Retraites : les messages du gouvernement n’impriment pas


Climat social autour de la réforme des retraites : les messages du gouvernement n’impriment pas

Nous enquêtons depuis plus de 6 mois auprès des Français sur leur perception d’un éventuel allongement de l’âge légal de départ. L’opposition est massive, une large majorité étant favorable à maintenir l’âge à 62 ans, voire à l’abaisser à 60 ans. L’enjeu, désormais, n’est plus tant de savoir si les Français soutiennent la réforme que de savoir s’ils soutiennent le mouvement social. Pour l’heure, les mobilisations, espacées, n’impactent pas la vie quotidienne du « ventre mou » de Français qui pourraient basculer dans l’un ou l’autre « camp ». La communication gouvernementale paraît quant à elle, pour le moment, inefficiente.

  1. L’opinion demeure très majoritairement opposée à la réforme

En conséquence, aujourd’hui, 65% des Français soutiennent la mobilisation contre la réforme des retraites. On a observé une hausse du soutien en faveur de la mobilisation après la première journée de manifestation et de grève. Malgré un léger reflux cette semaine, la courbe du soutien au mouvement social reste globalement stable.

Nous observons une grande transversalité de l’opposition à la réforme : 90% des ouvriers soutiennent la mobilisation mais également près de 50% des cadres du privé. Seuls les retraités, les professions libérales et les chefs d’entreprise soutiennent majoritairement la réforme. La fonction publique est quant à elle, sans surprise, extrêmement déterminée.

Par ailleurs, le Président de la République n’obtient qu’un très relatif soutien de sa coalition électorale. Ses électeurs accordent une note de 6,6 sur 10 à la réforme, quand les Français interrogés mettent une note moyenne de 2,7. Un chiffre en baisse continue depuis un mois, en particulier dans les segments de la gauche radicale et de la droite conservatrice. Notons que deux des « clusters » de centre-gauche qui ont massivement voté pour Emmanuel Macron, les Sociaux-Démocrates et les Progressistes, affichent un niveau d’opposition élevé à la réforme avec un niveau de soutien à plus de 60% au mouvement social. Cela traduit un déséquilibre dans la façon dont est reçue la réforme par la coalition « macroniste » qu’elle divise entre une gauche qui est opposée et un centre et une droite qui la soutiennent.

Le Président demeure ainsi soutenu par la fraction plus à droite de son électorat bien que deux clusters dans lesquels il est en concurrence avec Marine Le Pen et les Républicains, les Anti-Assistanat et les Conservateurs, soutiennent majoritairement le mouvement social, respectivement à 54% et 68%.

A l’aune de ces chiffres, nous comprenons en outre, la difficulté pour Les Républicains à se positionner en faveur de la réforme. Les électeurs de Valérie Pécresse mettent une note moyenne de 5 sur 10 à la réforme. Il est particulièrement intéressant de remarquer que, ces trois dernières semaines, le soutien à la réforme est en baisse au sein des clusters qui composaient une bonne part de l’électorat historique des Républicains : la note moyenne chez les Conservateurs passe de 5,4 à 3,5. Chez les anti-Assistanat, elle passe de 5 à 4,3 et au sein des Identitaires, elle tombe de 4,2 à 3,4.

  1. Colère VS lassitude : Les Français sont-ils résignés ?

Toutefois, les Français demeurent sceptiques sur les chances de « victoire » d’une mobilisation sociale : Un Français sur deux estime que le gouvernement parviendra à mener à bien la réforme. Un chiffre quasi stable depuis le début de la mobilisation. Dans une précédente étude, nous avions perçu que les deux sentiments majoritaires dans l’opinion à propos de la réforme étaient, dans des proportions équivalentes, la « colère » et la « lassitude ». Si la première est propice au mouvement social, c’est grâce à la seconde que le gouvernement peut espérer faire passer son projet. En effet, au regard du contexte inflationniste qui grève le pouvoir d’achat d’une grande partie des foyers français, une mobilisation persistante pourrait faire reculer le soutien à la mobilisation, dans un mouvement de lassitude de l’opinion. Ou à l’inverse, entraîner une contagion. En ce sens, la séquence qui s’ouvre avec le passage du texte à l’Assemblée sera décisive pour l’avenir de la réforme.

  1. Le principal risque se trouve à l’Assemblée Nationale

En effet, le risque pour le gouvernement n’est pas tant dans la rue que dans l’hémicycle. La majorité relative du gouvernement est d’ores et déjà menacée par des défections en son sein et au sein du groupe LR. Les chances de faire passer une réforme impopulaire dans une situation si fragile sur le plan institutionnel sont très incertaines. Le risque principal étant pour le Président de la République de se retrouver en face-à-face avec la rue, alors que l’Assemblée Nationale devient hésitante. Une incertitude quant à l’issue du vote du texte pourrait encourager la mobilisation sociale.

Dans ce cadre, l’on commence à percevoir des signaux alarmants pour la majorité présidentielle. La fronde du député Patrick Vignal, l’appel au référendum de François Bayrou, l’opposition au projet d’une vingtaine de députés Les Républicains : tous ces éléments sont vecteurs de déstabilisation. Autant de facteurs qui pourraient attiser encore davantage le souhait de voir le gouvernement abandonner une réforme minoritaire dans l’opinion.

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