Après les annonces de la Première Ministre, le rejet de la réforme demeure très majoritaire
Il n’y a pas d’évolution sensible dans l’opinion en faveur de la réforme. Une très large majorité de Français continue de la rejeter. Nous avons demandé aux Français de placer une note de 0 à 10 en fonction de leur soutien à la réforme. La note moyenne donnée par les Français est de 3,4. Plus inquiétant pour l’exécutif, parmi nos clusters, seuls deux d’entre eux, les Centristes et les Libéraux donnent une note supérieure à 6 sur 10.
Si l’on regarde par électorat, seul l’électorat d’Emmanuel Macron croit relativement plus à la réforme : ses électeurs placent une note de 7 sur 10. Les électeurs de Valérie Pécresse, sont quant à eux clivés : ils mettent une note de 5,8 sur 10, ce qui dénote de la faiblesse du potentiel de soutien à cette réforme, y compris à droite pour le gouvernement.
Une réforme perçue comme injuste
Pour convaincre, la Première Ministre Elisabeth Borne a beaucoup insisté ces derniers jours sur le caractère « juste » de la réforme. Pour l’heure, le message n’a pas été reçu. 1 Français sur 2 pense que cette réforme va conduire à un système de retraites plus injuste que le précédent. 18% seulement pensent que celui-ci sera à l’inverse plus juste. Enfin un bon quart des Français pensent que cela ne va rien changer. C’est au sein des clusters les plus populaires que le sentiment d’injustice est le plus élevé. Les électeurs de la NUPES (toute tendance confondue) et du Rassemblement National sont les plus nombreux à penser que cette réforme est « injuste ».
Signe une fois de plus de l’étroitesse du chemin pour l’exécutif : seul un électeur sur deux du Président de la République pense que cette réforme conduira à rendre le système de retraites plus juste. C’est au sein même de son électorat que l’exécutif doit convaincre dans les prochains jours pour ne pas déséquilibrer son socle composé en partie, il faut le rappeler, d’électeurs de centre-gauche très attachés à la justice sociale et sensible aux questions de temps de travail. On constate à ce titre que les clusters Sociaux-Démocrates et Progressistes font partie des groupes les plus sévères à l’égard de cette réforme, en particulier parce qu’ils la perçoivent comme « injuste ». Ce sentiment d’injustice élevé vient s’ajouter aux sentiments de « colère » et de « lassitude » largement mis en avant par les Français dans notre précédente enquête.
Une mobilisation contre la réforme soutenue mais sans optimisme ?
Si sur le contenu de la réforme, le gouvernement semble avoir perdu la « bataille de l’opinion », s’en ouvre une nouvelle avec la mobilisation sociale.
Dans les prochains jours, le débat risque de se déplacer : le sujet ne sera plus tant de savoir si les Français soutiennent la réforme que de savoir s’ils soutiennent le mouvement social. On a pu observer ces derniers jours que l’exécutif commençait d’ailleurs à préparer l’opinion sur d’éventuels blocages, mettant en garde les syndicats.
Dans notre enquête, 62% des Français disent soutenir la mobilisation contre la réforme, dont 47% la soutiennent « tout à fait ». 34% ne la soutenant pas.
Le mouvement est particulièrement soutenu par les clusters les plus populaires, également les plus touchés par l’inflation. Ce sont ceux qui s’étaient le plus mobilisés avec les gilets-jaunes sur les ronds-points : d’une part, Les Multiculturalistes, les Solidaires et les Révoltés composent la frange traditionnelle des mobilisations sociales, appartenant à la gauche syndicale et radicale de la fonction publique et des grandes entreprises d’Etat. D’autre part, les Eurosceptiques, les Réfractaires, et les Sociaux-Patriotes, plus proches idéologiquement du Rassemblement National font également partie du monde ouvrier, précarisé, plus présent dans la France périurbaine et périphérique. C’est au sein de ces groupes que l’on se disait le plus en « colère » contre cette réforme dans notre précédente enquête. Logiquement, ils seront en première ligne dans la mobilisation à venir. Enfin, d’autres clusters, plus modérés et plus proches idéologiquement du Président de la République comme les Apolitiques ou les Sociaux-Républicains soutiennent très majoritairement le mouvement.
Electoralement, il n’y a qu’au sein des électorats Macron et Pécresse que l’on est majoritairement opposés, fort logiquement, à la mobilisation sociale.
Sur le plan sociologique, il est intéressant de voir que les 18-34 ans sont les plus mobilisés. Ce soutien au mouvement décroît proportionnellement à l’âge. Pour autant, les jeunes semblent également les plus « résignés » : ce sont eux qui pensent le plus que le gouvernement ira « jusqu’au bout » de sa réforme, à plus de 50%. Ce fatalisme est partagé par près d’un français sur deux qui pense que le gouvernement parviendra à faire passer cette réforme. 37% de Français interrogés pensent à l’inverse que le gouvernement reculera.
En somme, dans cette mobilisation, l’enjeu est bien de savoir ce qui triomphera entre la « colère » qui pousse à la révolte et la « lassitude », qui conduit à la résignation.