Baromètre hebdomadaire S16-3 : Présidentielle 2022
Pourquoi Emmanuel Macron est en dynamique constante ?
Emmanuel Macron continue de creuser l’écart avec Marine Le Pen et la devance désormais de 8 points, à 56% (+1) contre 44% des intentions de vote. Les intentions de vote ne sont donc pas complètement cristallisées, d’autant que si les électeurs qui vont aller voter sont globalement certains de leur choix, la principale incertitude réside dans le niveau d’abstention. Pour autant, Emmanuel Macron semble marquer des points au cours des derniers jours dans une large partie de l’électorat et bénéficie pour l’instant d’une dynamique haussière.
On observe tout d’abord une progression transversale des intentions de vote en sa faveur. Il a en effet progressé chez les électeurs du 1er tour de Valérie Pécresse (+12), de Jean-Luc Mélenchon (+2) mais également parmi les électeurs d’Éric Zemmour (+5) par rapport à notre enquête réalisée les 17 et 18 avril.
Ces dynamiques constantes sont doublées d’une forte certitude de choix : 93% de ceux qui s’apprêtent à voter Macron se disent certains de leur choix. De même pour 91% des électeurs de Marine Le Pen. La principale inconnue réside dans l’abstention. L’électorat populaire de Marine Le Pen se mobilisera t-il ou bien considérant que le match est déjà joué et que son niveau au débat a été insatisfaisant restera t-il à la maison ? L’électorat Mélenchon du 1er tour ira-t-il faire barrage à Le Pen ? Les jeunes électeurs progressistes se mobiliseront-ils également derrière le vote Macron ?
En ce sens, le débat télévisé de mercredi a permis à Emmanuel Macron d’accentuer sa progression. Il s’est certainement mieux adressé à la fois aux électeurs de Valérie Pécresse et aux clusters modérés qui sont avant tout en demande de stabilité, de présidentialité et de compétence. On observe à ce titre une progression chez les Conservateurs et les Libéraux, deux clusters de droite pour lesquels Emmanuel Macron « a gagné le débat ». Chez les Conservateurs, cluster volatil assez âgé, rétif aux grands changements, le débat aura sûrement un effet sur le vote de dimanche. Malgré le fait qu’ils soient nombreux à ne pas avoir d’avis, le fait qu’Emmanuel Macron ait pour une bonne partie d’entre eux « gagné le débat » est un symbole assez fort car Marine Le Pen avait su lors des dernières semaines, par sa stratégie de dédiabolisation, mordre sur cet électorat qui lui avait empêché de jouer la victoire en 2017. Autre signe négatif pour Marine Le Pen, son électorat n’a semble-t-il pas été emballé par sa prestation face à Emmanuel Macron. Dans quatre clusters phares de sa coalition – les Réfractaires, les Eurosceptiques, les Anti-Assistanat et les Identitaires – plus de la moitié des électeurs affirment que « ni Emmanuel Macron ni Marine Le Pen n’a gagné le débat » ou bien qu’ils « ne savent pas ». Quand dans le même temps la plupart des autres clusters donnent le duel télévisé gagné à Emmanuel Macron. La candidate RN en lissant son image au maximum a fini par oublier d’activer les lignes de clivage fondamentales qui mobilisent son électorat. Cette stratégie défensive n’est sans doute pas pour rien dans son recul constant tout au long de cet entre-deux tour. Paradoxalement, c’est Emmanuel Macron qui s’est montré à l’offensive, plus clivant. Et cela se ressent dans notre enquête, ses clusters phares se montrant satisfaits de sa prestation.
En incarnant l’ordre et une forme de continuité de l’Etat, Emmanuel Macron emporte le vote des plus de 65 ans, classe d’âge dans laquelle il devance le plus largement Marine Le Pen (63% – 37%). C’est également sur l’axe peuple/élite qu’il conquiert les voix des électeurs de Yannick Jadot, notamment sur l’attachement à l’UE qui constitue une matrice commune entre la gauche modérée et le Président de la République. D’ailleurs, Emmanuel Macron s’impose avant tout comme le choix de la modération. Cette promesse de stabilité lui permet de progresser dans les clusters les moins radicaux : Apolitiques, Sociaux-Républicains, Eclectiques. Il y devance largement sa concurrente. Les clusters de gauche modérée (Sociaux-Démocrates et Progressistes) s’apprêtent logiquement à voter quasi-unanimement en faveur du Président de la République. Ces clusters diplômés, élitaires, pro-UE, ouverts à la mondialisation, tolérants sur le plan identitaire sont en effet aux antipodes des clusters « lepénistes » sur l’ensemble des clivages. Leur moindre radicalité ainsi que leur politisation plus élevée que la moyenne les amènent logiquement à se mobiliser et à continuer à « faire barrage » quand pour la gauche radicale, ce réflexe semble moins automatique.
Sur l’axe identitaire, Emmanuel Macron colle mieux aux attentes des électeurs Multiculturalistes qui sont profondément de gauche culturelle et ont voté massivement Jean-Luc Mélenchon au 1er tour. En plaçant le curseur sur l’écologie, en renvoyant Marine Le Pen à ses positions anti-islam, hostiles au voile, en la faisant traiter de raciste par l’intermédiaire de Mourad Boudjellal à Marseille, en allant dans les quartiers populaires, Emmanuel Macron essaye de reconstruire le « front républicain » en produisant des signaux qui s’adressent en premier lieu à cette gauche qui montre des signes de lassitude et qui pourrait par son abstention massive réduire l’ampleur de la victoire attendue. 56% des Multiculturalistes disent toujours vouloir s’abstenir ou voter blanc dimanche. Seule une infime minorité d’entre eux disent vouloir voter Marine Le Pen. Cela les distingue des deux autres clusters du « bloc Mélenchon ».
En effet, une part substantielle de la gauche « mélenchonniste », radicale et populaire constituée par les clusters Solidaires et Révoltés, renvoie toujours les deux candidats dos à dos, les plaçant quasiment à égalité. Il y a dans ces clusters tout autant une mobilisation « anti-Macron » qu’un réflexe « anti-Le Pen ». Ce qui est logique puisque ces deux clusters ont les mêmes positionnements que « les clusters Le Pen » (Sociaux-Patriotes, Eurosceptiques et Réfractaires) sur le clivage économique : ils sont radicalement favorables à la taxation des plus riches, à la redistribution économique et à la fonction publique. Mais également sur le clivage peuple/élite, ils sont « dégagistes », favorables aux gilets jaunes et à un renversement du « système » et ne supportent pas les petites phrases d’Emmanuel Macron sur les « gens qui ne sont rien ». Mais sur l’axe identitaire, ils sont au contraire tolérants envers l’islam et ouvert à un certain multiculturalisme donc éloignés de l’offre incarnée par Marine Le Pen. Tous ces éléments les mettent dans une situation de tension très forte. Les Révoltés et les Solidaires sont d’ailleurs les deux seuls clusters avec les Conservateurs à placer Marine Le Pen et Emmanuel Macron à égalité dans leurs intentions de votes.
L’analyse par clusters révèle ainsi que des pans entiers de l’électorat ont du mal à se reconnaître et à s’investir dans ce duel de second tour. En conséquence, l’abstention ainsi que le vote blanc et nul pourraient être élevés dimanche soir.