Macron – Le Pen qualifiables, Mélenchon troisième homme, abstention record ?
Pour notre ultime baromètre, la situation n’est toujours pas stabilisée. Emmanuel Macron demeure en tête avec 26% des intentions de vote. Derrière lui, Marine Le Pen poursuit sa dynamique à 21% (+1) tout comme Jean-Luc Mélenchon à 18% (+1). Le reste des prétendants pointe sous la barre des 10%. Valérie Pécresse à 9,5 (-0,5) et Éric Zemmour à 9,5 (-1,5) ne sont pas parvenus à enrayer leur dynamique baissière depuis un mois. Le 2nd tour semble hors de portée pour eux.
Emmanuel Macron parait avoir stoppé sa dynamique baissière
Le Président de la République retrouve une stabilité à deux jours du scrutin, avec 26% des intentions de vote. Certes, c’est un score inférieur à celui qu’il avait atteint lors de son entrée en campagne au moment de l’invasion militaire russe. Mais c’est un score supérieur à celui dont il disposait avant cette entrée en campagne. C’est également un score proche de celui qu’il avait obtenu en 2017. Son socle semble relativement solide. Il parvient toujours à capter une part importante de la gauche modérée (Sociaux-Démocrates et Progressistes) comme en 2017. Il mobilise aujourd’hui un électeur sur deux dans ces clusters qui auraient pu lui faire défaut si un candidat issu du bloc écolo-socialiste était parvenu à s’imposer. Le reste de sa coalition se compose de clusters peu politisés ou modérés (Apolitiques, Eclectiques, Sociaux-Républicains) et évidemment des Centristes. Par rapport à 2017, son barycentre se déporte légèrement à droite. Il a su capter durant son mandat et sa campagne une partie sensible du vote Fillon 2017 dont le cluster des Libéraux représente le cœur battant. La campagne difficile de Valérie Pécresse a fini de lui ouvrir la voie et il semble représenter même une sorte de « vote utile » dans ce cluster de droite aisée, élitiste et pro-UE. Il est estimé à 45% chez les Libéraux contre 30% pour Valérie Pécresse, quand François Fillon avait atteint plus de 60% dans ce même cluster il y a cinq ans.
Marine Le Pen, le pari réussi de la banalisation ?
La candidate du RN a su résister à la sévère concurrence d’Éric Zemmour avec lequel elle faisait jeu égal au niveau des intentions de vote durant l’automne. La crise en Ukraine a inversé les dynamiques et Marine Le Pen a alors distancé très largement Éric Zemmour. Elle doit cette dynamique à la fidélité de ses clusters populaires qui composaient déjà le cœur de sa coalition en 2017 (Réfractaires, Eurosceptiques, Sociaux-Patriotes). Au sein de ces trois clusters, elle a amplifié son avance ces dernières semaines, Éric Zemmour étant désormais réduit à des scores quasi-anecdotiques dans cet électorat populaire de la France périphérique, aux positionnements « antisystème ».
En outre, c’est chez les « Identitaires » que la concurrence d’Éric Zemmour s’avérait la plus rude, ce qui est logique au vu de la radicalité de ce cluster sur les questions ethniques et culturelles. Mais même dans ce cluster, Marine Le Pen semble avoir inversé la tendance. Elle fait désormais jeu égal avec lui, alors qu’il la devançait largement pendant toute la campagne, atteignant parfois 50% des intentions de vote dans un cluster qui avait voté Le Pen à 46% il y a cinq ans.
Enfin, ce qui permet à Marine Le Pen de se positionner comme qualifiable au 2nd tour c’est non seulement cette extrême résilience de son « bloc populaire », mais c’est aussi la capacité qu’elle a eu à pénétrer des segments qui jusqu’ici lui échappaient. C’est le cas dans des clusters de la petite droite rurale, âgée et davantage modérée sur les questions ethno-culturelles à l’instar des Conservateurs dont elle convainc 28% des électeurs, se plaçant en deuxième position derrière Emmanuel Macron. De même chez les Anti-Assistanat, elle retrouve un leadership incontesté au sein de ce cluster légitimiste qui s’était montré très volatil, en particulier au début de la crise ukrainienne qui avait suscité une forte adhésion à la figure du président.
Jean-Luc Mélenchon boosté par le vote utile de gauche
Jean-Luc Mélenchon poursuit sa dynamique dans notre baromètre, à 18% (+1). Il capitalise sur les clusters de gauche populaire (Solidaires et Révoltés) et de gauche radicale (Multiculturalistes) dans des proportions similaires à celles observées en 2017. Le candidat insoumis a réussi à s’imposer face à des concurrents de gauche qui n’ont jamais été en position de lui disputer son leadership. Cette concurrence relativement faible des candidatures « écolo-socialistes » et communiste a permis d’enclencher une dynamique de « vote utile » en faveur de Jean-Luc Mélenchon à l’instar de ce qu’il s’était passé il y a cinq ans. Il retrouve également son score dans les clusters plus modérés, historiquement proches du PS (19% chez les Sociaux-Démocrates et 28% chez les Progressistes). Il progresse également chez les Apolitiques comme en 2017.
Cependant, des clusters plus conservateurs sur le plan sociétal dans lesquels il avait percé en 2017 (Sociaux-Républicains et Sociaux-Patriotes) semblent moins mobilisés cette fois-ci et pourraient lui manquer dans la compétition engagée avec Marine Le Pen pour la qualification au 2nd tour.
L’abstention pourrait impacter sensiblement les rapports de forces
Des bouleversements pourraient avoir lieu le jour du vote, ne serait-ce qu’en raison du niveau d’incertitude qui demeure relativement élevé dans l’électorat. En effet, un électeur sur cinq affirme ne pas être certain de son choix au 1er tour, ce qui atteste d’une relative fluidité de la situation électorale. D’autre part, la cristallisation ordinairement observée plusieurs jours avant le suffrage n’a pas eu lieu. Aujourd’hui encore, des dynamiques sont en cours principalement pour Le Pen et Mélenchon (à la hausse) et pour Pécresse et Zemmour (à la baisse). Ces dynamiques pourraient encore s’accroître dans les heures qui nous séparent du vote.
Enfin, la principale menace demeure le niveau de participation qui pourrait être exceptionnellement bas. Une abstention au moins équivalente à celle observée en 2002 devrait avoir des conséquences sur le niveau des votes. Elle toucherait en effet les candidats aux électorats plus populaires, plus jeunes et moins politisés, ce qui est principalement le cas de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.
Marine Le Pen a l’électorat le plus populaire et sa coalition comprend deux des clusters qui se disent les moins certains d’aller voter : les Réfractaires et les Eurosceptiques. Il faut également souligner qu’Éric Zemmour capte une part de la fraction la plus politisée et la plus mobilisée de l’ancien électorat mariniste de 2017 aggravant encore les risques que fait peser l’abstention sur le score de Marine Le Pen. Le risque est similaire pour Jean-Luc Mélenchon dont le cluster des Révoltés (issus principalement des quartiers HLM) constitue une part de son électorat. L’insoumis est également celui qui a l’électorat le plus jeune : 40% de son électorat a moins de 34 ans. Or, lorsque l’abstention est élevée, on sait qu’elle est décuplée chez les jeunes et dans les classes populaires. Cela pourrait entraîner un rééquilibrage au profit d’Emmanuel Macron mais aussi de Valérie Pécresse et d’Éric Zemmour qui ont un socle électoral plus aisé, plus âgé et donc plus votant que la moyenne.