Baromètre hebdomadaire S04 : Présidentielle 2022
Réalisé en partenariat avec Marianne
Une élection présidentielle qui suscite peu d’attente dans l’électorat
Comme la semaine dernière, notre baromètre se caractérise par une très grande stabilité dans les rapports de forces. Emmanuel Macron est, en conséquence, toujours largement en tête avec un score (22,5%) très proche de celui qu’il avait obtenu lors du premier tour de la présidentielle en 2017. Plus que par son niveau, cette large avance s’explique principalement par la très grande dispersion des voix que l’on enregistre à ce stade de la campagne. Les seconds, à égalité cette semaine, Marine Le Pen et Eric Zemmour (14,5% chacun), se neutralisent partiellement et se trouvent en conséquence à 8 points du Président de la République en exercice. Valérie Pécresse est quasiment au même niveau avec 14% d’intentions de votes. Pour l’instant, aucune dynamique ne vient départager ces trois candidatures. A gauche, c’est également l’inertie qui domine. Il faut cependant souligner que notre enquête a été réalisée avant les résultats de la primaire populaire et ne peut donc en mesurer les éventuels effets.
Depuis la dynamique en faveur d’Eric Zemmour enregistrée en septembre et octobre dernier et celle en faveur de Valérie Pécresse au lendemain de la primaire des Républicains en décembre, il n’y a eu aucun mouvement important au sein de l’électorat. Chaque candidat reste stable sur « ses » clusters prioritaires. Emmanuel Macron est fort parmi les Centristes, les Sociaux-démocrates, les Progressistes, les Sociaux-républicains et les Libéraux. Marine Le Pen est performante parmi les Réfractaires, les Eurosceptiques et les Sociaux-Patriotes. Eric Zemmour a pour lui les Identitaires. Jean-Luc Mélenchon capte une part importante des Multiculturalistes, des Solidaires et des Révoltés. Quant à Valérie Pécresse, son électorat est plus dispersé et elle n’a pas, pour l’instant, de clusters qui lui soient largement acquis, signe de la double concurrence qu’elle subit avec d’un côté Emmanuel Macron et de l’autre les candidats identitaires.
Cette stabilité globale, voire cette inertie, se déroule dans un contexte où l’élection suscite peu d’attente et d’intérêts et où nombre de candidats sont encore mal identifiés par les électeurs. Deux des questions posées cette semaine permettent de le comprendre. Nous avons posé aux sondés la question suivante : « Quel est votre degré de connaissance des candidats suivants pour l’élection présidentielle de 2022 ? (0 : Ne connaît pas du tout / 10 : Connaît très bien) ». Les réponses révèlent qu’à dix semaines du premier tour, la connaissance des candidats, y compris des plus « importants » est encore très inégale. Elle varie même quasiment du simple au double. Emmanuel Macron est, fort logiquement, celui que les électeurs ont le sentiment de mieux connaître avec une note de 7,9/10. Il est suivi par les deux candidats qui se sont déjà présentés à deux reprises : Marine Le Pen (7,4/10) et Jean-Luc Mélenchon (7/10). Il est, également, intéressant de souligner la note élevée attribuée à Eric Zemmour : 6,9/10. Malgré qu’il s’agisse de sa première candidature, l’ancien journaliste est le quatrième candidat le mieux identifié, sans doute en raison de sa forte exposition médiatique, mais aussi et peut-être surtout de sa capacité à cliver et à polariser l’attention. Les autres candidats, bien que soutenus par des formations politiques de premier plan, ont des notoriétés plus faibles. C’est tout particulièrement le cas de Christiane Taubira qui dépasse tout juste la moyenne (5,3/10) et de Yannick Jadot (4,6/10). Ces scores relativement faibles indiquent soit un déficit de médiatisation, soit une difficulté à imprimer une image et un message dans l’électorat.
Quoi qu’il en soit, ils doivent être pris en compte lorsqu’on analyse les intentions de votes à ce stade de la campagne. Tester des candidatures en janvier revient, en effet, à demander aux sondés à choisir entre des candidats qu’ils connaissent très inégalement. Dans cette perspective, ces inégalités de notoriété devraient se réduire, au moins partiellement, au cours de la campagne et à mesure que l’on s’approchera du scrutin. Et il se peut que cette montée en notoriété de candidats encore mal identifiés entraîne des évolutions sensibles dans la mesure des intentions de votes à venir. De ce point de vue, les gains de notoriété de Yannick Jadot, Christiane Taubira et Valérie Pécresse seront, sans doute, bien plus importants que ceux d’Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.
L’observation par clusters confirme le caractère crucial de cette dimension. La connaissance des candidats est inégale selon les clusters. Elle dépend pour une part de leur niveau de politisation. Les clusters les plus diplômés et les plus politisés sont ceux qui présentent le plus haut niveau de connaissance des candidats : Centristes, Sociaux-Démocrates, Libéraux, Multiculturalistes, Identitaires… Mais ce niveau de connaissance dépend aussi de leurs orientations idéologiques. Comme des travaux de science politique l’ont établi depuis longtemps, les électeurs s’intéressent en priorité aux candidats les plus proches de leurs convictions. Il en résulte que les clusters connaissent, en moyenne, mieux les candidats qui sont les plus proches de leurs systèmes de pensée. Il est, dés lors, intéressant de constater que Valérie Pécresse dispose encore de marges importantes de progression en termes de notoriété dans des clusters qui appartiennent à la grande famille de la droite : Conservateurs, Anti-Assistanats, Identitaires. A gauche, l’enjeu de la notoriété est encore plus marqué. Christiane Taubira est assez mal identifiée dans des clusters qui devraient être sensibles à son offre politique : Progressistes, Solidaires et Révoltés, qui sont des clusters jeunes ou populaires dont les votes se portent sur la gauche. La situation de Yannick Jadot est encore plus emblématique. Il reste très mal identifié (4,7/10) dans le cluster dont le système de pensée – progressiste sur les enjeux culturels et très pro-écologie – est pourtant le plus ajusté à son offre électorale : les Progressistes.
L’absence de dynamique dans les intentions de vote s’explique peut-être également par le climat d’apathie citoyenne qui règne autour de l’actuelle campagne électorale. Pour le mesurer, nous avons testé toute une série de questions, dont l’une vise à mesurer les attentes des électeurs quant au résultat du scrutin. Il en résulte que 42% des sondés considèrent que « les choses resteront à peu près les mêmes quel que soit le président élu » contre 58%, soit une petite majorité qui considèrent qu’ « il importe vraiment de savoir qui gagnera l’élection présidentielle 2022 ». De tels résultats révèlent un haut niveau de morosité et de désenchantement politique dans des pans entiers de la population qui attendent peu, voire plus rien, des élections, y compris du scrutin présidentiel. Ici également, l’approche par clusters permet d’affiner l’analyse. Ce sont les clusters les plus jeunes et les plus populaires qui nourrissent le moins d’attente de l’élection en cours : Révoltés, Apolitiques, Eclectiques, Réfractaires et Eurosceptiques sont même majoritaires à considérer que « les choses resteront à peu près les mêmes quel que soit le président élu ». Si la tendance n’évolue pas, ces données pourraient annoncer un niveau historique d’abstention dans la jeunesse et les catégories populaires. Ils représentent une réelle menace pour Jean-Luc Mélenchon et, plus encore, Marine Le Pen, pour lesquels ces clusters sont cruciaux. Les clusters de classes moyennes et supérieures, tout particulièrement les plus diplômés (Libéraux, Centristes, Sociaux-Démocrates), ainsi que les clusters très idéologisés (Identitaires et Multiculturalistes) sont plus enclins à nourrir des attentes quant aux résultats du scrutin, même si le scepticisme est, malgré tout, à des niveaux élevés y compris dans ces groupes. Quoi qu’il en soit, le peu d’attente que parait susciter, au moins à ce stade, le scrutin présidentiel laisse planer un risque de forte abstention, dont on sait qu’il est susceptible de modifier sensiblement les rapports de forces électoraux.