La France d’Uber Eats VS La France d’Amazon : citadins mondialistes contre ruraux patriotes
Notre nouvelle étude pour Le Point vient démontrer une nouvelle fois combien les valeurs, la géographie, les modes de vie et les choix de consommation sont imbriqués.
Concernant les plateformes de livraison de repas à domicile, le profil-type du consommateur s’apparente à un étudiant de gauche vivant dans une métropole.
19% des Français disent utiliser des plateformes de livraison de repas. Un chiffre qui s’élève à 46% au sein du cluster des Progressistes. Les électeurs se positionnant « très à gauche » sont les plus nombreux à utiliser ces plateformes : 29% contre 18% des électeurs de droite ou 15% des électeurs du centre. Logiquement, les 18-24 ans représentent la clientèle première : 44% disent utiliser la livraison de repas contre 6% des retraités. Les cadres et professions intellectuelles supérieures sont également deux fois plus nombreux que les ouvriers à se faire livrer leurs repas (37% vs 18%). Quasiment absentes dans les petites villes, les plateformes de livraison trouvent leur clientèle principalement dans les villes moyennes et les métropoles : un tiers des sondés habitants dans les villes de plus de de 30 000 habitants ont déjà eu recours à des services de livraison de repas contre moins de 10% pour les habitants de villes de moins de 10 000 habitants.
UberEats est la plateforme phare du marché avec 72% des consommateurs qui disent l’avoir déjà utilisé, devant Deliveroo (21% des consommateurs) et JustEat (3%).
La livraison de biens par internet est quant à elle plus démocratisée : 76% des Français disent y avoir recours. Et parmi ces utilisateurs, plus de 30% y ont même recours plus de 2 fois par mois. Si la consommation par internet est aujourd’hui largement répandue, elle est toutefois plus fréquente chez certains groupes : ainsi les deux clusters qui utilisent le plus la livraison sont les Sociaux-Patriotes et les Identitaires, deux groupes aux positionnements très à droite sur les questions sécuritaires et culturelles. Globalement, les électeurs se positionnant à droite utilisent plus fréquemment la livraison de biens. Ils sont environ 40% à l’utiliser plus de deux fois par mois, quand les électeurs de gauche sont entre 20 et 30% à y recourir plus de deux fois par mois. La distinction ne se fait pas sur la pratique – répandue dans tous les groupes – mais sur la fréquence d’utilisation de ces plateformes.
Nous décelons également une distinction dans le choix des plateformes. Amazon truste largement le marché : 67% des sondés disent avoir déjà commandé sur Amazon (7% sur la FNAC, 6% sur Cdiscount).
Mais les systèmes de valeur sont très prédictifs du rapport à ces plateformes. Les Identitaires sont deux fois plus nombreux à utiliser Amazon (81%) que les Multiculturalistes (44%). Les deux clusters aux antipodes sont également les plus polarisés sur leur rapport avec la multinationale de Jeff Bezos. Ainsi, pour des considérations idéologiques mais également de type de biens consommés, les électeurs de gauche sont deux à trois plus nombreux à recourir à la Fnac qu’à Amazon.
Si nous devions résumer grossièrement les résultats de notre étude, nous pourrions dire que la France d’Amazon est le miroir inversé de la France Uber Eats : la première est nationale-identitaire quand la seconde est mondialiste-libérale. Amazon est utilisée davantage au sein de la France rurale et périphérique quand la seconde est utilisée principalement par des citadins.
Nuançons en disant que personne ne semble résister à l’utilisation de ces plateformes qui se sont imposées comme des lieux de consommation mainstream.
Cela étant dit, leur modèle économique et social est largement mis en cause dans l’opinion, notamment par les citoyens de gauche. 75% des Français trouvent leur modèle insatisfaisant. Une critique qui s’élève à presque 90% chez les Français se positionnant à gauche.
De quoi envisager des changements de paradigme ? 69% des sondés disent qu’ils utiliseront les plateformes de livraison de repas ou de biens à la même fréquence dans les mois à venir. Un Français sur cinq envisage quand même de réduire sa consommation, dont 44% pour les Français les plus à gauche.
Signe d’une forte demande de transformation sociale de ces plateformes, une majorité de Français – 54% – se dit prête à payer 20% plus cher leur livraison si les livreurs étaient mieux rémunérés.