Baromètre hebdomadaire S23 : Législatives 2022


A deux jours du scrutin, quelles sont les forces et faiblesses des trois principaux pôles ?

La candidature de la Nouvelle Union Populaire Ecologique et sociale (NUPES) se maintient en tête des intentions de vote cette semaine à 29,5% devant la candidature de la majorité présidentielle à 26%. La prise en compte de l’ensemble des candidats dissidents fait baisser mécaniquement la NUPES d’1,5 point et la liste « Ensemble » d’1 point. Mais les rapports de force restent stables. Le Rassemblement National perd lui aussi 1,5 point et se retrouve assez éloigné de ses concurrents à 17,5%. L’abstention qui pourrait être particulièrement élevée est la principale menace, notamment pour la NUPES et le RN dont les électorats sont en raison de leur profil sociologique à plus haut risque abstentionniste. Malgré cela, nous devrions retrouver les trois pôles arrivés en tête à la présidentielle. L’ordre d’arrivée pourrait cependant être inversé du fait de la dynamique suscitée par l’union de la gauche au début de la campagne, au détriment des deux autres pôles. Quelles sont les forces et faiblesses de ces « trois blocs » ?

  • L’électorat de la NUPES plus mobilisé politiquement

L’union de la gauche est une attente forte au sein des clusters qui composent le socle du vote Jean-Luc Mélenchon mais aussi des autres composantes de la gauche. Déjà, lors des présidentielles, notre enquête montrait cette forte attente des électeurs de gauche sur leur souhait d’une primaire réunissant l’ensemble des partis de gauche (cf https://cluster17.com/les-electeurs-de-gauche-largement-favorables-a-lidee-dune-primaire/). De fait, cette union, relativement inattendue, qui s’inscrit dans le prolongement du bon score de Jean-Luc Mélenchon, a permis à cet électorat de rester mobilisé quand les électeurs de Marine Le Pen marquaient le coup suite à la défaite au 2nd tour de la présidentielle.

Le cluster Multiculturalistes, qui est celui le plus à gauche de notre segmentation, est celui qui déclare le plus s’intéresser à ces législatives, et 93% des individus qui le composent ont l’intention de voter pour la NUPES dimanche. Alors que les précédents scrutins étaient marqués par une déperdition de ces électeurs de gauche radicale du fait des divisions, l’union entraîne une forte concentration du vote de ces clusters qui n’ont qu’une seule offre politique vers laquelle se tourner. De même, cette union permet à la gauche de retrouver des électeurs qui jusqu’ici lui échappaient. C’est le cas des Sociaux-Démocrates qui sont clivés entre une offre de gauche classique et la majorité présidentielle.

Là où Jean-Luc Mélenchon peinait à les attirer, la NUPES parvient à mieux capter ces électeurs. Et c’est le cas aussi des Réfractaires, un cluster populaire, social sur les questions économiques et « antisystème », qui vote plutôt Marine Le Pen aux présidentielles mais dont 29% indiquent vouloir voter pour la NUPES ce dimanche. Plus globalement, la NUPES semble capter une part significative des clusters populaires et identitaires, ce qui pourrait se traduire dans les urnes par un recul significatif du RN.

Toutefois, pèsent sur la NUPES deux menaces :

– La première, c’est l’abstention. La NUPES a un électorat jeune, une pyramide des âges inversée par rapport à la majorité présidentielle. Plus les électeurs sont jeunes, plus ils votent NUPES. Or plus les électeurs sont jeunes, plus ils s’abstiennent. En 2017, l’abstention avait été particulièrement élevée chez les moins de 40 ans. Dans ce contexte, une forte abstention pourrait entraîner un recul du score de la NUPES par rapport aux intentions de vote.

– La deuxième menace, c’est la perception qu’a l’opinion de Jean-Luc Mélenchon. Nos différentes enquêtes ont montré que les Français étaient en demande d’alternative à Emmanuel Macron. Ce rejet pourrait profiter à la NUPES notamment au 2nd tour dans une logique de vote utile, une part de l’électorat populaire du RN étant susceptible de se reporter sur les candidats NUPES pour « faire barrage » à Emmanuel Macron. Cependant, l’hypothèse de la nomination de Jean-Luc Mélenchon comme premier ministre est très minoritaire dans l’opinion et clive y compris à l’intérieur de la coalition de gauche.

Sa personnalité clivante pourrait empêcher les électeurs de gauche modérée (Sociaux-Démocrates et Progressistes) mais aussi l’électorat « social-identitaire » de Marine Le Pen de voter NUPES au 2nd tour. Les premiers à cause de sa supposée radicalité économique et d’un positionnement jugé « populiste », les seconds à cause de sa supposée bienveillance envers l’islam et l’immigration. C’est la raison pour laquelle les cadres de la majorité présidentielle et du Rassemblement National pointent justement leurs attaques sur ces deux aspects.

  • La majorité présidentielle à l’abri de l’abstention ?

La majorité présidentielle dispose de deux atouts principaux : le premier c’est la stabilité de sa coalition électorale. Les clusters pro-Macron de la présidentielle restent « fidèles » à Ensemble. Ce large arc modéré rassemblant une partie des anciens électeurs PS (les Sociaux-Démocrates et les Progressistes), les Centristes, les Sociaux-Républicains et une partie des anciens électeurs UMP (Conservateurs et Libéraux) est bien mobilisé pour ces législatives ; et cela malgré la concurrence de la NUPES sur la gauche modérée et le maintien de LR à un bon niveau chez les Libéraux.

Le deuxième atout repose sur la sociologie de cet électorat modéré : il est plus diplômé que la moyenne en particulier pour les clusters Sociaux-Démocrates et Libéraux qui sont respectivement 46% et 39% à indiquer vouloir voter pour la majorité présidentielle. Et il est également plus âgé que la moyenne. 36% des plus de 65 ans disent ainsi vouloir voter pour la liste « Ensemble ». Or, lorsque l’abstention est élevée, le poids des électeurs âgés et diplômés est démultiplié du fait de leur faible propension à s’abstenir. Cela pourrait même entraîner un rattrapage de la liste « Ensemble » au détriment de la NUPES en cas de mobilisation différentielle très importante.

Les faiblesses de la majorité présidentielle reposent sur le contexte politique et économique :

– La réélection d’Emmanuel Macron après son premier quinquennat annihile légèrement l’automaticité d’un vote majoritaire aux législatives qu’on observait habituellement à la suite de l’élection présidentielle. Il y a ainsi le risque d’un vote de rejet notamment au 2nd tour, une sorte de vote utile inversé contre Emmanuel Macron et sa majorité.

– Le contexte inflationniste fait passer les questions sociales en tête des préoccupations des Français. Or sur le clivage économique et social, il y a une coagulation possible d’un électorat populaire qui se divise habituellement entre Jean-Luc Mélenchon (Solidaires et Révoltés) et Marine Le Pen (Réfractaires, Eurosceptiques, Sociaux-Patriotes) sur les questions identitaires et culturelles. Cependant, avec la hausse des prix des produits de première nécessité et le risque du recul de l’âge de départ à la retraite, un « vote gilets jaunes » réunissant ces cinq clusters très populaires pourrait se mettre en place de façon partielle au 2nd tour. On en observe d’ailleurs les prémices dans les score relativement élevés obtenus par la NUPES au sein des clusters populaires et identitaires qui constituent traditionnellement le socle du RN.

  • Le pôle identitaire moins mobilisé et plus divisé que ses adversaires

Si Marine Le Pen était parvenue lors de la présidentielle à mobiliser efficacement son électorat et même à conquérir une partie de l’électorat des LR, ses électeurs semblent peu mobilisés pour ces élections législatives. En témoigne le tableau ci-dessus : c’est dans les clusters les plus pro-RN que l’on s’intéresse le moins à cette élection : 40% des Réfractaires déclarent même ne pas s’y intéresser du tout !

Alors que plus de 80% des électeurs d’Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon déclarent s’intéresser « beaucoup » ou « assez » aux législatives, c’est le cas de seulement 65% des électeurs de Marine Le Pen. Cette démobilisation politique trouve son prolongement dans nos intentions de vote. Le RN rassemble « seulement » 17,5% des voix. Les attributs sociologiques de son électorat sont également source de menace et d’incertitude sur le score du RN dimanche. Son profil extrêmement populaire est associé à de très haut niveau d’abstention lors des scrutins de moyenne et faible intensité, ce qui est bien l’une des caractéristiques de ces législatives.

Trouvera-t-il des raisons de se mobiliser dans les récents événements médiatiques (polémique du Stade de France et polémique sur le policier qui a tiré sur la passagère d’un repris de justice) mais également en raison du contexte économique auquel il est particulièrement sensible ? Notre estimation de l’abstention pour l’instant ne le laisse pas présager.

L’autre point négatif pour le RN est la division maintenue avec Reconquête qui pèse tout de même 5,5% des voix et qui vient concurrencer le RN sur certains de ses principaux clusters et tout particulièrement chez les Identitaires. On voit que ce cluster, très radical sur les questions migratoires et sécuritaires, est hésitant entre le RN et Reconquête. 36% disent vouloir voter RN, 30% pour Reconquête. Alors qu’elle avait réussi à distancer Éric Zemmour dans ce cluster par une mécanique de vote utile au premier tour de la présidentielle, le contexte politique et la nature de l’élection sont cette fois-ci moins favorables à un tel scénario pour Marine Le Pen.

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