Assistons-nous à la fin du macronisme ?


Le niveau de soutien et de sympathie au Président de la République est en chute libre ces deux derniers mois. Une impopularité qui croît aussi bien sur son flanc droit que sur son flanc gauche. Alors que le Président de la République a occupé 6 fois la tête du classement sur nos 12 derniers baromètres, il coalise en cette fin mars uniquement 11% de soutien et 9% de sympathie dans l’électorat, chutant à la 4eme place du classement.

Rappelons que le succès électoral d’Emmanuel Macron repose sur sa capacité à allier des segments de l’opinion aux positionnements très hétérogènes sur de nombreux clivages. Parmi ces 16 segments (ou « clusters) que nous avons identifiés, 5 ont largement participé à sa réélection : Deux au centre-gauche (les Sociaux-Démocrates et les Progressistes), deux au centre (les Sociaux-Républicains et les Centristes), et un dernier se situant nettement à droite (les Libéraux).

Cet alliage est aujourd’hui en train de se défaire en particulier à cause de la réforme des retraites mais aussi à cause de la méthode et du contexte dans lequel cette réforme est adoptée.

Evolution de la popularité d’Emmanuel Macron (cluster Sociaux-Démocrates)

L’insatisfaction progresse particulièrement chez les Sociaux-Démocrates et les Progressistes. Deux familles qui ont voté à plus de 40% pour Emmanuel Macron au 1er tour de l’élection présidentielle et qui formaient une part très importante de son cœur électoral dès 2017. Depuis sa réélection, le Président connaît une érosion lente de sa base électorale en particulier à cause du contexte social. Au sein de ces deux clusters, son niveau de soutien a été divisé par trois depuis sa réélection en avril 2022 tandis que son niveau de rejet a plus que triplé.

Si ce n’est pas au sein de ces deux clusters que la réforme suscite le plus d’insatisfaction, elle y est tout de même très majoritairement rejetée. Les Sociaux-Démocrates et les Progressistes s’y opposent à environ 60% et soutiennent en parallèle le mouvement social à plus de 60%.

Ce qui semble ce mois-ci entraîner une chute plus importante de la popularité du Président, c’est l’usage du 49-3 et la situation de tension qui en découle.

Ces deux clusters sont : 1) attachés à l’ordre économique et social et 2) attachés à la démocratie.

Or, l’ordre économique et social est bouleversé par une réforme perçue comme « injuste » et penchant très largement « à droite » dans la perception qu’en ont les Français.

Ainsi, le sentiment que cette réforme est injuste est largement partagé, entraînant une première altération majeure de la base électorale présidentielle.

En outre, les manifestations, les tensions, les violences sont autant d’éléments que cet électorat modéré rejette. Or, celui-ci identifie le Président et son gouvernement comme les principaux responsables de ces manifestations. En particulier parce que la CFDT et Laurent Berger s’opposent fermement à la réforme depuis le début.

L’attitude ferme de Laurent Berger, perçu ordinairement comme un homme de consensus y est pour beaucoup dans le désamour du centre-gauche à l’égard du Président de la République.

En effet, c’est au sein de ces clusters et en particulier chez les Sociaux-Démocrates que le leader de la CFDT est le plus apprécié, comme le démontre notre sondage pour Le Point réalisé début mars.

L’absence de soutien de la CFDT à la réforme et donc l’impossibilité de brandir le « drapeau » du dialogue social ne laissait qu’une possibilité au Gouvernement pour maintenir un semblant « d’ordre » politique et social : un vote majoritaire au Parlement. Or celui-ci n’a pas eu lieu.

Le « macronisme » est né du compromis, du dépassement du clivage gauche-droite pour faire adhérer l’ensemble de l’arc modéré issu des électorats PS et UMP dans une vaste coalition. Le succès d’Emmanuel Macron en 2017 et 2022 repose en premier lieu sur cette capacité à mettre en avant des clivages qui lui étaient favorables pour fédérer l’ensemble des clusters demandeurs d’ordre et de stabilité. Tel fut le cas avec la crise des Gilets jaunes, la campagne de vaccination, la guerre en Ukraine… Cette « prouesse » est aujourd’hui largement remise en cause par l’adoption de cette réforme des retraites.

Car non seulement le fond de la réforme est dissonant avec les aspirations profondes de l’hémisphère gauche de son électorat, mais la forme vient totalement trancher avec le « macronisme » originel. Les Sociaux-Démocrates et les Progressistes s’auto-positionnent très majoritairement « à gauche » ou « plutôt à gauche » lorsqu’on les interroge. A ce titre, ils sont mis en porte-à-faux par une réforme soutenue et défendue historiquement par la Droite. En plus de son impopularité massive dans l’opinion, la réforme des retraites entraîne une résurgence du clivage gauche-droite sur l’axe socio-économique ; un clivage mortifère pour le macronisme.

Enfin, l’usage du 49-3 semble avoir entériné le divorce entre le centre-gauche et le Président de la République. 70 à 80% des Sociaux-Démocrates et des Progressistes jugent l’usage de cette procédure « inacceptable ».

En somme, on assiste bel et bien à une érosion du macronisme principalement sur son côté gauche et dans une moindre mesure au centre et sur sa droite : notons ainsi que dans le cluster des « Centristes » qui est le cœur névralgique du macronisme, le niveau de soutien au Président baisse drastiquement (-20 points) ce mois-ci.

Toutefois, la « tripartition » du champ politique résiste pour l’heure, car l’électorat Social-Démocrate et Progressiste, qui pèse environ 10% est dans une sorte « d’apesanteur ». Il est à la fois insatisfait par l’offre « Mélenchon-NUPES » et par la politique du Président de la République.

Nul doute cependant que cet électorat sera décisif dans les recompositions du champ électoral d’ici à la prochaine élection présidentielle.

Est-ce que le « macronisme » peut renaître de ses cendres et reconquérir ces électeurs ou bien rebasculeront-ils vers une offre de gauche entraînant le retour à une bipartition du champ politique ?

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