Sondage pour Le Point : Un Français sur deux ne croit plus en l’efficacité du vote
De la réforme des retraites au divorce démocratique ?
52% des Français seulement estiment que le vote est le moyen le plus efficace « de peser sur les décisions politiques » dans notre enquête. L’autre moitié des Français sondés se partagent entre les actions violentes (15%), les manifestations (14%), et aucun de ces moyens pour 13%.
La démocratie représentative telle qu’elle est exercée semble fatiguée et fortement contestée par une part substantielle de la population. Les Français les plus aisés et disposant du plus fort capital économique et culturels sont les plus « croyants » dans le vote. Ainsi, 79% des électeurs d’Emmanuel Macron et 72% des électeurs de Valérie Pécresse pensent qu’il est le meilleur moyen de se faire entendre quand 20 à 25% des électeurs de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon prônent l’action violente. Plus largement, ce sont les groupes qui ont le plus participé au mouvement des gilets jaunes qui sont les plus en rupture avec le vote : les groupes de gauche « rupturistes » proches de Jean-Luc Mélenchon : Multiculturalistes, Révoltés et Solidaires, ainsi que les clusters populaires proches de Marine Le Pen : les Sociaux-Patriotes, les Eurosceptiques et les Réfractaires. Enfin, il y a un clivage générationnel important : seuls 35% des 18-24 sans croient dans la force du bulletin de vote contre 65% des plus de 75 ans.
Ces chiffres sont naturellement à contextualiser : la crise ouverte par la réforme des retraites, succédant à celle des gilets jaunes en 2018 sont des éléments de nature à alimenter la déception et le ressentiment des électeurs qui étaient déjà les plus hostiles au gouvernement et au Président de la République. Toutefois, le « désenchantement démocratique » ne touche pas uniquement les franges les plus « radicales » de l’électorat : ainsi seule la moitié des clusters de la gauche modérée (Sociaux-Démocrates et Progressistes) estime que le bulletin de vote demeure le meilleur outil pour peser.
Nous avons mesuré plus précisément cette insatisfaction en demandant aux Français de noter le degré de démocratie de leur pays. Ceux-ci placent une note inférieure à la moyenne : 4,5 / 10. Des résultats qui recouvrent ici aussi un clivage puissant entre la France « qui va bien », aisée et diplômée et une France plus « populaire », pessimiste et révoltée.
Ainsi, les Centristes et les Libéraux qui sont les deux clusters les plus aisés de notre segmentation sont les plus « satisfaits » par le degré de démocratie avec une note moyenne de 7,6 et 6,3, quand les Révoltés et les Eurosceptiques, les deux clusters les plus populaires et les plus radicaux de notre segmentation sont les plus critiques avec une note moyenne de 2,4 sur 10.
Cela dénote d’une importante convergence entre déclassement économique, radicalité politique et défiance démocratique.
Enfin, 61% des Français indiquent vouloir passer à « un régime parlementaire » : ici aussi les résultats sont à interpréter dans le contexte politique du « macronisme ». La figure d’Emmanuel Macron cristallise les oppositions et est de nature à faire croître le désir d’amenuir le pouvoir présidentiel. Environ 80% électeurs de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon sont ainsi favorables à un tel changement de régime, contre un tiers seulement des électeurs du Président de la République.