19 novembre 2022

Sondage pour Le Point : Une majorité de Français défavorables à l’accueil des navires de migrants

Les Français majoritairement opposés à l’accueil des navires de migrants

L’accueil du navire Ocean Viking à Toulon a suscité de vives controverses dans le débat public. Le Président de la République et son gouvernement semblent fragilisés dès que le sujet migratoire ressurgit. Et pour cause, son électorat composite, mêle des Français favorables à l’accueil « et en même temps » des Français plus âgés, plus conservateurs, hostiles aux migrants. Pour ses opposants, les choses sont plus simples : la NUPES et le RN ont des électorats bien plus homogènes que la majorité sur la question migratoire.

  • La difficile politique du « en même temps » en matière d’immigration

On dit de l’électorat d’Emmanuel Macron qu’il s’est droitisé entre 2017 et 2022. C’est partiellement vrai. En effet, au bénéfice des crises (gilets jaunes, Covid, guerre en Ukraine), le Président a incarné « l’ordre » et a attiré à lui davantage de retraités et d’électeurs conservateurs qu’en 2017. Lors de sa première élection, il avait surtout capté l’ancien électorat du Parti Socialiste. Pour autant, cet électorat de gauche modérée – qui se retrouve principalement au sein de nos clusters Sociaux-Démocrates et Progressistes – a largement participé à sa réélection en 2022. Si bien que le Président demeure toujours soutenu par un électorat de droite et de gauche.

Si les crises déjà évoquées et le rejet des « populismes » ont participé à souder ces électeurs, le sujet de l’immigration participe au contraire à les cliver sur l’axe principal qui sépare aujourd’hui les électeurs : l’axe identitaire.

On constate ainsi que l’électorat du Président est le plus clivé sur la question de l’accueil des bateaux de migrants dans les ports français : 59% de ses électeurs se disent favorables, 38% déclarent à l’inverse y être défavorables.

Sur les 8 clusters qui l’ont placé en tête le soir du 1er tour, 5 d’entre eux sont majoritairement opposés à l’accueil des bateaux de migrants : il s’agit des Sociaux-Républicains, des Eclectiques, des Apolitiques, des Conservateurs et des Libéraux. Insistons sur le fait que ces clusters sont loin d’être les plus « identitaires » et les plus « durs » sur l’immigration. Cela montre la difficulté pour le Président et son gouvernement de gérer une telle crise dans un contexte de fort repli des Etats membres de l’UE, en particulier de l’Italie, dont la nouvelle Première Ministre Giorgia Meloni n’a pas hésité à engager un bras de fer avec la France.

  • Une majorité de Français opposés à l’ouverture des ports aux bateaux de migrants

La répartition des opinions sur la question de l’accueil des migrants est linéaire : plus vous êtes dans un cluster proche de la « gauche », plus vous êtes favorables à l’accueil. Ainsi, sont majoritairement favorables à l’ouverture des ports aux bateaux de migrants : les Multiculturalistes, les Sociaux-Démocrates, les Progressistes, les Solidaires, les Centristes et les Révoltés. Cela concerne donc principalement les électeurs de la NUPES et une partie relativement importante des électeurs de la majorité présidentielle. Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon sont 80% à être favorables à l’accueil.

 

A l’inverse, plus on va vers la « droite », plus l’opposition à l’accueil des migrants croît. C’est principalement le cas des Conservateurs, des Libéraux, des Anti-Assistanat et des Identitaires qui constituaient jadis le cœur de cible de l’UMP et de LR. Ils s’orientent désormais majoritairement vers le RN et dans une moindre mesure vers la majorité. De même que les Réfractaires, les Eurosceptiques et les Sociaux-Patriotes, trois clusters essentiellement « marinistes », extrêmement populaires, et tout à fait opposés à l’accueil des migrants.

Electoralement, le sujet est donc plus « simple » à traiter pour LR et le RN que pour la majorité. Les Républicains ont même tout intérêt à déstabiliser la majorité sur un tel sujet pour espérer « récupérer » une partie de leur électorat.

  • Un clivage de classe éloquent

On retrouve deux éléments caractéristiques de la sociologie politique dans la répartition des opinions quant à l’immigration : plus les Français sont jeunes, plus ils sont accueillants. Moins ils sont diplômés, moins ils le sont. Ainsi les Français qui n’ont pas le Bac sont 73% à être défavorables à l’accueil des migrants quand les Bac +5 sont 57% à y être favorables.

Le clivage de classe est extrêmement puissant. Plus les Français s’auto-positionnent dans les classes populaires, plus ils sont opposés à l’accueil des migrants : Quand 65% des Français appartenant aux « classes populaires défavorisés » déclarent être défavorables à l’accueil, 68% des Français appartenant aux « classes supérieures privilégiées » se disent à l’inverse favorables à l’accueil.

On touche ainsi aux difficultés ontologiques de la gauche : les idées dominantes aujourd’hui en matière d’identité, au sein des classes populaires notamment, sont assez décalées par rapport aux positionnements de la NUPES et de l’ensemble de ses composantes. Ceci explique en partie ses difficultés à élargir son socle électoral.

  • Les Français sont moins favorables à l’accueil des Ukrainiens qu’en février

Nous avions demandé aux Français au moment de l’invasion russe en février s’ils étaient favorables ou non à accueillir les réfugiés Ukrainiens, alors nombreux à quitter leur pays. En pleine campagne présidentielle, une large majorité de Français se montraient favorables à accueillir ces Ukrainiens. Les Français étaient favorables à 81%. Ils sont aujourd’hui favorables à 61% à l’accueil, soit une baisse de 13 points. Dans un contexte où la guerre dure sans s’intensifier, le sentiment d’urgence et « d’utilité » de l’accueil semble diminuer. Ce sentiment diminue dans l’ensemble des strates de la société française. Toutefois, c’est au sein de clusters qui étaient déjà rétifs à l’accueil de réfugiés que la baisse est la plus sensible. 46% de Réfractaires et 36% d’Eurosceptiques sont aujourd’hui favorables, soit une baisse de 31 points au sein de ces clusters.

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