31 août 2022

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Travail, salaire, assistanat : quels sont les clivages qui traversent l’opinion ?

Alors que le Gouvernement prépare une réforme de l’assurance-chômage à la rentrée, nous avons interrogé les Français sur leur rapport au travail et à l’argent.

  • Travail nécessité VS Travail liberté : la permanence d’un clivage de classe

Le rapport au travail est fortement déterminé par la situation économique des répondants. Les clusters les plus aisés : Sociaux-Démocrates, Centristes et Libéraux, qui forment un axe modéré favorable au Président, sont les trois clusters qui partagent le plus l’affirmation selon laquelle « Le travail est une valeur essentielle permettant aux individus de s’épanouir ». Les Anti-Assistanat et les Identitaires, deux clusters de droite conservatrice partagent également pour une relative majorité d’entre eux cette idée. A l’inverse les électeurs plus radicaux et/ou populaires de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen qu’on retrouve dans les clusters Multiculturalistes, Révoltés, Eurosceptiques et Sociaux-Patriotes sont une large majorité à affirmer que « Le travail est juste un moyen pour subvenir à ses besoins ».

Si cette question fait ressortir un clivage de classe, les autres questions de notre enquête font davantage ressortir un clivage de nature idéologique.

  • Travail VS coût de la vie : un déséquilibre qui confine à l’urgence

Tout d’abord, la quasi-totalité de notre échantillon (93%) est d’accord avec le fait que « Le travail ne paie pas assez par rapport au coût de la vie ». Un tel score montre les difficultés que traverse la plupart des Français pour assurer un niveau de vie en lien avec leurs revenus. Les clusters populaires, qu’ils votent plutôt Jean-Luc Mélenchon (Multiculturalistes, Révoltés, Solidaires) ou plutôt Marine Le Pen (Réfractaires, Eurosceptiques, Sociaux-Patriotes) sont logiquement ceux qui semblent le plus en attente de hausses de salaire. On peut parler pour ces clusters d’urgence sociale, comme le laissait déjà voir notre étude sur l’inflation au mois de juillet (https://cluster17.com/les-francais-face-a-linflation/).

  • Salaire VS allocations : Une ligne de clivage idéologique et des clusters populaires divisés

L’affirmation « En France, on s’en sort plus facilement avec les revenus des allocations qu’avec un salaire » clive parfaitement l’opinion en deux blocs : 50% sont d’accord et 50% sont en désaccord. Les électeurs d’Éric Zemmour, de Marine Le Pen et de Valérie Pécresse partagent cette affirmation à plus de 69%. Les plus de 75 ans et les retraités également à plus de 60%. En termes de clusters, on voit se dessiner un clivage de nature idéologique fracturant le pays en deux. Les Multiculturalistes, les Sociaux-Démocrates, les Progressistes, les Solidaires, les Centristes, les Révoltés, les Apolitiques sont dans leur majorité en désaccord. En face, les Conservateurs, les Libéraux, les Réfractaires, les Eurosceptiques, les Sociaux-Patriotes, les Anti-Assistanat et les Identitaires sont majoritairement d’accord.

On voit que l’électorat du Président de la République est clivé sur cette question : les Centristes, les Sociaux-Républicains et les Sociaux-Démocrates, soit le flanc modéré de centre et centre-gauche, ne partagent pas les mêmes positions que les Libéraux et les Conservateurs qui constituent la fraction de droite de sa coalition.

Au contraire, l’électorat de Jean-Luc Mélenchon et plus généralement la gauche est tout à fait rassemblée contre cette affirmation qui peut être perçue comme une dénonciation de l’«assistanat ».

L’électorat de Marine Le Pen est quant à lui clivé. Les trois clusters populaires (Réfractaires, Eurosceptiques, Sociaux-Patriotes), composés de nombreux ouvriers et d’employés peu diplômés qui votent massivement pour elle (et qui sont une majorité dans nos enquêtes à ne pas se reconnaître dans le clivage gauche / droite) se positionnent ici avec la « droite » mais dans une majorité très relative. Cela peut être interprété en deux sens : à la fois leur salaire est trop bas et à la fois les allocations sont trop hautes, donc trop peu différenciantes de leur niveau de vie. Il s’agit sans doute autant d’un manque de reconnaissance du travail par le salaire que d’une forme d’injustice ressentie vis-à-vis des bénéficiaires des allocations, dans des groupes où le niveau de salaire est parfois inférieur à un SMIC à temps plein.

Nous avons testé deux autres mesures volontairement clivantes pour mettre en exergue ces clivages :

1/ « Il faut supprimer les allocations chômage au bout de 6 mois sans activité » : 32% des français interrogés sont d’accord et 68% en désaccord.

Nous retrouvons ici la même répartition que dans la question précédente. Seuls les clusters qui se positionnent à droite et qui votaient jadis pour l’UMP et LR sont majoritairement d’accord : les Conservateurs, les Libéraux, les Anti-Assistanat et les Identitaires. L’ensemble des autres clusters sont assez largement en désaccord, y compris les Centristes, ce qui démontre à quel point il serait difficile pour Emmanuel Macron de préserver l’équilibre de sa coalition si des mesures trop « radicales » venaient à être prises.

2/ « Supprimer le RSA aux allocataires s’ils ne travaillent pas 12h par semaine en contrepartie » : 56% des français interrogés sont d’accord et 44% sont en désaccord

Cette mesure fait davantage consensus et fait apparaître une majorité d’opinion. Les Centristes sont ici majoritairement d’accord. Les Apolitiques et les Sociaux-Républicains, deux clusters modérés, sont également majoritairement d’accord avec cette mesure.
De même, les Réfractaires basculent avec la majorité. Les Sociaux-Patriotes et les Eurosceptiques sont quant à eux très clivés, quasiment à 50-50. Le clivage qui traverse ces trois clusters populaires montre qu’il existe à la fois un risque pour Emmanuel Macron à cliver fortement sur des mesures qui peuvent paraître impopulaires mais également les difficultés pour Marine Le Pen à se positionner dans la mesure où sa base est profondément clivée sur ces enjeux. Les électorats d’Éric Zemmour et de Valérie Pécresse sont quant à eux très favorables à un durcissement des conditions d’attribution du RSA et des allocations.

Pour la gauche, les choses sont plus « simples » : l’ensemble de sa base électorale – qu’elle soit radicale (Multiculturalistes, Solidaires, Révoltés) ou modérée (Sociaux-Démocrates, Progressistes) – est en opposition avec la mise en place de telles mesures. Les débats qui s’amorcent au Parlement constituent ainsi l’occasion pour les partis membres de la NUPES de tenter de « récupérer » une partie des Sociaux-Démocrates et des Progressistes qui continuent d’adhérer sensiblement à l’action du Président de la République mais pourraient se trouver en porte-à-faux si des mesures perçues comme « anti-redistributives » ou « anti-assistanat » venaient à être adoptées.

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