issue du 1er tour de la présidentielle le constat dans le Monde Diplomatique que la consécration d’une tripartition de l’électorat, avec de profonds clivages entre les trois « pôles » de la vie politique, entrainerait le gagnant de la présidentielle dans une inéluctable mécanique minoritaire. Dans ce cadre tripolaire, le second tour de la présidentielle repose inéluctablement de plus en plus sur une logique de vote par défaut : l’électeur y procède plus par élimination du candidat le « pire », que par réelle adhésion au vainqueur. Dans ce contexte, l’élection législative laisse à voir davantage la réalité du paysage électoral : un pays éclaté autour de trois pôles largement incompatibles.

Emmanuel Macron affaibli sur sa droite et sur sa gauche

La coalition électorale d’Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle reposait sur un alliage inédit avec pour barycentre les Centristes autour desquels il avait su rassembler les clusters de gauche Sociaux-Démocrates et Progressistes (ancien cœur électoral du PS) et les clusters de droite Conservateurs et Libéraux (ancien cœur électoral de l’UMP). Lors de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron avait triomphé de ses adversaires pour constituer ce bloc du « en même temps » que l’on peut comparer au bloc qui avait voté « Oui » au référendum sur le traité constitutionnel européen de 2005. A sa gauche, il avait capté presque 50% des Sociaux-Démocrates, reléguant Jean-Luc Mélenchon presque 30 points derrière lui. A sa droite, il avait réuni également 50% des Libéraux, en parvenant à susciter une logique de vote utile au détriment de Valérie Pécresse, reléguée sous les 20% dans un cluster qui en 2017 avait voté aux deux tiers pour François Fillon…

Si Emmanuel Macron n’a pas pu reproduire cette opération lors des législatives, c’est en partie dû à la nature de l’élection, moins personnalisée et plus tributaire des marques politiques ainsi que de l’ancrage de chaque candidat. Mais c’est également dû à l’évolution de l’offre électorale entre les deux scrutins.

L’union de la gauche – coalisant l’ensemble des partis du PS à LFI – a permis à la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale (NUPES) de mieux concurrencer Emmanuel Macron dans les clusters Sociaux-Démocrates et Progressistes que ne le fit Jean-Luc Mélenchon lors de l’élection présidentielle. Cette résurgence d’un bloc de gauche « plurielle » a en effet permis à la NUPES de faire jeu égal avec la majorité présidentielle au sein de ces deux clusters modérés, bien insérés dans la mondialisation et pour lesquels la radicalité de Jean-Luc Mélenchon sur l’axe peuple-élite et sur l’axe économique opère comme un repoussoir. Ces électeurs mal représentés par l’offre actuelle – en raison de l’absence d’une offre sociale-démocrate forte – se sont finalement partagés à parts égales aux législatives entre la NUPES et la majorité présidentielle.

Sur sa droite, le faible ancrage territorial de Renaissance a permis aux candidats Les Républicains, qui sont mieux implantés, de « récupérer » une partie de leur électorat traditionnel : les Conservateurs et les Libéraux. Chez ces derniers, LR fait même jeu égal avec la majorité présidentielle, là où Valérie Pécresse avait été largement distancée.

C’est toutes les limites du « en même temps » : fédérer ces clusters de gauche et de droite est un équilibre subtil que le Président avait réussi à tenir grâce aux crises successives des gilets jaunes, du Covid et de l’Ukraine, en endossant le costume de la stabilité et de l’ordre, rassurant par là même cet électorat diplômé et aisé, hostile aux « extrêmes », au « dégagisme » et à toutes les formes de « populisme ». Pour cette coalition des modérés, Emmanuel Macron était indiscutablement plus crédible et attractif que Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon.

Mais les messages contradictoires envoyés pour séduire la gauche dans l’entre-deux-tours ainsi qu’à l’issue du second (« planification écologique », « nos vies valent mieux que leur profit », nomination de Pap N’Diaye à l’Education Nationale…) ont pu refroidir l’électorat conservateur qui s’est portée vers LR et, pour une part non négligeable en particulier au second tour, vers le RN, notamment dans un contexte où la thématique sécuritaire reprenait le dessus avec les incidents du Stade de France. Trop à droite pour la gauche, qui a sanctionné sa volonté de porter l’âge de départ à la retraite à 65 ans et trop à gauche pour la droite en particulier sur les enjeux sociétaux, voici ce qui a probablement causé la désarticulation de l’électorat « macroniste » en juin dernier.

La NUPES a réuni un bloc de gauche traditionnel

La NUPES a réalisé un bon score lors de ces législatives et, surtout, est parvenue à faire élire un nombre important de candidats : 151. Le contexte a fortement contribué à une perception globalement positive de ce résultat : la gauche était faiblement représentée dans l’ancienne Assemblée, nombre de commentateurs considéraient comme acquise une victoire de la majorité présidentielle aux législatives et la gauche était considérée comme moribonde voire en danger de disparition il y a encore 6 mois, au début de la campagne présidentielle. Mais ce résultat démontre également que la gauche unie sous la forme de la NUPES reste loin de la majorité électorale. Et la dynamique de campagne n’a pas été aussi porteuse que ne pouvaient l’espérer les leaders de la gauche. L’élan initial de la NUPES était pourtant bien réel. L’union, très attendue par l’électorat de gauche, a suscité un enthousiasme qui a permis à la NUPES d’imposer initialement le rythme de la campagne et de construire l’élection sur le mode d’un duel avec le Président. Si bien que l’alliance de gauche dépassait les 30% dans nos intentions de vote fin avril et début mai. La force de l’alliance reposait notamment sur le fait que le Parti Socialiste fasse partie de cet accord. Cela a permis dans un premier temps de créer un sursaut dans l’électorat de gauche, y compris au sein de ses segments modérés : la NUPES est même parvenue en début de campagne à dépasser, assez largement, la majorité présidentielle chez les Progressistes, ce que La France Insoumise, seule, ne pouvait aucunement espérer.

Mais cette dynamique s’est affaiblie au fil de la campagne. La NUPES s’est, en effet, révélée dans l’incapacité de conquérir les clusters de gauche modérée : en l’occurrence, les Progressistes et, plus encore, les Sociaux-Démocrates. En difficulté au début de la campagne, la majorité présidentielle est, en effet, parvenue à conserver une bonne part de son électorat au sein de ces deux clusters décisifs et les candidatures divers gauche, en particulier les dissidences socialistes, ont, elles aussi, obtenu de bons résultats sur ce segment de l’électorat. On le constate dans le tableau ci-dessous : les candidatures divers gauche sont parvenus à réunir 10% des Sociaux-Démocrates – mais aussi 10% des Sociaux-Républicains – soit une précieuse réserve de voix qui coûtera de nombreux sièges à la NUPES.

Le récit de la campagne et les quelques dissonances internes à la NUPES peuvent bien sûr tenir lieu de justification à cette dynamique négative de fin de campagne. Mais la clusterisation permet d’identifier des logiques plus profondes. En réalité, la dynamique baissière de la fin de la campagne relève d’un désajustement structurel entre la demande de ces deux clusters de gauche modérée et l’offre politique incarnée aujourd’hui par la NUPES. Cet électorat Progressiste et Social-Démocrate se positionne certes à gauche sur les valeurs et sur les questions culturelles, mais c’est sur le clivage peuple VS élite et économie de marché VS économie régulée que ces électeurs peinent à s’identifier dans les positions de la NUPES. En effet, ces électeurs sont plutôt élitaires et en demande de stabilité politique et économique. Pour cette raison, la personnalité de Jean-Luc Mélenchon suscite un rejet important au sein de ces deux clusters. En témoigne notre dernier baromètre de personnalité dans lequel les Sociaux-Démocrates et les Progressistes déclarent « rejeter » à plus de 50% la personnalité de Jean-Luc Mélenchon. Dans ce contexte, faire campagne sur le thème « Mélenchon premier Ministre » ne pouvait que conduire à la défection d’une partie des électeurs Sociaux-Démocrates et Progressistes, qui ont alors préféré rester fidèles à la majorité présidentielle ou ont choisi les candidatures « divers gauche ».

Du fait de cette relative incapacité à élargir significativement sa base de soutien, la structure sociologique et politique de l’électorat de la NUPES demeure la même que celle de la coalition qui a voté Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle : elle réunit l’intégralité de la gauche « radicale » (clusters Multiculturalistes, Solidaires et Révoltés). Elle réunit la jeunesse diplômée, une bonne partie des employés et des ouvriers, une petite bourgeoisie citadine et arrive en tête chez les professions intermédiaires au sein desquels on retrouve tout le corps des professeurs des écoles. La fonction publique diplômée a largement plébiscitée l’alliance de la gauche. Demeure la difficulté à reconquérir les anciens électeurs ouvriers, appartenant principalement aux clusters Réfractaires, Eurosceptiques et Sociaux-Patriotes. Ces électeurs en forte demande de protections économiques sont également les plus « dégagistes » et sont extrêmement défiants vis-à-vis de l’islam et de l’immigration. Ils habitent pour une bonne partie « La France Périphérique » et appartiennent aux franges les moins diplômés et les plus populaires du pays. Si jusqu’à l’élection de François Hollande, ils pouvaient encore voter à gauche au second tour, ils demeurent majoritairement fidèles soit à l’abstention soit au Rassemblement National, qu’ils ont placé largement en tête une fois de plus aux législatives. Au second tour, la NUPES, qui pouvait espérer profiter d’un report de voix favorable dans ces groupes très « anti-système » lors des duels l’opposant à la majorité présidentielle, n’a pu finalement compter que sur une très faible mobilisation de ces clusters en sa faveur. Ils n’ont donc pas joué ce rôle d’arbitre qui aurait permis à la gauche unie de conquérir plus de sièges.

Le RN, de la radicalité au parti de l’ordre : consécration de la dédiabolisation

Le Rassemblement National a été l’un des grands bénéficiaires de ces élections législatives. Comme pour la NUPES et même plus encore que la gauche unie, il a bénéficié d’un niveau d’attentes qui était bien plus faible que les résultat obtenus. Les 89 députés élus au soir du second tour ont constitué une heureuse surprise pour les responsables RN eux-mêmes. Cette réussite s’explique par la capacité du RN à se banaliser et à s’institutionnaliser. Déjà lors du second tour de l’élection présidentielle, Marine Le Pen avait amélioré son score, profitant non seulement de la fin du front républicain – donc de l’abstention d’une large part des clusters de gauche – mais également d’une progression dans des clusters de droite modérée, en particulier parmi les Conservateurs, un cluster composé en partie de petits retraités vivant en monde rural. Cette stratégie visant à rassurer notamment l’électorat âgé a fonctionné parce qu’elle n’a pas entamé la popularité de Marine Le Pen et du RN dans les clusters populaires. C’est cet équilibre pour l’instant réussi entre des clusters demandeurs d’ordre et des clusters demandeurs de transformations radicales qui permet au Rassemblement National de s’étendre. Marine Le Pen n’a plus besoin de défendre des positions clivantes pour séduire un électorat populaire : leur fidélité semble durablement acquise. Son positionnement légèrement moins social et « dégagiste » que par le passé aurait pu entamer son crédit dans cet électorat, mais les autres offres politiques ne sont pas concurrentielles : elle demeure la seule pour ces clusters à se poser à la fois comme opposée à l’économie mondialisée et opposée à l’immigration. Ni Éric Zemmour, trop « élitaire », ni Jean-Luc Mélenchon, trop « multiculturaliste », ne parviennent donc à la concurrencer sur ces segments où elle reste très nettement mieux-disante.

La stratégie du RN se révèle payante dès le premier tour, où il obtient de bons scores relativement aux élections législatives précédentes et malgré le très haut niveau d’abstention, grâce sans doute à l’élargissement de sa base à des publics qui votaient traditionnellement pour la droite. Cette « réussite » est encore plus manifeste au second tour, où pour la première fois le RN profite de reports de voix significatifs en provenance de la droite traditionnelle (Conservateurs et Libéraux). Il profite aussi de très bons reports en provenance de la « bourgeoisie nationale » pour reprendre la terminologie du leader de Reconquête : l’électorat Identitaire qui a, par exemple, massivement voté Reconquête dans le sud-est s’est très bien reporté sur le RN au second tour. Enfin, le RN profite de l’effondrement du « front républicain » : les clusters de gauche (Multiculturalistes, Solidaires, Révoltés) ne font plus barrage lorsqu’il s’agit d’arbitrer un duel entre la majorité présidentielle et le RN (cf. tableau ci-dessous). Quant aux anciens clusters de la coalition sarkozyste, certains se partagent désormais entre LREM et RN (Conservateurs), voire votent majoritairement pour le parti de Marine Le Pen (Anti-assistanat). C’est ce double phénomène d’affaissement du front républicain et de glissement vers le RN des clusters de droite qui explique l’élection de 89 députés RN à l’Assemblée.

Une configuration instable

 La tripartition de l’espace politique rend aujourd’hui particulièrement difficile l’émergence d’une solide majorité électorale, d’autant plus que les institutions politiques, à commencer par les règles électorales ont été pensées pour réguler un ordre politique bipolaire. Cette structure tripartite se manifeste, entre autres, dans la base de soutien relativement réduite dont dispose chacun des trois leaders qui incarnent cette tripartition. Nous le mesurons chaque mois dans nos baromètres de personnalités. Qu’ils s’agissent d’Emmanuel Macron, de Jean-Luc Mélenchon ou de Marine Le Pen, chacune de ces personnalités fédère un noyau dur de soutien, mais suscite aussi un très large éventail de défiance. Aucun ne semble en mesure de fédérer les électeurs des autres pôles. C’est aussi le cas de leurs offres politiques respectives : bien identifiées par les électeurs, et très clivantes, elles sont trop éloignées les unes des autres pour pouvoir coaguler dans une même coalition. L’électorat de Jean-Luc Mélenchon peut se retrouver sur l’axe culturel avec l’électorat d’Emmanuel Macron mais s’en éloigne radicalement sur les axes économiques et sur l’axe « peuple VS élites ». A l’inverse, l’électorat de Marine Le Pen peut converger avec celui de Jean-Luc Mélenchon sur sa défiance vis-à-vis du « système » et sur les enjeux économiques et sociaux, mais le clivage est bien trop puissant sur l’axe culturel et identitaire. Pour toutes ces raisons, la configuration politique actuelle a peu de chances de durablement se stabiliser, faute de reposer sur un parti et même un bloc électoral majoritaire. Les cinq années à venir – à supposer que le calendrier institutionnel soit respecté – devraient être marquées par de profondes transformations tant le système politique français est loin aujourd’hui d’avoir retrouvé un point d’équilibre et une structuration un tant soit peu durable.

Habitudes des français pendant les vacances d’été

Les différentes familles politiques passent des vacances d’été très différentes : certaines ont les moyens de voyager, d’autres pas, certaines se font héberger chez des amis ou pratiquent le camping quand d’autres
vont dans leur résidence secondaire en bord de mer, certaines font du sport quand d’autres préfèrent bronzer à la plage, certaines prennent un spitz à l’apéritif quand d’autres restent fidèles au pastis.
Si l’on part en vacances avec un petit budget, que l’on va au camping, que l’on apprécie tout particulièrement faire la sieste et boire un verre de porto en regardant Camping Paradis, les chances que l’on soit Eurosceptique et électeur de Marine Le Pen sont élevées.
Tandis que si l’on passe ses vacances en bord de mer, dans sa résidence secondaire en buvant du Spritz ou du Whisky en regardant le Bureau des légendes, il y a de fortes chances que l’on soit Centriste ou Libéral et que l’on ait voté Macron ou dans une moindre mesure Pécresse à l’élection présidentielle.
Pendant ce temps, les Multiculturalistes – le cluster le plus mélenchoniste – passent leurs vacances en étant hébergés chez des amis, font des visites culturelles, regardent Peaky Blinders et partagent parfois le soir une Téquila.

Points saillants du sondage sur les vacances des différentes familles politiques

• Ce sondage a été réalisé sur un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. 2008 personnes interrogées entre le 20 et le 23 juillet 2022 (cf. notice technique).
• Premier enseignement : 44% des Français ne partiront pas en vacances cet été.
• Seuls 24% partiront plus de deux semaines.
• 78% de ceux qui partent en vacances restent en France contre 27% qui iront à l’étranger (total supérieur à 100 car il est possible de partir en France et à l’étranger).
• Les principales destinations étrangères sont au sud de l’Europe : Espagne (23%), Italie (20%) et Grèce (9%) sont les trois pays les plus visités. La douceur de vivre et le soleil méditerranéens sont clairement plébiscités.
• Parmi les 44% qui ne partiront pas en vacances, plus de la moitié (56%) déclarent que c’est parce qu’ils n’ont pas les moyens de le faire.

Les différentes familles politiques ont des chances très inégales de partir en vacances

Les clusters macronistes sont ceux qui partent le plus en vacances

Les Centristes sont le groupe qui part le plus en vacances cet été : 75%. Dans ce groupe ne pas partir est le plus souvent un choix : seuls 6% des Centristes déclarent ne pas partir pour des raisons financières.
Suivent les Libéraux qui partent en vacances pour 71% d’entre eux, puis les Sociaux-Démocrates et les Progressistes qui dans les deux tiers des cas (66%) partent en vacances cet été.
Il est très intéressant de constater que ces 4 sensibilités politiques (clusters) – qui couvrent l’ensemble de l’axe gauche/droite – sont celles qui ont le plus voté en faveur d’Emmanuel Macron au premier tour de
la dernière élection présidentielle.
La France macroniste est une France qui part en vacances ou qui, lorsqu’elle reste chez elle, le fait par choix et non sous la contrainte financière.

Les clusters lepenistes partent peu en vacances

Si la France qui a voté Emmanuel Macron peut s’offrir des vacances, celle qui a voté Marine Le Pen reste majoritairement chez elle pendant l’été.
Les clusters de la coalition électorale de Marine Le Pen sont ceux qui partent le moins : plus de la moitié des Réfractaires et des Sociaux-Patriotes, 62% des Anti-Assistanats, 66% des Conservateurs et même
78% des Eurosceptiques ne partent pas en vacances. Dans tous ces groupes, Marine Le Pen est arrivée – souvent largement – en tête lors du premier tour de l’élection présidentielle.
Ne pas partir en vacances est dans la grande majorité des cas un non-choix : 67% des électeurs lepénistes qui ne partent pas en vacances invoquent des motifs financiers (contre 30% seulement des
électeurs d’Emmanuel Macron).
Le clivage Macron/Le Pen oppose assez largement une France qui peut s’offrir des vacances VS une France contrainte de rester chez elle l’été faute d’avoir les moyens de partir.

La coalition melenchoniste est la plus hétérogène en terme de vacances estivales

Elle se situe dans un entre-deux entre la France macroniste et la France lepéniste.
Le socle du mélenchonisme repose sur trois clusters : parmi eux, un groupe qui part beaucoup en vacances et deux groupes qui partent peu. Les Multiculturalistes – un cluster relativement jeune, diplômé,
de classe moyenne urbaine – part fréquemment en vacances, tandis que les Solidaires (surreprésenté parmi le petit salariat syndiqué) et, plus encore les Révoltés (surreprésentés dans les quartiers de grands ensembles et parmi les Français de confession musulmane) partent peu.
Ces contrastes confirment une nouvelle fois combien la coalition électorale de Jean-Luc Mélenchon est hétérogène socialement puisqu’elle réunit une large fraction des classes moyennes à haut capital culturel (enseignants, fonctionnaires de catégorie A, intermittents, journalistes…) et certains segments populaires : petit salariat syndiqué et population issue de l’immigration africaine.

(A noter que si l’électorat de Jean-Luc Mélenchon pris dans son ensemble part presque autant en vacances que celui d’Emmanuel Macron, c’est grâce au vote – souvent « utile » – d’une fraction significative de ces deux clusters de la gauche modérée – Sociaux-Démocrates et Progressistes – qui sont parmi les plus aisés de la population française. Mais ces deux clusters n’appartiennent pas au socle électoral du mélenchonisme et sont d’ailleurs très critiques à l’égard de Mélenchon).

La destination privilégiée des vacanciers reste la mer pour 49% d’entre eux, suivie de la campagne (27%), puis de la montagne (18%). Parmi ceux qui partent, 11% passent leurs vacances dans des villes.

Les clusters de gauche passent plus fréquemment que les autres leurs vacances à la montagne

3 clusters vont plus que la moyenne à la « montagne » durant l’été. Il s’agit des Multiculturalistes, des Progressistes et des Révoltés, soit 3 clusters dont les orientations penchent majoritairement à gauche – voire très à gauche – et qui ont beaucoup voté en faveur de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle.

Les Centristes, quant à eux, privilégient nettement les vacances à la mer : 63% pour ce cluster aisé.

Les macronistes disposent de budget vacances importants tandis que les lepénistes ont les plus petits budgets

Plus de la moitié des Français qui partent en vacances le font avec un budget inférieur à 1000 euros (56%). Seule une petite minorité – 18% – dispose d’un budget supérieur à 2 000 euros.

Sur ce point également, les différences entre famille politique sont spectaculaires.

Les clusters du centre et de la droite qui ont le plus voté en faveur d’Emmanuel Macron – et dans une bien moindre mesure de Valérie Pécresse – sont ceux qui disposent des budgets les plus importants : 38% des Centristes et 38% des Libéraux ont des budgets supérieurs à 2 000 euros.

Les deux clusters de gauche modérée qui ont voté massivement Emmanuel Macron arrivent troisième et quatrième (sur 16 clusters) en matière de budget : 18% des Sociaux-Démocrates et 21% des Progressistes ont des budgets de vacances supérieurs à 2000 euros.

Sur ce point également, le constat est manifeste : plus une sensibilité politique dispose d’un budget vacances élevé et plus les chances qu’elle ait voté en faveur d’Emmanuel Macron sont élevées.

En matière de budget, les clusters de la coalition mélenchoniste occupent une position intermédiaire. Seuls 14% des Solidaires et 11% des Multiculturalistes ont des budgets vacances supérieurs à 2 000 euros. Cela confirme que la gauche culturelle diplômée qui vote Mélenchon – en particulier les Multiculturalistes – dispose d’un capital économique assez réduit. A noter que les Révoltés, autre cluster ayant massivement voté en faveur de Jean-Luc Mélenchon, fortement présent dans les cités, est celui qui présente le plus petit budget vacances : seuls 5% d’entre eux dispose de plus de 2 000 euros.

Mais en moyenne, c’est la coalition mariniste qui a les plus petits budgets vacances. Parmi ceux qui partent en vacances, seuls 11% des Réfractaires, 8% des Sociaux-Patriotes et 7% des Eurosceptiques ont des budgets vacances supérieurs à 2 000 euros. Il est, ici, très intéressant de souligner que parmi les 5 clusters disposant des plus faibles budgets vacances : on retrouve les 3 clusters qui composent le noyau dur de l’électorat de Marine Le Pen et 2 des 3 clusters qui composent celui de Jean-Luc Mélenchon. Les budgets les plus contraint sont aussi les plus radicaux politiquement. 

Passer ses vacances chez des amis ou dans sa famille est le mode d’hébergement privilégié par les clusters de la gauche culturelle et radicale

Les 3 clusters composant le socle du mélenchonisme sont ceux qui passent le plus fréquemment leurs vacances en étant hébergés chez des amis ou dans leur famille : Solidaires (29%), Multiculturalistes (28%) et Révoltés (24%). A noter que les Sociaux-Démocrates – un cluster de gauche culturelle mais très modérée – pratiquent eux aussi ce mode d’hébergement.

Passer ses vacances en mode « itinérant » est clairement une pratique surreprésentée au sein de la gauche culturelle radicale et, plus spécifiquement, des Multiculturalistes (6%). A l’opposé, les clusters élitaires du centre (Centristes) et la droite (Libéraux) bien que disposant d’un budget vacances élevé, ne choisissent presque jamais ce type de vacances. En revanche, ces deux clusters sont les seuls à passer de manière significative des vacances dans leurs résidences secondaires. Ici aussi, on observe que les 4 clusters qui ont le plus voté en faveur d’Emmanuel Macron sont ceux qui disposent le plus de résidences secondaires (alors qu’à l’inverse, les groupes les plus antisystèmes, qu’ils soient de gauche ou marinistes, sont ceux où les résidences secondaires constituent une exception).

Logiquement les clusters élitaires sont aussi surreprésentés parmi les Français qui peuvent s’offrir des vacances à l’hôtel. Si vous partez à l’hôtel, vous aurez bien plus de chances d’y croiser un Centriste, un Social-Démocrate, un Progressiste ou un Libéral qu’un Révolté, un Solidaire ou un Social-Patriote.

Aller au camping inverse ces probabilités puisque cela augmente les chances de croiser des Sociaux-Patriotes ou des Réfractaires ayant voté Marine Le Pen et réduit considérablement celles de croiser un Libéral appartenant à ce cluster de la droite aisée qui a longtemps voté Républicains avant de subir l’attraction du macronisme.

Plaisirs de vacances

« Se balader » est l’activité préférée des Français en vacances : 31%. Tout particulièrement parmi les Progressistes, un cluster jeune, diplômée, de gauche culturelle, écolo et assez modéré.

Le fait d’« aller à la mer » est aussi très apprécié et partagé (23%), tout particulièrement par le cœur de l’électorat d’Emmanuel Macron.

Les Sociaux-Démocrates – cluster de gauche culturelle élitaire et modéré – sont ceux qui déclarent le plus apprécier « lire » et « visiter des sites culturels » pendant les vacances.

Les groupes de la petite droite populaires (Conservateurs et Anti-Assistanat) sont ceux qui déclarent le plus apprécier « bronzer » et « faire des barbecues ».

« Faire la sieste » est également très appréciée (10%), tout particulièrement parmi les Eurosceptiques, un cluster très populaire, très antisystème et âgé.

Beaucoup de Français (10%) citent « l’apéro » parmi leurs activités de vacances préférées, mais c’est tout particulièrement le cas parmi les Identitaires.

Il faut dire que les Français aiment boire, tout particulièrement pendant les vacances : seuls 18% d’entre eux déclare ne pas consommer d’alcool.

Sur le podium des boissons de l’été préférées, c’est sans surprise la bière (47%) qui arrive en tête, suivi du rosé (45%) et du vin blanc (38%). On notera que si ces boissons sont assez fédératrices, la bière est néanmoins un peu plus « Apolitique », tandis que le rosé est plus « Libéral » et le vin blanc plus « Progressiste ».

D’autres alcools paraissent plus typés politiquement. Le Pastis et les liqueurs sont particulièrement appréciés chez les Identitaires et peu appréciés dans les groupes les moins politisés.

Le Spritz est très à la mode (17% des Français en boiront cet été), tout particulièrement parmi les Centristes et dans l’électorat d’Emmanuel Macron.

Les Libéraux, quant à eux, ont un faible pour le Whisky.

Tandis que les Eurosceptiques – qui comptent beaucoup d’ouvriers d’origine espagnole et portugaise – sont les plus fidèles au Porto.

La gauche culturelle – plutôt jeune et diplômée – se distingue, quant à elle, pour son goût prononcé du Mojito (tout particulièrement les Progressistes) et de la Tequila (une boisson minoritaire, mais appréciée des Multiculturalistes et des électeurs de Mélenchon).

La France du Pastis est donc plutôt « Identitaire » quand celle du Whisky est surreprésentée parmi les « Libéraux », celle du Porto parmi les « Eurosceptiques » et celle du Mojito parmi les « Progressistes ».

Les Français ne sont pas des vacanciers très sportifs : seuls 9% citent le sport parmi leurs activités de vacances préférées contre 10% la sieste.

Ils sont cependant 72% à déclarer pratiquer des activités sportives.

La randonnée (34%), la natation (23%), le vélo (16%), mais aussi la pétanque (10%) sont les 4 sports qu’ils déclarent le plus pratiquer pendant l’été.

La natation est particulièrement appréciée des Centristes et des électeurs de Valérie Pécresse (qui sont aussi ceux qui passent le plus fréquemment leurs vacances en bord de mer), tandis que la randonnée et le vélo sont tout particulièrement pratiquées par la gauche modérée : Progressistes et Sociaux-Démocrates. La pétanque est une activité populaire, particulièrement plébiscitée par les Solidaires (gauche populaire) mais aussi parmi les électeurs de Marine Le Pen.

Quand on les interroge sur « la série idéale à emporter pour passer de bonnes vacances », l’on découvre que seuls 35% des Français déclarent « ne pas regarder de série ».

En matière de choix, c’est la dispersion qui l’emporte. Seuls 2 séries remportent plus de 10% des suffrages : Kaamelott (13%) et Game of Thrones (12%). Ces deux séries sont tout particulièrement plébiscités par des électeurs de gauche (Solidaires dans le cas de Kaamelott et Progressistes dans celui de Game of Thrones). Les Centristes apprécient, quant à eux, beaucoup le Bureau des légendes. La série très politique Baron noir fédère le cluster élitaire de la droite (Libéraux) et l’électorat de Mélenchon – tout particulièrement sa fraction diplômée. En thérapie est très appréciée des Sociaux-Démocrates, soit du cluster élitaire de la gauche. Enfin, on notera que Camping Paradis est plus cité que la moyenne au sein du cluster le plus pauvre de la population, les Eurosceptiques dont les votes se partent massivement sur Marine Le Pen.

Les français face à l’inflation

Nous avons interrogé les Français sur la façon dont ils vivent la crise inflationniste en cours. Notre segmentation socio-politique en 16 « clusters » permet de mieux comprendre ce qui se passe au cœur des « Frances ». Le premier enseignement est que l’ensemble des Français – quels que soient leurs revenus ou leurs modes de vies – sont impactés par la crise (I). Mais nous repérons toutefois trois types de consommateurs-citoyens qui ont des pratiques différentes voire opposées (II). Ces différences révèlent les grandes fractures idéologiques françaises. On observe un lien de causalité sensible entre les systèmes d’opinion et la façon de consommer (III).

Une crise qui entraîne des bouleversements brutaux sur la consommation des ménages

La situation économique du pays entraîne une évolution très rapide des comportements économiques déclarés par les Français dans nos études. Notre dernière enquête permet de repérer tous les indices d’une crise profonde et brutale qui s’installe dans le pays. Le pessimisme galopant va de pair avec une mutation qui pourrait se révéler brutale des habitudes des consommations.

Les Français pessimistes

Le moral des Français est au plus bas. Le pessimisme touche davantage les classes populaires mais un sentiment de déclin traverse l’ensemble de la société. 63% des Français interrogés sont pessimistes quant à l’avenir de la société française. Ce pessimisme est plus relatif au niveau individuel : ils ne sont plus que 39% à être pessimistes sur leur avenir personnel. Ces indicateurs psychologiques ont évidemment une influence sur la façon de consommer des ménages et attestent d’une société qui entre en crise. L’ensemble de la société se dit d’ailleurs frappée par la crise inflationniste : 82% des Français déclarent ainsi avoir ressenti une baisse de leur pouvoir d’achat au cours des trois derniers mois. Deux tiers des Français déclarent avoir changé leur habitude de consommation. Deux changements se manifestent plus sensiblement : les Français font plus attention au prix et pour une large partie d’entre eux déclarent pratiquer des restrictions.

La chasse aux prix bas

La chasse aux prix bas est devenue la norme au sein de la population : 84% déclarent être plus attentifs au prix depuis trois mois. Si Les Français restent majoritairement fidèles à leurs enseignes favorites, un tiers d’entre eux déclare, malgré tout, avoir modifié son lieu d’achat au cours des trois derniers mois. Tout laisse à penser que les français pratiquent une forme de « benchmarking » alimentaire. La publicité et la communication grand public des PDG des grandes enseignes jouent un rôle important pour se démarquer. Deux tiers des sondés déclarent avoir regardé les offres promotionnelles de la grande distribution et quasiment un Français sur deux affirme acheter davantage de « premier prix ». Dans la même logique, ils sont 30% à déclarer avoir effectué un premier achat dans un magasin « hard discount ». Dans ce contexte de crise, pour 39% des Français, le prix représente le premier critère de choix en matière de produit alimentaire.

Des consommateurs qui se mettent en état d’urgence

Le pays semble être entré dans une façon de consommer similaire à un état de guerre ou de pandémie. Les pratiques des consommateurs sont bouleversées et nous plongeons dans une ère de sobriété économique à marche forcée.
La baisse de pouvoir d’achat a des conséquences très concrètes : l’augmentation des prix fragilise la consommation, tout particulièrement dans les segments les plus populaires. Deux tiers des Français déclarent ainsi s’être restreint sur certains achats. On achète moins mais on jette aussi moins. 73% déclarent faire davantage attention aux dates de péremption pour éviter le gaspillage et un Français sur cinq déclare même avoir constitué des stocks alimentaires au cours des trois derniers mois.

Toutefois, tous les Français ne sont pas égaux face à la crise. Les milieux populaires sont évidemment les plus impactés. Ce sont eux qui pourtant constituent le premier « public » de la grande distribution.

Trois types de consommateurs

La géographie opère ici comme un révélateur puissant des pratiques d’achat. Elle révèle en effet une fracture importante entre une France plus protégée des chocs économiques, plus progressiste et plus écologiste qui pratiqu déjà une consommation du « monde d’après » (circuit court, petits commerces, bio…) tandis que la France périphérique et populaire privilégie le prix et reste largement fidèle à la grande distribution et aux grandes enseignes. Le prix est certes la donnée la plus importante citée par 54% des consommateurs (comme premier ou second critère d’achat). Mais tout un pan du pays se dirige vers une consommation « en transition ». Ainsi, le « Made in France » est, lui aussi, très fortement valorisé : 41% font de l’origine France une de leurs deux priorités, c’est 17% pour les circuits-courts, 15% pour le « bio » et 15% pour le nutri-score.

Ces priorités se distribuent très différemment selon les consommateurs. On décèle ainsi trois profils-types de consommateurs dans notre sondage :

Les consommateurs populaires

Il s’agit de la partie des Français les plus inquiets, les plus pessimistes. Ces Français, plus âgés que la moyenne, habitent également davantage en zone péri-urbaine ou rurale. Ils font partie des Français les moins aisés et composent une majorité sociologique. Ce sont ceux qui fréquentent le plus les grandes surfaces. Et donc ce sont pour eux que les offres promotionnelles, les remises, les bons d’achat, etc. sont les plus importants. Dans notre segmentation en clusters, ils appartiennent aux groupes « Solidaires », « Révoltés » « Conservateurs », « Sociaux-Républicains », « Réfractaires », « Eurosceptiques », « Sociaux-Patriotes », « Anti-Assistanat » et « Identitaires », soit neuf clusters sur seize. Dans ces groupes populaires, on identifie souvent 30% de répondants qui déclarent aller plus que d’habitude dans les magasins « hard-discount » sous l’effet de la crise en cours. Et près d’un répondant sur deux dit s’être restreint sur certains achats. C’est également dans ces groupes que l’on fait le plus de stocks alimentaires : cela concerne près du tiers d’entre eux.

C’est donc une France très perméable à la crise, peu protégée, qui ne boucle pas ses fins de mois et qui peine à remplir son frigo passé le 15 du mois.

Les consommateurs idéologisés

On retrouve dans les métropoles une population plus jeune, plus dynamique, plus diplômée que la moyenne qui consomme « autrement » et qu’on pourrait appeler les consommateurs du « monde d’après ». Ils représentent environ 15% de la population. On les retrouve dans les clusters des Multiculturalistes, des Sociaux-Démocrates et des Progressistes, groupes dont les valeurs penchent à gauche et qui sont sur-représentés dans les grandes villes. Leur mode de consommation peut être considérée comme « idéologisée » en ce qu’il est orienté par des choix politiques et une conscience écologique et sociale très avancée.

C’est pourquoi ils pratiquent moins que les autres le hard discount et sont également les plus réticents à l’utilisation d’Amazon : malgré un pouvoir d’achat conséquent, plus de la moitié d’entre eux dit ne jamais l’utiliser. C’est dans ces groupes qu’on trouve les rares français à ne jamais aller dans les grandes surfaces. A l’inverse ils fréquentent davantage les petits commerces de proximité.

Leur mode de pensée les pousse à s’intéresser de très près aux modes de productions et à la qualité des produits qu’ils achètent. Le coût écologique du produit a pour eux quasiment autant d’importance que le coût économique. Dans ces groupes, un tiers place le fait que le produit soit labellisé biologique dans ses deux priorités lorsqu’il achète un produit alimentaire. Un quart place le « nutri-score » dans ses deux priorités. Malgré cela, ces groupes ne sont pas hermétiques à la crise, car il regroupe également une partie sensible de classes moyennes inférieures et d’étudiants. C’est ainsi qu’une bonne moitié d’entre eux citent le prix parmi ses deux priorités lors d’un achat alimentaire.

Les consommateurs aisés

Ils représentent également environ 15% de la population et appartiennent aux franges les plus hautes dans l’échelle des revenus. Ils sont à ce titre évidemment moins touchés par la crise.

Nous les retrouvons dans trois clusters très diplômés et très élitistes : Sociaux-DémocratesCentristes et Libéraux. C’est une France plus optimiste qui pense que le pays va s’en sortir et qui croit encore à l’économie mondialisée. Il n’y a qu’au sein de ces groupes que « favoriser la croissance économique » est cité par plus de 50% des personnes interrogées quant à leurs trois priorités pour le pays. La confiance dans le « système » est ce qui fédère ces groupes qui sont clivés sur de nombreux autres sujets. De fait, leur situation économique les réunit. Appartenant aux catégories supérieures, ils habitent dans les zones les plus dynamiques et font partie de la clientèle principale des petits commerces de proximité, moins par choix idéologique que par confort économique. Pour 10 à 20% d’entre eux, ils font partie des rares Français à déclarer utiliser de façon habituelle la livraison de courses à domicile.

Bien qu’ils se disent également concernés par une baisse de pouvoir d’achat, leur confort économique leur permet d’avoir des priorités autres que le prix lors de leurs courses. On est bien plus attentifs dans ces groupes aux produits bio (surtout pour les Sociaux-Démocrates et les Centristes), au label rouge et aux labels AOC (surtout pour les Centristes et les Libéraux) que dans la moyenne de la population.

En somme, ces consommateurs continuent de constituer une clientèle de choix pour la grande distribution car si elle ne fréquente pas nécessairement les grandes surfaces, elles fréquentent leurs antennes citadines (Spar, Carrefour City, Utile, Monoprix…) avec un pouvoir d’achat qui leur permet de continuer à acheter des produits plus coûteux et une consommation plus diversifiée.

Fractures économiques et fractures politiques se superposent

Symbole de l’influence de la situation matérielle sur la façon de penser et de voter, ces clusters Sociaux-Démocrates, Centristes et Libéraux, constituent sur le plan électoral le cœur de la coalition d’Emmanuel Macron. Ils l’ont largement placé en tête le soir du 1er tour. Il s’agit plus que jamais de « la France qui va bien ». A l’inverse, la France la plus touchée par la crise correspond davantage aux électorats de Jean-Luc Mélenchon et, plus encore, de Marine Le Pen. Cela concerne principalement sept de nos seize clusters qui sont également ceux qui dans nos précédentes études déclaraient le plus s’être mobilisé sur les ronds-points en novembre 2018. Ils ont des caractéristiques propres, des différences d’opinion importantes mais s’accordent sur un point : le rejet massif du « système » et un sentiment de révolte partagé. Au sein de ces sept clusters, plus des deux tiers des sondés déclarent avoir l’impression de « vivre moins bien que ses parents » quand les électeurs du Président de la République sont à l’inverse majoritaires à penser « vivre mieux » que leurs parents.

La France des ronds-points est aussi celle des centres commerciaux, cette France qui collectionne les vignettes et les promos offertes dans les boites aux lettres pour remplir ses caddies. C’est une France qui travaille mais qui ne vit pas convenablement de son salaire et qui ne consomme pas comme elle souhaiterait consommer.  Les clusters populaires sont 50% à placer la hausse du pouvoir d’achat en tête de leurs préoccupations, loin devant les autres enjeux (climatiques, identitaires, idéologiques).

La consommation n’est sans doute pas uniquement un révélateur des fractures françaises. Elle en est aussi sans doute l’un des principes explicatifs. Suivant cette logique, nous sommes en face d’une crise économique qui pourrait avoir des effets politiques durables, en particulier dans le contexte actuel d’instabilité institutionnelle. Notre étude semble indiquer qu’une détérioration du pouvoir d’achat et de la consommation des ménages serait un facteur de radicalisation politique qui pourrait trouver son prolongement dans les urnes lors des prochaines consultations électorales.

Cluster17 trois blocs et deux perdants

Trois blocs et deux perdants

Même si les votes favorables à M. Emmanuel Macron ont progressé avec le revenu et l’âge des électeurs, ces données ne résument pas la sociologie électorale du dernier scrutin présidentiel. Les positions par rapport à l’Europe, aux vaccins, à l’islam, à l’urgence écologique ont souvent joué un rôle décisif, tout comme le niveau de défiance envers le « système ».

situation-economique

Emmanuel Macron face à la France populaire et au mur du pessimisme

Nous avons interrogé les Français sur leur situation économique alors que l’inflation s’installe de manière structurelle et affecte le pouvoir d’achat de la population. Deux France se font face : une France qui subit cette inflation et se trouve fragilisée. Une majorité de français dit ainsi voir sa situation se détériorer. En face, une France à l’abri de ces instabilités économiques.

Une situation économique détériorée

situation-economique

Ce sont les clusters populaires qui, sans surprise, se disent le plus en difficulté. Deux groupes qui votent majoritairement Jean-Luc Mélenchon : les Solidaires et les Révoltés et quatre groupes qui votent majoritairement Marine Le Pen : les Réfractaires, les Eurosceptiques, les Sociaux-Patriotes et les Identitaires. On retrouve dans ces six groupes une sur-représentation d’ouvriers et d’employés, en particulier pour l’électorat de Marine Le Pen. Ce sont également des clusters vivant plutôt dans le péri-urbain ou la « France périphérique » et donc très dépendants de la voiture. On retrouve en somme cette « France des fragilités sociales » décrite par Christophe Guilluy dans son ouvrage de référence La France périphérique. Ces clusters populaires sont également ceux qui se sont le plus reconnus dans le mouvement des gilets jaunes en 2018 et 2019.

Les clusters urbains, diplômés, votant davantage Emmanuel Macron, se caractérisent dans notre enquête par la stabilité de leur situation. Les Sociaux-Démocrates, les Progressistes, les Centristes, les Libéraux sont les seuls clusters à déclarer majoritairement que leur situation est stable ou s’améliore. Ces quatre clusters avaient largement voté Emmanuel Macron lors des deux tours de la dernière présidentielle. Il les a réunis justement sur une demande de stabilité politique et économique qui caractérise ces clusters. Dans un contexte de crises multiples – gilets jaunes, COVID, guerre en Ukraine – Emmanuel Macron a joué la carte de la compétence et s’est présenté comme un rempart face à la radicalité supposée de ses concurrents qui entraînerait le pays dans le chaos. Logiquement, comme en 2017, cela lui a permis d’unir ces groupes qui pourtant sont divisés sur d’autres clivages : culturels, identitaires, écologiques…

La France qui boucle les fins de mois contre la France du 15 du mois.

On retrouve cette dichotomie entre la France qui boucle les fins de mois et celle qui n’y arrive pas. En rouge ci-dessus, les clusters populaires, fragiles qui n’arrivent pas à boucler les fins de mois. On doit y inclure également, par rapport à la question précédente, le cluster des Conservateurs, dans lequel on retrouve beaucoup de retraités vivant en ruralité. 25% d’entre eux dit ne pas parvenir à boucler ses fins de mois. Ce cluster a été durant la présidentielle en tension entre une offre politique identitaire-populiste et une demande de stabilité. Une moitié d’entre eux a ainsi voté Emmanuel Macron au 2nd tour, l’autre moitié Marine Le Pen. Cela illustre les forts clivages qui traversent une partie des retraités de droite de la France populaire.

Les trois clusters « lepénistes » sont ceux qui déclarent éprouver le plus de difficulté économique. Les Sociaux-Patriotes constituent l’un des clusters les plus populaires de notre segmentation : 31% d’entre eux disent ne pas parvenir à boucler le mois. C’est sur cette fragilité économique persistante que le FN puis le RN ont pu bâtir un socle solide qui n’a pas failli durant la dernière présidentielle malgré la concurrence d’Éric Zemmour. En plus de la demande de protection économique, le RN offre à cet électorat ce qu’il demande : une protection culturelle, identitaire. Se croisent ici la peur du déclassement économique avec la peur du remplacement culturel. Cet électorat qui appartient d’une certaine manière à la gauche économique (qui votait d’ailleurs encore massivement François Hollande au 2nd tour de la présidentielle en 2012) s’est radicalisé contre le « système », le PS et la gauche y étant accusés à tort ou à raison d’avoir trahi les classes populaires, et d’avoir cédé aux excès de la mondialisation.

Subsistent à gauche les classes populaires vivant plutôt dans les banlieues, qu’on retrouve principalement chez les Révoltés qui sont un groupe extrêmement populaire. On retrouve aussi à gauche les ouvriers et petits employés syndiqués de l’industrie ou de la fonction publique bien présents chez les Solidaires. Ces deux groupes votent massivement Jean-Luc Mélenchon. Si leur situation économique est similaire aux clusters Sociaux-Patriotes, Réfractaires et Eurosceptiques, ils se distinguent de ces trois clusters « lepénistes » par une tolérance envers l’Islam et une moindre radicalité sur les questions de frontières et de migrations. Toutefois, ils portent la même opposition radicale envers le Président de la République et plus généralement envers les « élites ».

En vert sur le tableau ci-dessus on retrouve cette « France qui va bien » et qui a voté massivement pour Emmanuel Macron. Les Sociaux-Démocrates et les Libéraux qui jadis votaient PS pour les premiers et UMP pour les seconds se rassemblent dans ce qui ressemble de plus en plus à un « bloc élitaire » pour reprendre la formule de Jérôme Sainte-Marie.  Ces deux clusters forment avec les Centristes le « cœur » de la coalition « macronienne ». Ils sont symboliquement ceux qui déclarent boucler facilement leur fin de mois.

Les Français pessimistes sur le quinquennat à venir

Emmanuel-Macron

La réélection d’Emmanuel Macron ne produit pas l’effet de souffle observé traditionnellement après l’élection présidentielle, laquelle garantit habituellement au Président une forme de bienveillance ou du moins de patience de la part de l’opinion. Malgré qu’ils aient réélu facilement le Président de la République, les Français ne semblent pas nourrir de grandes attentes de ce nouveau quinquennat. 44% des Français pensent que le quinquennat du Président sera « pire » que le précédent contre 28% qui pensent qu’il sera « identique ». Seuls 15% pensent qu’il sera « meilleur ».

Seule une part resserrée de l’électorat présidentiel pense que le second quinquennat sera meilleur que le premier. Les groupes de gauche modérée comme les Sociaux-Démocrates et les Progressistes, bien qu’ils aient largement participé à la réélection du Président, se révèlent hésitants. Une part importante d’entre eux déclarent ainsi « ne pas savoir » si le quinquennat à venir sera meilleur, identique ou pire.

A l’aune des élections législatives, l’enjeu pour Emmanuel Macron est de donner à cet électorat des gages et de le mobiliser à nouveau. En effet, ces deux clusters qui ont longtemps voté pour « la gauche de gouvernement » sont aujourd’hui hésitants entre l’offre proposée par la NUPES et la majorité présidentielle. Si la NUPES parvenait à attirer une partie significative de ces deux groupes, elle pourrait espérer ensuite dans les duels de 2nd tour fédérer les clusters populaires derrière elle dans une sorte de vote utile inversée contre le Président de la République.

Le risque d’une coalition anti-Macron derrière la NUPES

On mesure dans ces deux tableaux la forte radicalité des clusters populaires qu’ils soient plutôt pro-Mélenchon ou pro-Le Pen. Alors que ces clusters votent pour des offres très différentes lors des premiers tours, en cas de second tour NUPES / Renaissance, ces clusters seraient susceptibles de se réunir contre les candidats de la majorité présidentielle dans une logique de clivage peuple VS élite. L’enjeu pour Emmanuel Macron et la majorité est, à l’inverse, de susciter leur abstention, voire même d’attirer ces clusters identitaires au second tour en pointant, comme il a commencé à le faire, les candidats d’union de la gauche comme « communautaristes », complaisant avec l’islam radical, etc. Quoi qu’il en soit, les reports de voix des électeurs du RN au second tour pourraient bien être la clef des élections législatives. Pour l’emporter, la majorité présidentielle ne doit pas laisser se constituer un « front gilet jaune » dans les urnes.

Sur quels éléments repose la victoire d’Emmanuel Macron

Notre enquête durant la journée du scrutin de 2nd tour nous permet de comprendre comment Emmanuel Macron est parvenu à sa réélection. Il a su mobiliser un fond de « front républicain » en s’appuyant principalement sur le vote des modérés et des diplômés. Par ailleurs, l’abstention, relativement élevée, ne lui a pas été si défavorable.

De meilleurs reports de voix du 1er tour pour Emmanuel Macron

La victoire d’Emmanuel Macron repose en premier lieu sur des reports de voix favorables des électeurs du 1er tour, en particulier des électeurs de Yannick Jadot, Jean Luc Mélenchon et Valérie Pécresse. C’est dans l’électorat de Yannick Jadot que les reports sont les plus élevés (65% de ses électeurs du 1er tour ont choisi Macron au 2nd). Pour les électeurs de Pécresse et Mélenchon c’est le non choix (abstention et votes blancs) qui arrive en tête, montrant la difficulté pour Emmanuel Macron de mobiliser un « front républicain » dont on constate la dissolution progressive de scrutin en scrutin. Ainsi, 54% des électeurs de Mélenchon n’ont pas choisi entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, idem pour 43% des électeurs de Valérie Pécresse. Mais pour les électeurs du 1er tour de ces deux candidats lorsqu’ils ont choisi ils se sont massivement portés sur Emmanuel Macron (à 67% contre 33%). Logiquement Marine Le Pen a obtenu un report massif d’électeurs d’Eric Zemmour au 1er tour (92%).

Macron ultra-majoritaire chez les diplômés et les retraités, les ouvriers choisissent Le Pen

Emmanuel Macron a largement devancé sa concurrente chez les cadres, professions intellectuelles supérieurs et les professions intermédiaires (catégorie où l’on retrouve les enseignants). Dans cet électorat urbain et diplômé, on retrouve le cœur de l’électorat Macron du 1er tour et de 2017. On a donc à la fois un vote d’adhésion au programme du Président mais c’est également dans ces catégories que l’on vote encore le plus pour « faire barrage » à l’extrême droite. Toutefois, l’abstention (et les votes blancs et nuls) élevée chez les professions intermédiaires montre la lassitude de cet électorat à constamment « voter contre » au 2nd tour. Cela symbolise une nouvelle fois les fissures du « front républicain » dont les enseignants étaient sûrement une des composantes les plus solides. Chez les retraités, Marine Le Pen n’a pas su concrétiser sa « dédiabolisation », Emmanuel Macron y réalise 41% contre 26% pour la candidate RN. On peut voir que la jeunesse est quant à elle très clivée, entre Emmanuel Macron, Marine Le Pen et le non choix (abstention, blancs et nuls). Enfin, si Emmanuel Macron parvient à faire jeu égal avec Marine Le Pen chez les employés, celle-ci le devance largement chez les ouvriers qui se sont portés à 41% sur sa candidature, 23% pour le Président de la République et 36% se sont abstenus. Les ouvriers constituent une part sensible du vote Le Pen, nous les retrouvons d’ailleurs dans les clusters phares de la candidate : les Réfractaires, les Eurosceptiques et les Sociaux-Patriotes, trois clusters qui ont massivement voté pour elle au 1er et au 2nd tour.

Emmanuel Macron s’appuie sur les clusters modérés et dépolitisés, Marine Le Pen sur les clusters populaires

Emmanuel Macron est parvenu à mobiliser sa base électorale du 1er tour qu’on retrouve principalement dans les clusters les plus modérés et les plus dépolitisés : Centristes, Apolitiques, Sociaux-Républicains, Eclectiques mais il a également réussi une fois de plus à unir des clusters qui naguère s’opposaient : les Sociaux-Démocrates, les Progressistes, composantes essentielles du vote PS dans les années 2000 et les Libéraux, composante essentielle du vote UMP et LR jusqu’en 2017 (ils avaient voté à 60% pour François Fillon). Il a réussi à les agréger autour d’une demande de stabilité du système, d’une demande de compétence économique, et la défense d’une forme de modération sur le plan des valeurs. La radicalité des autres offres politiques (Jean-Luc Mélenchon perçu comme trop à gauche sur l’économie et trop « dégagiste », Marine Le Pen perçue comme trop radical sur l’identité et trop incompétente sur l’économie) permet à Emmanuel Macron d’unir par défaut, « faute de mieux » ces anciens électeurs du centre gauche et du centre droit.

C’est ainsi qu’on constate qu’il n’y a pas tant une « droitisation » de l’électorat d’Emmanuel Macron qu’une « centrisation » à outrance fédérant les modérés de gauche et de droite. On constate ci-dessus qu’il a obtenu autant de suffrages chez les électeurs se positionnant « plutôt à gauche » que chez ceux se positionnant « plutôt à droite ».

En outre, alors qu’on commençait à percevoir une mise à équidistance d’un vote « anti-Macron » et d’un vote « anti-Le Pen », il n’y a pas eu d’effet de « sur-mobilisation » contre la figure du Président, les clusters les plus révoltés, y compris ceux du « bloc Le Pen » (Eurosceptiques, Réfractaires, Sociaux-Patriotes) s’étant beaucoup abstenus.

Pour autant, il ne faudrait pas minimiser le rejet suscité par Emmanuel Macron dans l’électorat populaire. Le fait que les Solidaires et les Révoltés, deux clusters ayant voté massivement Jean-Luc Mélenchon et votant constamment à gauche s’abstiennent majoritairement ou lorsqu’ils choisissent, se divisent de façon égale entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron démontre qu’il existe des points de contact entre les « clusters Mélenchon » et « les clusters Le Pen ». Ceux-ci convergent particulièrement autour d’un même rejet du « système » et d’une demande de justice sociale accrue. Une telle convergence électorale s’était produite de fait en 2005 lors du référendum établissant un Traité pour l’Union Européenne et plus récemment sur les ronds-points avec les gilets jaunes. Ces électeurs continuent cependant de se cliver très fortement sur les sujets identitaires empêchant la constitution d’un « bloc populaire » uni qui voterait pour le ou la même candidate.

L’esquisse d’un bloc « anti-Macron » qui s’est dessiné en 2018 sur les ronds-points se retrouvent dans le vote du 2nd tour. Les électeurs qui se sont le plus reconnus dans les gilets jaunes ou qui ont participé à une action se portent massivement sur la candidature de Marine Le Pen. A l’inverse, ceux n’ayant pas de voiture ou ne s’étant pas reconnus dans les gilets jaunes se sont portés vers Emmanuel Macron. Cela recoupe le clivage géographique, opposant une France des métropoles « pro-Macron » et une France périphérique, rurale « pro-Le Pen ». Si ce clivage n’est évidemment pas si limpide, il demeure structurel et largement explicatif du vote. L’inflation sur les prix de l’énergie et en particulier de l’essence durant la campagne a très probablement renforcé ce clivage qui oppose les citoyens des grandes métropoles intégrées et ceux pour qui la voiture est un moyen de locomotion existentiel (pour travailler, pour aller faire ses courses, pour ses loisirs, etc.). Par ailleurs, Marine Le Pen, en essayant d’incarner une figure moins radicale et plus lisse a certainement perdu des voix dans cet électorat qui lui était largement acquis. En adoucissant son image et en cherchant à ne pas cliver notamment durant le débat télévisé, la candidate RN n’a pas « sur-mobilisé » son électorat, entraînant une abstention assez élevée qui lui a été défavorable dans des clusters décisifs. L’abstention massive des électeurs du 1er tour de Jean-Luc Mélenchon mais également de Yannick Jadot constitue un fait important de ce 2nd tour et participe à l’idée observée au 1er tour que cette élection redessine le champ électoral autour de trois grands pôles : écolo-socialiste, libéral-européen, social-identitaire.

La réélection d’Emmanuel Macron revêt une forme de continuité avec son élection de 2017, dans la mesure où il a poursuivi son élargissement à la droite républicaine après avoir attiré une large partie des anciens électeurs du PS dès 2017. Cela entraîne une restructuration profonde du champ politique : les partis de gouvernements LR et le PS (dans une moindre mesure EELV) n’ont quasiment plus d’espace politique. Ils se trouvent contraints de rallier la majorité présidentielle ou de s’unir avec La France Insoumise pour les uns, Reconquête et le RN pour les autres. Les négociations pour les élections législatives montrent bien les tiraillements qui s’opèrent et la puissance de cette recomposition.

Dans le cadre de l’élection présidentielle, la tripartition a pour conséquence inéluctable que l’un des trois camps n’est plus représenté au second tour. Il n’y a finalement plus un perdant mais deux. Les « clusters Mélenchon » sont en effet tout autant opposés à Macron sur les clivages économiques et sur le rapport au système qu’ils ne sont opposés à Le Pen sur l’axe culturel-identitaire. C’est cette double distance qui a amené une fraction importante de l’électorat Mélenchon à renvoyer dos-à-dos les deux finalistes du scrutin présidentiel. Dans notre enquête, 54% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon disent avoir refusé de choisir un des deux candidats. Et ceux qui ont voté sont clivés : lorsqu’ils appartiennent aux classes moyennes diplômées, ils votent Emmanuel Macron, lorsqu’ils évoluent dans les mondes populaires, ils votent dans des proportions importantes pour Marine Le Pen.

Il en résulte qu’Emmanuel Macron a été élu par une fraction réduite du corps électoral (38%) et que le « non choix » (abstention, blancs et nuls) arrive en 2nde position à 34%. Ainsi les « deux Français sur trois » que Valéry Giscard d’Estaing ambitionnait de réunir il y a près de 40 ans, pourrait ne plus être qu’« un Français sur trois ». C’est suffisant pour gagner des élections, mais est-ce suffisant pour asseoir la stabilité du régime ?

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