Pourquoi l’écart entre la NUPES et la majorité présidentielle se resserre ?
Dans notre baromètre cette semaine, la « Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale » (NUPES) rassemblant PS-PCF-EELV-LFI perd trois points à 31% tandis que « Renaissance » et ses alliés gagnent 2,5 points et se trouvent en deuxième position à 27%.
La dynamique perçue lors des négociations entre les partis de gauche semble légèrement s’estomper. Cette baisse semble profiter directement à la majorité présidentielle. Le Rassemblement National ne parvient pas pour le moment à susciter de dynamique.
Nos indicateurs font apparaître que l’électorat de Marine Le Pen est aujourd’hui très démobilisé. La division du camp identitaire entre RN et Reconquête et l’acceptation de la défaite aux législatives par anticipation par Marine Le Pen elle-même – alors même que l’espace politique est aujourd’hui tripartite et que la victoire de la majorité présidentielle n’a pourtant rien d’une évidence – semblent avoir un impact très démobilisateur sur les clusters les plus favorables aux thématiques portées par les candidatures identitaires. Compte tenu de la sociologie déjà favorable de cet électorat, une forte abstention différentielle est à redouter pour les candidats du RN.
Si ce scénario venait à se confirmer, il en résulterait de nombreux duels NUPES – Renaissance. Dans ce « duel » qui semble s’installer, la majorité présidentielle a tout intérêt à « diaboliser » l’union de la gauche portée par Jean-Luc Mélenchon de la même façon qu’elle avait rediabolisé Marine Le Pen durant l’entre-deux-tours de la présidentielle.
Ainsi la majorité peut espérer fédérer son « bloc » modéré qui réunit une grande partie des clusters du centre gauche (Progressistes, Sociaux-Démocrates) mais aussi une part significative de la droite (Conservateurs et Libéraux).
La NUPES et Renaissance en concurrence directe chez les Sociaux-Démocrates et les Progressistes
Ces deux clusters qui ont largement voté pour Emmanuel Macron en 2017 et en 2022 sont absolument décisifs dans cette bataille pour les législatives. Ces électeurs constituent un pôle modéré, celui de la gauche dite « de gouvernement », qui votait jadis massivement pour le Parti Socialiste. Ce sont des électeurs très attachés à l’Union Européenne, à la redistribution économique et à l’écologie mais plutôt élitaires car diplômés et bien insérés dans la mondialisation, donc hostiles au « dégagisme », au « populisme » et, plus globalement, à la radicalité politique.
Si Jean-Luc Mélenchon était parvenu à mobiliser une partie de ces clusters durant la présidentielle grâce à la logique du « vote utile », ce n’était pas dans des proportions suffisantes et c’est, tout particulièrement, dans cet électorat qu’il lui a manqué des voix précieuses pour accéder au 2nd tour. L’union qui s’est nouée avec le PS, le PCF et EELV rebat largement les cartes car ces électeurs sont à nouveau tentés par cette offre : celle-ci se présente, en effet, sous une forme unitaire d’une part et de fait moins radicale parce que moins exclusivement focalisée sur la personnalité clivante de Jean-Luc Mélenchon d’autre part.
Ainsi au lendemain de l’union, dans notre premier sondage, la NUPES récupérait une part significative d’électeurs d’Emmanuel Macron. Aujourd’hui, on observe cependant un reflux de ces électeurs au profit de la majorité présidentielle. Cette semaine, La NUPES perd ainsi 13 points chez les Sociaux-Démocrates et 4 points chez les Progressistes, soit dans les principaux clusters de la gauche modérée. Cela se matérialise par de moins bons reports des voix de la présidentielle des électeurs de Yannick Jadot et d’Emmanuel Macron. 60% des électeurs de Yannick Jadot indiquent vouloir voter pour la NUPES (-13) et seulement 5% des électeurs d’Emmanuel Macron (-3). Les candidatures dissidentes du Parti Socialiste pourraient également nuire à la NUPES. La majorité présidentielle profite en partie de cette baisse.
L’équation reste, cependant, ardue pour « Renaissance » car dans la perspective de duel avec la NUPES, il lui faudra à la fois mobiliser cet électorat de centre gauche tout en captant le vote des clusters de droite les plus radicaux (Anti-Assistanat et Identitaires) au 2nd tour. Dans cette perspective, la stratégie qui se dessine est celle d’une diabolisation de l’union de la gauche sur le terrain identitaire, ce qu’elle a commencé à faire en parlant de candidature « communautariste » ou « décroissante » sur le plan écologique.
Activer le clivage identitaire vise ainsi à fédérer une large coalition électorale dans le cadre d’un front anti-Mélenchon, qui permettrait à la majorité présidentielle de battre les candidats de la NUPES dans nombre de circonscriptions au second tour.
Les Républicains et le Rassemblement National en mauvaise posture
Les Républicains gagnent un point à 9,5% mais sont, à l’image de leur candidate Valérie Pécresse lors de l’élection présidentielle, pris en étau entre la majorité présidentielle et les candidatures identitaires. Leur socle se réduit désormais à deux clusters : les Libéraux et les Anti-Assistanat qui sont les deux seuls clusters à placer les candidatures LR à plus de 20%. Les Libéraux continuent de placer les candidats « Renaissance » en tête à l’image de la présidentielle où ils avaient largement voté en faveur d’Emmanuel Macron, de même que les Conservateurs. Ces deux clusters constituaient encore en 2017 le cœur électoral de LR avec les Anti-Assistanat et les Identitaires qui quant à eux accordent aujourd’hui davantage d’intérêt électoral au RN et à « Reconquête ».
Pour autant, la désunion qui sévit entre le RN et « Reconquête » empêche Marine Le Pen de susciter une dynamique. Une part importante des Identitaires (environ 1/5) s’apprête à voter pour les candidats soutenus par le parti d’Eric Zemmour. Les Conservateurs qui l’avaient massivement soutenu à la présidentielle sont quant à eux nombreux à indiquer vouloir voter pour la majorité présidentielle, certainement par soucis de continuité et de stabilité et, sans doute, pour faire barrage à la gauche unie.
En résumé, l’élection parait devoir se jouer principalement aujourd’hui entre la NUPES et la majorité présidentielle, ce qui pourrait conduire à une relative marginalisation des candidatures LR, mais aussi de celles du RN, malgré le bon résultat de sa candidate à la présidentielle.
Si les thèmes de campagne qui s’imposent tournent autour des enjeux identitaires – et en particulier de la dénonciation de la NUPES comme complaisante avec le « communautarisme » – la majorité présidentielle sera alors dans une position favorable pour remporter le scrutin. Mais si la gauche unie parvient à imposer des thématiques sociales et une demande de transformation du système, elle pourrait trouver des réserves électorales, voire mettre en difficulté Renaissance et ses alliés.