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Sondage pour le Point : Une réforme des retraites hautement inflammable

Le projet de réforme des retraites divise l’électorat du Président de la République et unifie les oppositions

L’étude réalisée par Cluster 17 confirme que l’opinion publique est dans sa grande majorité réfractaire à l’idée d’une réforme des retraites. Lorsque l’on soumet aux sondés une série de termes pour qualifier leurs sentiments à l’égard d’une telle réforme, les items négatifs l’emportent très largement sur les items positifs. Ainsi, seuls 2% des répondants se déclarent « enthousiastes » face à la perspective d’une telle réforme et ils ne sont que 11% à exprimer un sentiment de « satisfaction ». Au total, même en ajoutant les 3% de « soulagés », il n’y a guère plus d’un Français sondé sur six (16%) qui sélectionne un terme positif pour qualifier ses sentiments à l’idée de voir le système des retraites être réformé.

A l’opposé, près des trois quarts des Français (74%) manifestent des sentiments négatifs. Ils sont ainsi 30% à déclarer leur « lassitude » face à une telle réforme. Mais ils sont aussi 35% à éprouver de la « colère » et 9% un sentiment d’« humiliation ». De tels résultats révèlent un pays sous haute tension politique et sociale.

Satisfaction et mécontentement ne se distribuent pas au hasard, loin de là. Ce sont logiquement les électeurs d’Emmanuel Macron et de Valérie Pécresse qui expriment le plus fréquemment des sentiments positifs à l’idée d’une réforme des retraites : respectivement à 46% et 33%. Ce sont les deux seuls électorats où la proportion de « satisfaits » est significative : 32% et 22%. On notera cependant que même au sein des électorats du Président de la République et de la candidate des Républicains, la perspective d’une telle réforme produit des divisions non-négligeables : 38% des électeurs d’Emmanuel Macron et même 52% des électeurs de Valérie Pécresse choisissent des termes négatifs pour qualifier leurs sentiments. Comme on peut le constater, réformer les retraites clive au sein-même de l’électorat présidentiel et de celui des Républicains.

A l’inverse, une telle perspective unifie les électorats de la NUPES et du RN. 85% des électeurs de Marine Le Pen choisissent un terme négatif pour désigner leurs sentiments. Il en va de même pour 84% des électeurs d’Anne Hidalgo et ce niveau de rejet atteint même 92% parmi les électeurs de Fabien Roussel et 95% parmi ceux de Jean-Luc Mélenchon.

Une telle réforme offre donc un cadre favorable aux oppositions : celles-ci pourront fédérer leur coalition électorale dans le rejet de la réforme tandis que face à elle, la majorité présidentielle et les Républicains ne pourront compter que sur une base de soutien assez restreinte et devront même affronter des divisions conséquentes au sein de leurs propres électorats.

Un pays inflammable ?

Si la bataille de l’opinion s’annonce particulièrement difficile pour le gouvernement, la question qui se pose est de savoir si le pays risque de connaître un mouvement social d’envergure, comparable, par exemple, aux grèves et manifestations de 1995. De telles mobilisations sont, on le sait, particulièrement difficiles à anticiper. Ce que révèle, en revanche, l’étude menée par Cluster 17, c’est à quel point le pays est sous tension et la situation parait inflammable.

Il faut tout d’abord souligner que les clusters qui se déclarent les plus en « colère » sont aussi ceux qui avaient été les plus en pointe dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes : Sociaux-patriotes (61% se déclarent en colère), Solidaires (63%), Multiculturalistes (72%). Le fait que ces groupes très divisés sur de nombreux sujets et dans leurs orientations électorales (les uns votent massivement Marine Le Pen, les autres Jean-Luc Mélenchon), mais très habitués à l’action collective, partagent un même sentiment de « colère » peut être analysé comme un indice d’un potentiel de mobilisation élevé dans le pays.

Il est, dans cette perspective, intéressant d’observer que 49% des sondés considèrent qu’il « va y avoir un mouvement social massif du type Gilets jaunes au mois de janvier » contre 39% qui ne le pensent pas (et 11% qui ne « savent pas »). Le fait qu’un Français sondé sur deux croit dans la possibilité d’un tel mouvement social apporte une nouvelle confirmation du caractère éminemment tendu de la situation sociale.

L’analyse par clusters apporte, sur ce point également, des informations intéressantes. Les groupes (clusters) les plus convaincus qu’une telle explosion sociale pourrait se produire dans les prochaines semaines sont ceux qui composent le noyau dur de l’électorat lepéniste : Réfractaires, Eurosceptiques, Sociaux-patriotes. Dans ces groupes majoritairement très populaires, relevant largement de la France périphérique et partageant en commun un fort rejet du système et des élites, l’on s’attend à voir se reconstituer une large mobilisation populaire. Un groupe tel que les Anti-Assistanats qui comprend beaucoup de petits commerçants et de petits patrons est sur la même longueur d’onde. Enfin, les segments les plus mélenchonistes de l’électorat (Révoltés, Solidaires et Multiculturalistes) sont, eux aussi, largement acquis à la probabilité d’une vaste mobilisation à venir.

Il n’y a que le noyau dur de l’électorat présidentiel qui, dans sa majorité, ne croie pas à une telle éventualité. Seuls les clusters composés majoritairement des catégories supérieures et demandeurs de stabilité et de modération – qu’ils soient plutôt de gauche comme les Sociaux-Démocrates, du Centre ou de droite comme les Libéraux – ne croient pas à une réédition, même sous une autre forme, de la révolte des ronds-points.

Qu’indiquent de tels résultats ? Que ceux qui soutiennent l’action du gouvernement préfèrent croire que la mobilisation sera réduite, quand les opposants – tout particulièrement les plus déterminés – anticipent au contraire, sans doute parce qu’ils l’espèrent, une vaste mobilisation sociale. Celle-ci adviendra-t-elle ? Cela dépend, bien évidemment, de multiples facteurs, dont le fait de savoir si ce qui l’emportera sera la « lassitude » ou la « colère » dont on a vu qu’elles étaient les deux principaux sentiments qui animent aujourd’hui les opposants à la réforme.

Une majorité considère que ses conditions de vie se détériorent

Les tensions décrites précédemment s’expliquent, en partie, par le contexte social et, plus encore, par la perception qu’en ont les citoyens. Ce qui domine aujourd’hui dans le pays, c’est un sentiment diffus de détérioration des conditions de vie. Ainsi, 56% des sondés considèrent que leur « situation personnelle » s’est « détériorée » au cours des derniers mois contre seulement 5% qui jugent qu’elle s’est « améliorée ». Un tel constat apporte une part d’explication au sentiment de « lassitude » et de « colère » dominant. Les seuls groupes qui ne partagent pas de façon majoritaire cette sensation de dégradation de leurs conditions de vie sont ceux qui composent le noyau dur de l’électorat présidentiel : Sociaux-Démocrates, Progressistes, Centristes et Libéraux. Tous les autres clusters, à des degrés divers, sont convaincus de subir une détérioration de leurs conditions d’existence. Ce sentiment atteint un niveau record au sein des segments populaires composant le socle électoral du RN : 70% chez les Eurosceptiques, 83% chez les Réfractaires et 84% chez les Sociaux-Patriotes. On l’aura compris, ceux qui s’attendent le plus à une mobilisation du type Gilets jaunes sont aussi ceux qui vivent le plus intensément la sensation d’une dégradation de leur situation personnelle.

Les retraites ne sont pas forcément le sujet le plus abrasif

Lorsqu’on interroge les Français sur les raisons qui pourraient les conduire à se mobiliser, les retraites ne sont pas, aujourd’hui, le sujet qui se révèle être potentiellement le plus mobilisateur. On notera, au préalable, que seuls 14% des sondés déclarent « n’avoir aucune raison de se mobiliser », ce qui, là encore, confirme l’état de tension qui caractérise le pays. La thématique du pouvoir d’achat se révèle être le sujet potentiellement le plus mobilisateur : plus d’un tiers des sondés citant « la hausse des prix » (18%) et les « salaires et les pensions de retraites trop bas » (16%). Ce résultat est probablement à mettre en rapport avec le sentiment de dégradation des conditions de vie évoqué précédemment.  Les catégories populaires sont aujourd’hui les plus sensibles à ces thématiques liées aux conditions matérielles d’existence. Le sentiment de ne pas être suffisamment respecté arrive, lui aussi, avant les retraites dans les motifs de contestation mis en avant : il est particulièrement intéressant de constater que 18% des sondés déclarent qu’ils pourraient se mobiliser en raison « du mépris des élites pour les gens ordinaires ». Ce ressentiment contre les élites est très élevé dans les groupes les plus antisystèmes, qu’ils soient de gauche (Solidaires) ou proches du RN (Réfractaires, Sociaux-Patriotes) ainsi que chez les Identitaires. A noter que « l’attitude d’Emmanuel Macron » est également cité par 10% des sondés comme un motif de mobilisation potentielle. Tout cela s’inscrit dans le clivage peuple VS élite qui était au fondement de la mobilisation des Gilets jaunes. Il manifeste une fracture sociale qui est l’un des éléments les plus structurants de la politique française. Dans ce contexte, la réforme des retraites n’est citée comme motif principal de mobilisation que par à peine plus d’un sondé sur dix (11%). Ce dernier chiffre, cumulé au sentiment de lassitude qui touche des pans entiers de la population, pourrait conduire à relativiser les risques d’une explosion sociale dans les jours et les semaines à venir. Il faut, néanmoins, souligner que cette réforme polarise plus fortement dans deux clusters de gauche (les Multiculturalistes et les Solidaires) qui sont, avec les Sociaux-Patriotes, les trois groupes les plus décisifs en matière de mobilisation sociale, tant ils sont nombreux dans les organisations syndicales et, plus encore, dans les mobilisations sociales de ces dernières années.

En résumé, le potentiel de contestation et de mobilisation est, aujourd’hui, élevé dans le pays. Mais un potentiel ne débouche pas nécessairement sur une mobilisation effective de grande ampleur. Seuls les prochains jours et les prochaines semaines permettront de répondre à la question de savoir si le gouvernement parviendra à gagner son pari : reculer l’âge de départ à la retraite sans susciter un mouvement social de grande ampleur comme la France en a connu à plusieurs reprises au cours des trois dernières décennies.

Rebond pour Emmanuel Macron

Baromètre des personnalités n°9 : Rebond pour Emmanuel Macron

Chaque mois, Cluster17 publie son baromètre de popularité des personnalités politiques. Pour organiser notre classement, nous plaçons en tête la personnalité qui obtient le plus de « soutien » politique. Cela nous semble plus prédictif du potentiel électoral d’une personnalité ; la « sympathie » étant un élément subjectif moins discriminant, favorisant des figures plus « consensuelles » et, pour cette raison, moins explicatif des comportements électoraux.

 Malgré un contexte marqué par des tensions sociales dues à la présentation prochaine de la réforme des retraites et aux dégâts causés par l’inflation, Emmanuel Macron reprend la tête du classement. Le Président de la République ne semble pas affaibli personnellement par le contexte. Le rejet exprimé par les Français, qui demeure élevé à son endroit, ne croît pas et reste cantonné à cette France populaire, contestataire, au sein de laquelle il n’a jamais été populaire.

Marine Le Pen connaît une baisse de deux points de soutien, à 12% et descend à la 3eme place du classement. Son capital d’opinions positives (soutien + sympathie) demeure, lui, plus élevé que ses principaux concurrents : Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. Elle est à ce titre moins rejetée qu’eux, même si c’est tout de même à 52%. Pour la première fois, elle est rejointe par une concurrente directe, Marion Maréchal, qui malgré une relative discrétion médiatique, ne cesse de progresser ces trois derniers mois. Avec 12% de soutien exprimé, elle se place en leader naturel au sein de la droite radicale et de l’extrême droite.

Enfin, à gauche, on observe un reflux général, qui touche en premier lieu François Ruffin. Talonnant le podium le mois dernier, le député de Picardie perd 2 points mais demeure avec 11% de soutien, la 2eme personnalité de gauche la plus soutenue après Jean-Luc Mélenchon qui conserve son leadership. A gauche, notons également le rejet très élevé suscité par Sandrine Rousseau. La députée de Paris est la personnalité qui suscite le moins de sympathie, seulement 7% et le plus haut niveau de rejet, à égalité avec Eric Zemmour, à 64%.

Sondage pour Le Point : Guerre en Ukraine, inflation… Vent de pessimisme sur la France

Les Français, marqués par le conflit en Ukraine sont pessimistes pour l’année 2023

Dans ce sondage pour Le Point, nous avons sondé les Français sur leur état d’esprit alors que l’année 2022 s’achève.

Le premier enseignement est que la guerre en Ukraine a considérablement frappé l’opinion. 45% des Français retiennent l’invasion de l’Ukraine comme étant le fait le plus marquant de l’année 2022. De même, pour 34% des Français la personnalité la plus importante de l’année est Volodymyr Zelensky, devant Vladimir Poutine, cité par 19% des Français.

Si les Français ont été si impactés c’est principalement parce que les conséquences de cette guerre sont tangibles dans leur quotidien.

  • La souveraineté énergétique, première priorité des Français

Les hausses des prix de l’énergie font courir le risque d’un manque d’électricité et de coupures pour des millions de Français. Dans ce contexte, 28% des Français affirment que la première priorité du gouvernement pour l’année qui vient devrait être de « garantir l’indépendance énergétique » du pays. C’est une demande qui traverse l’ensemble de nos « clusters », bien que les électeurs de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon semblent moins sensibles à cette question.

Pour 25% des Français interrogés, c’est l’augmentation des salaires qui doit être érigée en priorité gouvernementale. C’est aussi une conséquence immédiate de la guerre, la crise inflationniste touchant sévèrement le pouvoir d’achat des ménages. Ce sont les électeurs de gauche qui tiennent le plus à ces augmentations mais c’est un souhait partagé par l’ensemble des clusters populaires, qu’ils soient plutôt « mélenchonnistes » comme les Solidaires ou « marinistes » comme les Sociaux-Patriotes.

Enfin, 18% des Français souhaitent que la première priorité gouvernementale soit la limitation de l’immigration. Une demande partagée très largement par les électeurs d’Eric Zemmour et de Marine Le Pen alors qu’un projet de loi est en préparation et que le débat a réémergé à l’occasion de l’amarrage de l’Ocean Viking à Toulon.

  • Un vent de pessimisme souffle déjà sur 2023

Le contexte économique et géopolitique abîme le moral des Français. Ceux-ci sont extrêmement pessimistes pour l’avenir du pays. Pour 69% d’entre eux, l’année 2023 sera moins bonne que l’année 2022. L’électorat populaire est particulièrement pessimiste. On retrouve « l’arc contestataire » : les clusters les plus proches des gilets jaunes sont également les plus pessimistes que cela concerne leur situation personnelle ou celle du pays, symboles de cette France qui décroche et qui subit les déséquilibres économiques. Des franges de l’opinion exaspérées, résignées, qu’on retrouve principalement dans les coalitions électorales de Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Eric Zemmour.

On retrouve à l’inverse un des traits principaux qui caractérise l’électorat macroniste. Celui-ci appartient en effet très majoritairement à la « France qui va bien », moins pessimiste que la France des ronds-points. Toutefois, seul 1 électeur sur 5 du Président de la République pense que l’année qui vient sera meilleure pour le pays que l’année qui s’achève.

Pessimistes ou réalistes, les Français semblent en tout cas préparés à vivre une année sombre, tandis que l’année 2022, marquée par la Covid-19 et la guerre en Ukraine n’a pas été particulièrement réjouissante.

Sondage pour Le Point : Les Français vont se serrer la ceinture pour Noël

Un Noël sobre en perspective pour une grande partie des Français

Tout d’abord, notre étude montre que les Français demeurent attachés à Noël. Plus de 60% déclarent aimer Noël. Toutefois, ce sont les électeurs de Jean-Luc Mélenchon qui aiment le moins Noël. Les groupes de la gauche radicale : Multiculturalistes, Solidaires et Révoltés sont les groupes qui déclarent le moins aimer Noël : un quart d’entre eux environ place une note inférieure à 3 sur une échelle de 0 à 10. A l’inverse, les électeurs de droite et de la droite radicale sont ceux qui déclarent le plus apprécier Noël. Les électeurs d’Eric Zemmour en tête, suivis de ceux de Valérie Pécresse, Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen qui déclarent à environ 70% apprécier Noël.

Ce clivage entre gauche et droite est un clivage classique entre « progressistes » et « conservateurs ». Mais également entre « jeunes » et « seniors ».

Pour 37% des Français Noël est avant tout « une fête catholique qui fait partie de la tradition française ». 52% affirment que « Noël est une fête devenue laïque qui appartient à tous ».

Ce sont principalement les électeurs de droite et d’extrême droite pour qui Noël demeure une fête chrétienne ancrée dans la tradition française quand pour les électeurs de gauche, c’est une fête sécularisée. Ce sont les Français de plus de 65 ans qui identifient le plus Noël à une fête chrétienne. C’est également le cas de 81% des électeurs d’Eric Zemmour, de 61% des électeurs de Marine Le Pen et de 59% des électeurs de Valérie Pécresse. A l’inverse, 75% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon et 69% des électeurs de Yannick Jadot voient avant tout Noël comme « une fête devenue laïque qui appartient à tous ». Deux visions de la France s’opposent ici entre tradition religieuse d’un côté et universalisme laïque de l’autre. On retrouve cette logique au sein de nos clusters : les Multiculturalistes, les Sociaux-Démocrates, les Progressistes, trois clusters particulièrement athées, se sentant les plus « citoyens du monde » sont les moins traditionnalistes. Sur l’autre versant du clivage, les Sociaux-Patriotes, les Anti-Assistanat et les Identitaires, trois clusters particulièrement favorables aux frontières et rétifs à l’immigration sont ceux qui adhèrent le plus à une vision chrétienne de Noël.

Par ailleurs, la crise inflationniste dégrade fortement le pouvoir d’achat des Français. A ce titre, un tiers d’entre eux envisage de dépenser moins que l’année dernière pour Noël (cadeaux et repas). Ce sont les groupes les plus populaires qui vont se serrer la ceinture : les Solidaires, les Réfractaires, les Eurosceptiques, les Sociaux-Patriotes, les Anti-Assistanat. Il s’agit des groupes qui se sont le plus mobilisés sur les ronds-points de gilets jaunes en 2018 et 2019. Des groupes contenant de nombreux ouvriers, employés, techniciens, petits artisans, auto-entrepreneurs, très dépendants de leurs voitures, et donc très touchés par la flambée des prix de l’essence et de l’énergie. Ainsi, ce sont les électeurs de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon qui envisagent le plus de faire des économies cette année.

Une majorité relative de Français – 41% – comptent dépenser « la même somme que l’année dernière ». Comme nous l’avions déjà perçu lors de précédentes études, les clusters de la coalition présidentielle sont les moins touchés par l’inflation : les Sociaux-Démocrates, les Centristes, les Conservateurs, les Libéraux sont des groupes qui envisagent de dépenser la même somme que l’année dernière. Il s’agit, à l’exception des Conservateurs, d’une « France qui va bien », diplômée et aisée, possédant de l’épargne et du patrimoine, moins dépendante de la voiture et plus optimiste sur leur avenir personnel que la moyenne des Français.

Baromètre des personnalités politiques de Novembre

Baromètre des personnalités n°8 : L’exécutif dans un creux

 Chaque mois, Cluster17 publie son baromètre de popularité des personnalités politiques. Pour organiser notre classement, nous plaçons en tête la personnalité qui obtient le plus de « soutien » politique. Cela nous semble plus prédictif du potentiel électoral d’une personnalité ; la « sympathie » étant un élément subjectif moins discriminant, favorisant des figures plus « consensuelles » et, pour cette raison, moins explicatif des comportements électoraux.

Le couple exécutif est en baisse ce mois-ci, de même que l’ensemble des principales personnalités du gouvernement. Après 4 mois passés à la tête du classement, Emmanuel Macron perd trois points de soutien politique et cède la 1ere place du classement à Marine Le Pen. Les trois protagonistes principaux de la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Emmanuel Macron sont à égalité en termes de soutien politique, chacun rassemblant 14% de soutien. Chacune de ces trois personnalités suscite un rejet au sein de la population, à un niveau supérieur à 55%.

François Ruffin continue de progresser et talonne désormais le trio de tête avec 13% de soutien politique. Lorsqu’on additionne le soutien politique et la sympathie suscitée, le député de la Somme est en tête du classement avec 38% d’opinions positives, devant Fabien Roussel, qui demeure lui aussi très populaire avec 34% d’opinions positives.

Arrive ensuite dans le classement un trio RN/Reconquête, composé de Jordan Bardella, Marion Maréchal et Eric Zemmour, ce dernier est en hausse de 2 points ce mois-ci. Ces trois personnalités recueillent 11% de soutien politique et semblent installés durablement dans le haut du classement.

Enfin, les trois « nouveaux » du classement : Jean Castex, François Hollande et François Bayrou ne suscitent guère d’enthousiasme. Si l’ancien Premier Ministre d’Emmanuel Macron dispose d’une bonne côte de sympathie dans l’opinion, environ 25%, il ne dispose pas du même soutien politique que ses pairs, Elisabeth Borne et Edouard Philippe.

Pour François Hollande et François Bayrou, le constat est plus rude : ils ne dépassent chacun pas les 3% de soutien, suscitent dans le même temps du rejet chez près d’un Français sur deux et de l’indifférence chez un tiers d’entre eux.

CLUSTER17

Les Français pessimistes sur l’avenir des Républicains

Sondage hebdomadaire réalisé pour Le Point

Une base électorale étriquée

Alors que leur Congrès approche, l’avenir des Républicains semble plus que jamais s’écrire en pointillés.

Un Français sur cinq seulement pense que LR a un avenir politique. 72% affirment à l’inverse qu’ils n’ont pas d’avenir. La base politique historique de la « droite de gouvernement » n’est guère plus optimiste. Même au sein des clusters Conservateurs, Libéraux, Anti-Assistanat et Identitaires – les quatre groupes qui ont largement porté les candidatures de Nicolas Sarkozy et François Fillon – une majorité d’électeurs pense que LR n’a pas d’avenir politique.

Il n’y a qu’au sein de la modeste base électorale de Valérie Pécresse que l’on est plus optimistes. En effet 71% de ses électeurs affirment que LR a encore un avenir politique.

Les Républicains au cœur de la tenaille

Une des raisons principales de cette dépréciation de LR est la concurrence exercée concomitamment par la majorité présidentielle et par l’extrême droite sur son électorat.

Ainsi, seuls 25% des Français pensent que LR est « le parti qui représente le mieux la droite ». 24% pensent que c’est Renaissance, et 24% pensent que c’est le RN.

Symbole inquiétant, au sein de l’électorat traditionnel de la droite, il n’y a que dans le cluster des Libéraux – le plus aisé et également le plus politisé – que LR incarne le « mieux » la droite. Dans les fractions plus droitières ou plus populaires de son ancien électorat, les Républicains sont devancés largement par le Rassemblement National, voire par Reconquête.

Le bilan de Nicolas Sarkozy mis en cause

Celui qui a fondé LR est aussi le dernier président de droite à avoir gouverné. Soutenu par des groupes d’électeurs très différents, Nicolas Sarkozy avait su capter un vote « populaire-identitaire » et un vote « élitaire-libéral » pour se hisser au pouvoir. Encore, en 2012, malgré l’exercice du pouvoir, Nicolas Sarkozy était parvenu à mobiliser très largement son « camp ».

Pour autant, le regard des Français sur son quinquennat est assez sévère et explique en partie la déliquescence des Républicains. 75% jugent son bilan insatisfaisant. Le taux d’insatisfaction très élevé dans l’électorat populaire qui avait voté pour lui, et qui désormais vote largement pour le RN, symbolise le niveau de déception qu’a suscité son quinquennat dans cet électorat.

Sondage pour Le Point : le regard des Français sur la chasse et la corrida

Les Français favorables à l’interdiction de la corrida

  • 61% des Français interrogés se déclarent favorables à l’interdiction de la corrida. Parmi eux, nous retrouvons principalement des Français se situant à gauche. Plus de 80% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon et de Yannick Jadot sont pour l’interdiction de cette pratique. Ce sont donc dans les clusters se situant à gauche (Multiculturalistes, Sociaux-Démocrates, Progressistes et Solidaires) que l’interdiction atteint son plus haut niveau de soutien.
  • 28% des Français sont à l’inverse contre l’interdiction de la corrida. Les défenseurs de la corrida sont principalement les électeurs de droite, en particulier ceux de Valérie Pécresse, Eric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan. Les électeurs d’Emmanuel Macron et Marine Le Pen sont plus clivés, une courte majorité d’entre eux se disant favorables à l’interdiction.
  • L’interdiction de la corrida est un marqueur générationnel : les moins de 35 ans sont très largement favorables à son interdiction tandis que les plus âgés, en particulier les retraités sont plus mesurés et plus rétifs à l’interdiction.
  • De même, il existe une logique sociale dans les clivages qui entourent la corrida. Ce sont les Français les plus aisés qui défendent le plus la corrida. Les Français gagnant plus de 5000€ sont en effet « seulement » 51% à se déclarer en faveur de l’interdiction quand les Français gagnant moins de 2000€ sont plus de 60% à souhaiter l’interdiction de cette pratique.
  • Fort logiquement, les habitants de la région Nouvelle-Aquitaine sont les plus attachés à la corrida : 38% d’entre eux se disent opposés à cette interdiction. Enfin, ce sont les habitants des villes de plus de 100 000 habitants qui sont les plus favorables à l’interdiction de la corrida, à 70%.

Les Français divisés sur la pratique de la chasse

  • Pratique barbare VS pratique loisir : l’opinion clivée
    La pratique de la chasse divise fortement les Français. D’un côté, des Français très opposés à la chasse, écologistes, souvent citadins, se situant plutôt à gauche, appartenant aux électorats de la NUPES et de la majorité présidentielle et de l’autre, des Français plus favorables à la chasse, conservateurs et se situant largement à droite de l’échiquier. Ainsi pour les premiers, la chasse est majoritairement « une pratique barbare d’un autre âge » quand pour les seconds elle est davantage « un loisir comme un autre ».Malgré ces divisions, une majorité importante de Français (63%) – y compris les clusters se situant à gauche comme les Progressistes et les Sociaux-Démocrates – affirme que la chasse « fait partie de nos traditions françaises ». Cela démontre une forme d’attachement à cette pratique, plus étendue et sûrement plus populaire que la corrida.
  • L’aspect « utilitaire » de la chasse est d’ailleurs reconnu par les Français. Si la pratique clive les Français, la majorité d’entre eux reconnait que la chasse « permet de réguler » les espèces animales. 64% des Français sont d’accord avec cette affirmation y compris les Français les plus à gauche, à l’exception des Multiculturalistes, cluster assez radical, très écologiste et très opposé à la chasse.
  • Pour autant, les accidents mortels causés régulièrement par les chasseurs sont fortement sanctionnés par l’opinion. 81% des Français interrogés pensent que la chasse est une « pratique dangereuse, notamment pour les promeneurs ». Ici, même les « pro-chasse » sont d’accord avec cette affirmation, démontrant l’attente des Français pour une meilleure régulation de la pratique et un partage plus apaisé de l’espace public rural.

Sondage pour Le Point : Une majorité de Français défavorables à l’accueil des navires de migrants

Les Français majoritairement opposés à l’accueil des navires de migrants

L’accueil du navire Ocean Viking à Toulon a suscité de vives controverses dans le débat public. Le Président de la République et son gouvernement semblent fragilisés dès que le sujet migratoire ressurgit. Et pour cause, son électorat composite, mêle des Français favorables à l’accueil « et en même temps » des Français plus âgés, plus conservateurs, hostiles aux migrants. Pour ses opposants, les choses sont plus simples : la NUPES et le RN ont des électorats bien plus homogènes que la majorité sur la question migratoire.

  • La difficile politique du « en même temps » en matière d’immigration

On dit de l’électorat d’Emmanuel Macron qu’il s’est droitisé entre 2017 et 2022. C’est partiellement vrai. En effet, au bénéfice des crises (gilets jaunes, Covid, guerre en Ukraine), le Président a incarné « l’ordre » et a attiré à lui davantage de retraités et d’électeurs conservateurs qu’en 2017. Lors de sa première élection, il avait surtout capté l’ancien électorat du Parti Socialiste. Pour autant, cet électorat de gauche modérée – qui se retrouve principalement au sein de nos clusters Sociaux-Démocrates et Progressistes – a largement participé à sa réélection en 2022. Si bien que le Président demeure toujours soutenu par un électorat de droite et de gauche.

Si les crises déjà évoquées et le rejet des « populismes » ont participé à souder ces électeurs, le sujet de l’immigration participe au contraire à les cliver sur l’axe principal qui sépare aujourd’hui les électeurs : l’axe identitaire.

On constate ainsi que l’électorat du Président est le plus clivé sur la question de l’accueil des bateaux de migrants dans les ports français : 59% de ses électeurs se disent favorables, 38% déclarent à l’inverse y être défavorables.

Sur les 8 clusters qui l’ont placé en tête le soir du 1er tour, 5 d’entre eux sont majoritairement opposés à l’accueil des bateaux de migrants : il s’agit des Sociaux-Républicains, des Eclectiques, des Apolitiques, des Conservateurs et des Libéraux. Insistons sur le fait que ces clusters sont loin d’être les plus « identitaires » et les plus « durs » sur l’immigration. Cela montre la difficulté pour le Président et son gouvernement de gérer une telle crise dans un contexte de fort repli des Etats membres de l’UE, en particulier de l’Italie, dont la nouvelle Première Ministre Giorgia Meloni n’a pas hésité à engager un bras de fer avec la France.

  • Une majorité de Français opposés à l’ouverture des ports aux bateaux de migrants

La répartition des opinions sur la question de l’accueil des migrants est linéaire : plus vous êtes dans un cluster proche de la « gauche », plus vous êtes favorables à l’accueil. Ainsi, sont majoritairement favorables à l’ouverture des ports aux bateaux de migrants : les Multiculturalistes, les Sociaux-Démocrates, les Progressistes, les Solidaires, les Centristes et les Révoltés. Cela concerne donc principalement les électeurs de la NUPES et une partie relativement importante des électeurs de la majorité présidentielle. Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon sont 80% à être favorables à l’accueil.

 

A l’inverse, plus on va vers la « droite », plus l’opposition à l’accueil des migrants croît. C’est principalement le cas des Conservateurs, des Libéraux, des Anti-Assistanat et des Identitaires qui constituaient jadis le cœur de cible de l’UMP et de LR. Ils s’orientent désormais majoritairement vers le RN et dans une moindre mesure vers la majorité. De même que les Réfractaires, les Eurosceptiques et les Sociaux-Patriotes, trois clusters essentiellement « marinistes », extrêmement populaires, et tout à fait opposés à l’accueil des migrants.

Electoralement, le sujet est donc plus « simple » à traiter pour LR et le RN que pour la majorité. Les Républicains ont même tout intérêt à déstabiliser la majorité sur un tel sujet pour espérer « récupérer » une partie de leur électorat.

  • Un clivage de classe éloquent

On retrouve deux éléments caractéristiques de la sociologie politique dans la répartition des opinions quant à l’immigration : plus les Français sont jeunes, plus ils sont accueillants. Moins ils sont diplômés, moins ils le sont. Ainsi les Français qui n’ont pas le Bac sont 73% à être défavorables à l’accueil des migrants quand les Bac +5 sont 57% à y être favorables.

Le clivage de classe est extrêmement puissant. Plus les Français s’auto-positionnent dans les classes populaires, plus ils sont opposés à l’accueil des migrants : Quand 65% des Français appartenant aux « classes populaires défavorisés » déclarent être défavorables à l’accueil, 68% des Français appartenant aux « classes supérieures privilégiées » se disent à l’inverse favorables à l’accueil.

On touche ainsi aux difficultés ontologiques de la gauche : les idées dominantes aujourd’hui en matière d’identité, au sein des classes populaires notamment, sont assez décalées par rapport aux positionnements de la NUPES et de l’ensemble de ses composantes. Ceci explique en partie ses difficultés à élargir son socle électoral.

  • Les Français sont moins favorables à l’accueil des Ukrainiens qu’en février

Nous avions demandé aux Français au moment de l’invasion russe en février s’ils étaient favorables ou non à accueillir les réfugiés Ukrainiens, alors nombreux à quitter leur pays. En pleine campagne présidentielle, une large majorité de Français se montraient favorables à accueillir ces Ukrainiens. Les Français étaient favorables à 81%. Ils sont aujourd’hui favorables à 61% à l’accueil, soit une baisse de 13 points. Dans un contexte où la guerre dure sans s’intensifier, le sentiment d’urgence et « d’utilité » de l’accueil semble diminuer. Ce sentiment diminue dans l’ensemble des strates de la société française. Toutefois, c’est au sein de clusters qui étaient déjà rétifs à l’accueil de réfugiés que la baisse est la plus sensible. 46% de Réfractaires et 36% d’Eurosceptiques sont aujourd’hui favorables, soit une baisse de 31 points au sein de ces clusters.

Enquete-Francais-Histoire-Armee-Europe

Enquête pour la Fondation Res Publica sur le rapport des Français à l’Histoire, à l’Armée et à l’Europe

La mémoire de la France

Une mémoire du passé marquée par les débats du présent

Les résultats de l’enquête montrent une opinion fortement marquée par le présentéisme et les débats contemporains. Les deux grands perdants dans l’approche historique développée par nos compatriotes sont le temps long et le roman national. C’est ainsi l’évènement symboliquement marquant de l’entrée dans la période historique actuelle qui arrive en tête de ceux cités par les Français, soit la chute du mur de Berlin à 63 %. Trois sujets fortement ancrés dans l’actualité se trouvent également mis en avant ; l’abolition de l’esclavage à 55 %, la loi de séparation de l’Église et de l’État (47 %) et la fin de la colonisation française en Afrique (30 %). Sans que cela soit une surprise, on assiste donc à une interprétation rétrospective de l’importance des évènements politiques eu égard à leur place dans les débats actuels. Deux évènements se détachent toutefois et semblent des marqueurs fondamentaux dans la perception de l’histoire par les Français : l’invention de l’écriture (51 %) et la Révolution française (54 %). Même si elle n’est pas citée parmi les premiers items, la mémoire de la Seconde Guerre mondiale est très présente parmi les sondés notamment à travers les personnalités qu’ils disent préférer. C’est ainsi le cas de Gaulle, Jean Moulin ou Simone Veil.

Le Général de Gaulle reste la personnalité préférée des Français avec 22 % des sondés. Il est toutefois talonné par Simone Veil, loin devant Jean Jaurès et Napoléon Bonaparte, tous deux à 9 %. Là aussi, on note l’importance de l’actualité dans la façon dont nous lisons le passé. La figure de Simone Veil est peu consensuelle chez les identitaires et les libéraux, mais marque moins un clivage politique que celle du Général du Gaulle.

Si attaquée qu’elle fut depuis les années 1980, la Révolution semble encore bel et bien représenter, pour la majorité de l’opinion, l’évènement si ce n’est fondateur, en tout cas identifié, de l’histoire nationale. Son importance est toutefois très corrélée aux positionnements politiques. 73 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon, 78 % des électeurs d’Anne Hidalgo la citent, contre 29 % des ceux d’Éric Zemmour et 40 % de ceux de Valérie Pécresse. Le taux est bien plus élevé chez les électeurs de Marine Le Pen (49 %), montrant qu’en la matière les traditions mémorielles issues de la droite touchent moins cet électorat. Il n’en reste pas moins que la Révolution semble être le dernier élément structurant d’une mémoire nationale commune. Jamais, en cette période de fragilité nationale, la phrase de Régis de Debré ne s’est autant avérée : « dire que la Révolution est terminée, c’est brûler notre acte de naissance ».

Entre Sumer et la réunion des États généraux, le reste de l’histoire semble secondaire pour les Français, ou faire l’objet d’un vrai affrontement idéologique.

Mémoire de droite

Le Baptême de Clovis (12 %), le Sacre de Napoléon (16 %), la Chevauchée de Jeanne d’Arc (17 %) ne font guère recette dans la population générale. Néanmoins, il faut sur ces sujets noter une singularité de l’électorat zemmourien, qui les cite à respectivement 43 %, 38 % et 45 %. On retrouve cette tendance dans une moindre mesure dans l’électorat Pécresse et Le Pen. Là où l’électorat d’Éric Zemmour se distingue le plus, c’est toutefois sur la mémoire de la bataille de Poitiers, citée par 54 % contre 18 % de la population générale. Si l’on s’intéresse à la division de l’opinion par cluster sur cet évènement, on remarque que sa popularité est portée évidemment par les Identitaires (44 %), mais aussi par les Libéraux (38 %). On trouve une structure similaire concernant la chevauchée de Jeanne d’Arc (41 % et 28 %) ou le Baptême de Clovis (21 % et 31 %). Il y a donc bien une mémoire de droite qui unit essentiellement Libéraux et Identitaires et qui se retrouve très représenté dans l’électorat Zemmour et, de façon plus marginale, dans celui de Valérie Pécresse voire de Marine Le Pen.

De manière relativement étonnante, la figure de De Gaulle n’est pas si consensuelle et se rattache au même électorat issu de la droite. Le retour de De Gaulle et la Constitution de 1958 sont cités par 29 % des sondés parmi les évènements importants de l’histoire. Il l’est par 52 % de l’électorat Pécresse, 43 % de l’électorat Zemmour et uniquement 8 % de l’électorat Hidalgo. Il est d’abord plébiscité par les Libéraux (53 %) avant de l’être par les Identitaires (42 %), soit deux clusters au cœur des coalitions traditionnelles de la droite française. Les Conservateurs et les Eurosceptiques, des groupes plus populaires et nettement moins politisés ; le mettent à peine au-dessus de la moyenne générale. De même à la question sur la personnalité historique préférée, 44 % des électeurs de Dupont-Aignan, 40 % de ceux de Pécresse, 31 % de ceux de Marine Le Pen citent l’homme du 18 juin, contre 6 % des électeurs mélenchonistes et 2 % de ceux d’Anne Hidalgo. Dans une moindre mesure, la figure de Napoléon est plébiscitée à droite, jusqu’à 25 % dans l’électorat d’Éric Zemmour. Les figures de l’Ancien régime sont pour leur part peu marquantes, y compris pour l’électorat de droite.

Il existe donc bien une mémoire commune à la droite qui demeure structurante et qui n’est pas confinée aux franges les plus radicales. Au contraire, une partie minoritaire de l’électorat Le Pen communie dans cette tradition qui semble plus l’apanage des électorats Zemmour, Pécresse, voire Macron. Cela confirme bien que l’électorat mariniste est largement étranger aux clivages culturels traditionnels opposant droite et gauche.

Mémoire de gauche

Les évènements signifiants de l’histoire de la gauche ne sont guère plus cités que ceux revendiqués par la droite. La Commune de Paris et l’élection de François Mitterrand sont citées par 19 % des Français, Mai 68 par 28 %. Ce dernier évènement est évoqué par 55 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon et 38 % de ceux de Fabien Roussel, il est moins structurant dans les électorats Jadot ou Hidalgo. L’élection de François Mitterrand est plus marquante pour l’électorat Hidalgo, la Commune pour l’électorat Mélenchon et Roussel. Les électeurs de Yannick Jadot toutefois se distinguent en ne se sentant pas vraiment plus impliqués par ces grandes dates que l’électorat général. Ils accordent en revanche une grande importance au traité de Rome (39 % contre 25 % de la population générale). En ça, la mémoire écologiste est plus proche d’une mémoire centriste que de celle de la Gauche. Même s’il s’agit d’un sujet qui traverse tous les électorats, on note une forte importance de la laïcité dans l’électorat de gauche. 80 % des électeurs d’Anne Hidalgo la citent, 65 % de ceux de Jean-Luc Mélenchon, 61 % de ceux de Fabien Roussel, 59 % de ceux de Yannick Jadot. Elle n’est au contraire mobilisée que par 43 % des électeurs de Valérie Pécresse et 27 % de ceux d’Éric Zemmour. À rebours de l’image d’un front renversé sur la laïcité, les électorats sont en la matière sujets à des orientations assez traditionnelles.

Sur les grands sujets mémoriels, se font également jour des clivages politiques. L’abolition de l’esclavage est ainsi évoquée très largement à gauche (de 77 % dans l’électorat Hidalgo à 58 % dans l’électorat Roussel), alors qu’à droite il est plus marginal (de 33 % dans l’électorat Zemmour à 52 % dans l’électorat Pécresse). Il en va de même de la décolonisation (de 27 % chez Yannick Jadot à 54 % chez Jean-Luc Mélenchon ; de 12 % chez Éric Zemmour à 19 % chez Nicolas Dupont-Aignan). On trouve sur ces sujets, comme sur l’ensemble des sujets mémoriels, une très forte singularité du groupe des Libéraux qui ne sont que 35 % à citer l’esclavage et 13 % à évoquer la décolonisation. Les Multiculturalistes sont en contraste respectivement 57 et 75 %.

La mémoire de la gauche semble avoir tourné la page des années Mitterrand. L’ancien président n’est plus guère jugé comme la personnalité historique préférée que par une petite partie de l’électorat d’Anne Hidalgo (17 %), et s’y retrouve doublé par Léon Blum (18 %). Majoritairement, les électeurs de gauche lui préfèrent Jean Moulin et surtout Jean Jaurès. Ce dernier, plébiscité par 19 % des électeurs d’Anne Hidalgo et 23 % de ceux de Fabien Roussel, est celui qui semble représenter la figure la plus consensuelle dans ce camp politique. Figure d’une gauche ouvrière, populaire, républicaine, mais aussi loin du pouvoir, ces scores semblent donner l’image d’une mémoire politique fière de ses résistances et de ses combats, mais plus critique vis-à-vis de son exercice du pouvoir.

Peut-on discerner un imaginaire macronien dans ces mémoires qui semblent encore très structurées par le vieux clivage gauche-droite ? Les électeurs d’Emmanuel Macron semblent assez portés par les figures consensuelles, variantes mémorielles du « en même temps ». Il plébiscite de Gaulle et Simone Veil et leur opinion tranche peu avec celle de la moyenne des Français sur la plupart des sujets. La thématique de l’Europe les distingue toutefois. Ils sont 81 % à citer parmi les grands évènements de l’histoire la chute du mur de Berlin et 48 % le Traité de Rome. On note également parmi eux une forte prévention vis-à-vis des phénomènes révolutionnaires. La citation de Mai 68 est ainsi de 9 points inférieurs à la moyenne des Français, de 10 points concernant la Commune de Paris.

L’avenir de la France

Le maintien d’une singularité diplomatique

Une diplomatie indépendante est largement soutenue par l’opinion qui refuse notamment toute perspective de partage du siège français au Conseil de Sécurité avec l’Allemagne. Seuls 26 % des Français s’y déclarent favorables contre 61 % qui s’y opposent. Si une telle perspective semble inenvisageable à moyen terme pour des raisons juridiques, nécessitant la révision du traité de San Francisco, elle revient de manière récurrente dans le débat public. Sans surprise, les Sociaux-patriotes et les Identitaires – deux groupes très nationalistes – sont les plus opposés à la mesure (77 %), mais on trouve également un fort rejet chez les Libéraux (79 %) et les Sociaux-démocrates (68 %) ou les Centristes (65 %). Le seul cluster présentant une majorité relative en faveur de la mesure est constitué des Progressistes, soit un groupe majoritairement jeune et orienté par des valeurs de gauche modérée (48 % favorables contre 40 % opposés). 57 % des électeurs d’Emmanuel Macron ou de Jean-Luc Mélenchon s’y opposent, 68 % de ceux de Marine Le Pen. Seuls ceux qui ont voté Yannick Jadot lui accordent une majorité relative (45 % contre 38 % opposés).

La sortie de l’OTAN n’est envisagée que par 34 % des Français. 57 % s’y montrent défavorables. Le contexte de la guerre en Ukraine permet de comprendre ces chiffres concernant une organisation qui avait, ces dernières années, semblé perdre beaucoup de son sens, jusqu’à être déclarée en état de mort cérébrale par Emmanuel Macron. Il convient également d’envisager les forts clivages que masque cette présentation générale. 92 % des Centristes, 90 % des Progressistes rejettent cette perspective contre 64 % des Solidaires et 63 % des Sociaux-patriotes qui la soutiennent. L’électorat zemmourien (66 %), mélenchoniste (53 %) et mariniste (48 % favorables contre 43 % opposés) soutient une sortie. Les électeurs de Yannick Jadot (89 %), Emmanuel Macron (88 %) et Anne Hidalgo (85 %), y semblent les plus opposés. On note en la matière donc bien un vrai clivage, assez stable et traditionnel, entre le centre et les électorats de droite et de gauche plus polarisé. Ce dernier se joue également sur un terrain mémoriel. 5 % des électeurs pensent que la victoire de 1945 est due à la France, ce qui démontre une plutôt bonne connaissance des évènements. 41 % des Français pensent qu’elle est principalement due aux États-Unis contre 33 % à l’URSS. Cette dernière reçoit toutefois le plus de suffrages dans l’électorat d’Éric Zemmour (54 %), Fabien Roussel (52 %), Jean-Luc Mélenchon (43 %) et parmi les abstentionnistes (46 %). L’électorat d’Emmanuel Macron au contraire désigne les États-Unis à 60 % (contre 18 % pour l’URSS). On remarque que le taux de personnes désignant l’URSS comme principale vainqueur connaît son meilleur score parmi les personnes touchant moins de 1000 euros (42 %) alors que la catégorie de revenus désignant le plus majoritaire les États-Unis, sont ceux gagnant plus de 5000 euros (50 %).

Les rapports des Français à la guerre en Ukraine sont à la fois ambigus et très liés à leurs opinions politiques préalables. Une partie non négligeable de l’opinion est d’accord avec l’idée que nous devrions renforcer nos liens diplomatiques avec la Russie  : 43 % de favorables, contre 46 % de défavorables. Cette position peut paraître étonnante au regard de développement à la suite de la guerre en Ukraine. On serait tenté d’y voir une opinion qui sans être prorusse semble en recherche d’équilibre dans une position française qui, depuis le début du conflit, a cherché à ménager condamnation de la guerre et voie de dialogue ouverte avec Moscou pour sortir de l’impasse. On remarque toutefois sur ce sujet, comme sur celui de l’OTAN, une forte polarisation politique. Les groupes anti-Otan sont aussi les plus pro-dialogues (50 % des solidaires ; 64 % des identitaires ; 61 % des sociaux patriotes ; 75 % des électeurs d’Éric Zemmour ; 54 % de ceux de Marine Le Pen ; 48 % de ceux de Jean-Luc Mélenchon). Au contraire, les groupes les plus atlantistes sont aussi les plus fermés à un renforcement des liens (72 % des Centristes, 64 % des Sociaux-démocrates ; 63 % des Progressistes). Cette ambivalence de l’opinion n’est ainsi pas vraiment le signe d’une approbation de l’équilibre d’Emmanuel Macron, mais d’une vraie fracture au sein du pays sur l’enjeu des alliances. Seuls 28 % des électeurs du Président de la République souhaitent un renforcement des liens avec Moscou.

L’engagement des troupes françaises en Ukraine est très majoritairement rejeté par les Français. 76 % des sondés s’y disent défavorables contre 18 % qui la soutiennent. Les électeurs d’Emmanuel Macron (25 %), d’Anne Hidalgo (27 %) et de Yannick Jadot (24 %) semblent les moins rétifs à une telle perspective. Ceux d’Éric Zemmour (92 %), Nicolas Dupont Aignan (87 %) et Jean-Luc Mélenchon (79 %) les plus opposés. Aucun cluster ne soutient non plus la proposition. Les plus défavorables s’avèrent les Sociaux-démocrates (80 % d’opposition) et les plus favorables sont les Progressistes (34 % d’approbation). Ces chiffres permettent de relativiser la polarisation politique autour du sujet lorsque sont posés des enjeux concrets engageant la vie de la nation. Des familles politiques a priori plutôt proches semblent en effet diverger sensiblement au sein d’un relatif consensus général.

Un rapport ambigu à l’Union européenne

Les rapports des Français vis-à-vis de l’Union européenne sont assez ambivalents, alors que le dernier Eurobaromètre, 96 de l’hiver 2021-2022, indiquait qu’ils étaient parmi les plus défiants vis-à-vis de l’Union avec un taux de confiance de 32 %. Un nombre important de Français souhaiteraient donner moins de pouvoir à l’Union européenne (57 % contre 37 %). On retrouve sur ce sujet une forte polarisation. Ainsi l’électorat de Marine Le Pen à 80 % veut donner moins de pouvoir à l’Union. Dans l’électorat Mélenchon, ce chiffre est de 61 %. Au contraire, 67 % des électeurs d’Emmanuel Macron refusent l’idée de retirer du pouvoir à l’échelon européen. La mémoire européenne est également très clivante. Le traité de Rome est cité comme un évènement important par 57 % des Sociaux-démocrates et 59 % des Centristes contre 1 % des Révoltés. À gauche par exemple, il est cité par 68 % des électeurs d’Anne Hidalgo contre 16 % de ceux de Jean-Luc Mélenchon. À droite le sujet est structurant bien que moins clivant. 35 % des électeurs Valérie Pécresse l’évoquent, contre 9 % de ceux d’Éric Zemmour.

L’idée d’une défense européenne est en revanche majoritairement soutenue par les Français. 56 % sont favorables à l’idée d’une armée sous pavillon européen. S’il ne faut pas négliger le poids sur ce sujet de la guerre en Ukraine et du sentiment diffus d’une menace sur le continent, les chiffres n’en demeurent pas moins significatifs. C’est d’autant plus le cas que, à part dans les électorats de Nicolas Dupont Aignan (54 % d’opposés) et d’Éric Zemmour (65 %), toutes les catégories électorales semblent majoritairement favorables à la proposition. Ces chiffres doivent néanmoins être pris avec précaution. Il n’est en effet pas certain que la notion d’armée européenne soit totalement univoque pour les répondants. Ainsi 73 % des Eurosceptiques sont favorables à la mesure, ce qui est pour le moins contre-intuitif, contre 52 % pour les Multiculturalistes.

Le plébiscite de l’armée   

L’importance de l’armée est fortement consensuelle parmi les Français. 16 % d’entre eux seulement adhèrent à l’idée que cette institution « n’a plus vraiment d’importance dans l’époque actuelle ». Dans aucun cluster elle n’est majoritaire. Elle atteint son adhésion maximum dans l’électorat mélenchoniste avec 22 % qui jugent l’armée inutile. On constate donc une forte adhésion à l’institution militaire. La popularité de l’armée n’a pas grand-chose à voir avec celle de son chef. Ainsi, 34 % des Français jugent qu’Emmanuel Macron fait un bon chef des armées ; 24 % diraient la même chose de Marine Le Pen et 23 % de Jean-Luc Mélenchon. Chacune des personnalités testées doit son score au soutien de sa famille politique. Autrement dit, le rôle de chef des armées ne fait pas l’objet d’un dépassement politique. Ce qui transcende les clivages, c’est l’institution militaire. C’est d’autant plus le cas que la majorité des Français croient que le pays sera engagé dans un conflit majeur dans les cinq prochaines années. 42 % d’entre eux placent en effet leur crainte au-dessus de 7 sur une échelle de 10.

La multiplication par deux du budget de l’armée est en conséquence soutenue par une majorité de Français, 54 % contre 37 %. Elle est de manière attendue largement soutenue par les Eurosceptiques (81 %) et les Identitaires (74 %), mais également par des clusters réputés plus inquiets des questions budgétaires comme les Anti-assistanats (73 %) et les Libéraux (81 %). La mesure n’est massivement rejetée que dans le cluster Multiculturalistes (86 % d’opposition) et, dans une moindre mesure, Révoltés (57 %) et Progressistes (53 %). Électoralement, seuls les électeurs de Jean-Luc Mélenchon (67 % d’opposition) se trouvent fortement défavorables. Les électorats des autres candidats de gauche sont dans une situation de majorité relative défavorable à la mesure, sauf celui de Yannick Jadot qui le soutient d’une petite tête. L’idée d’un doublement du budget est en revanche très majoritaire à droite ; 85 % chez les électeurs d’Éric Zemmour ; 75 % chez ceux de Marine Le Pen ou Valérie Pécresse. L’électorat macroniste est également largement favorable, bien que plus clivé ; 57 % favorables contre 34 % défavorables.

Si l’idée d’une armée professionnelle s’est imposée dans les années 1990, et fut alors relativement populaire, la nostalgie des vertus sociales du service militaire a saisi les Français. Ils sont 62 % à penser qu’il devrait être réinstauré. Cette opinion est majoritaire dans tous les électorats, sauf celui de Jean-Luc Mélenchon (38 %). Il n’est pas un élément déterminant du clivage droite-gauche. Si la droite y est plus favorable (jusqu’à 83 % dans l’électorat Zemmour), 69 % des électeurs de Fabien Roussel le plébiscitent également. On trouve en revanche de forts clivages par clusters. Les Multiculturalistes (77 %), Sociaux-démocrates (61 %) et Progressistes (52 %) y sont majoritairement opposés. On note donc sur ce sujet deux gauches fortement polarisés dans leur rapport à l’armée. Dans une moindre mesure, on voit également se renforcer l’adhésion à la mesure dans les groupes les plus à droite par rapport aux groupes plus centristes.

Si l’armée doit indirectement jouer un rôle social par le service militaire, l’idée qu’elle serait amenée à intervenir à l’intérieur du territoire, notamment contre la délinquance n’est toutefois pas aussi consensuelle. 47 % des Français soutiennent cette idée contre 48 % qui la rejettent. Sans surprise, on retrouve là un élément du clivage gauche-droite. 69 % de l’électorat d’Éric Zemmour, 74 % de celui de Marine Le Pen, 81 % des Anti-assistanats et 75 % des Identitaires sont d’accord avec la proposition. Au contraire, 77 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon, 70 % de ceux de Fabien Roussel, 92 % des Multiculturalistes, 84 % des Sociaux-démocrates la combattent. Au centre, l’électorat d’Emmanuel Macron se divise en part quasi égale ; 49 % pour, 48 % contre.

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