Marine Le Pen retrouve la 1ere place, Emmanuel Macron perd son crédit, François Ruffin perce, Olivier Faure sort de l’anonymat
Les trois personnalités politiques qui recueillent le plus de soutien dans l’électorat demeurent Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron et Marine Le Pen. L’ordre est cependant bouleversé par rapport au mois dernier : Marine Le Pen prend la tête avec 17% de soutien (+2), tandis que le Président de la République, affaiblie par le résultat des législatives, est sur la plus petite marche du podium avec 14% de soutien (-5). Notons que ces trois personnalités clivent fortement la population et font partie des plus rejetées par l’électorat. Représentantes des trois « pôles » issus de la présidentielle, elles fédèrent chacune un noyau dur de soutien mais suscite aussi un puissant rejet qui explique en partie qu’aucun de ces trois pôles ne soit parvenu à fédérer un bloc majoritaire à l’Assemblée Nationale à l’issue des législatives.
Marine Le Pen sort renforcée des législatives, à l’inverse d’Emmanuel Macron
Alors qu’elle a fait une campagne des législatives pour le moins discrète, Marine Le Pen et le RN sont sortis « gagnants » de ces élections avec un nombre de députés inattendu. Notre baromètre réalisé au cœur de la campagne à la fin mai montrait une régression des soutiens de Marine Le Pen notamment dans ses trois clusters phares : les Eurosceptiques, les Sociaux-Patriotes et les Réfractaires. Ce mois-ci elle ne connait pas de hausse dans ces trois clusters très populaires. Au contraire, on observe même une baisse chez les Eurosceptiques. Par contre, elle progresse dans des clusters où elle est en concurrence ténue avec d’autres personnalités. D’abord elle séduit une part importante de la droite traditionnelle : les Conservateurs, cluster composé, pour une part, de petits retraités vivant en ruralité. Et surtout les Libéraux, cœur de l’ancien électorat UMP, très élitiste, attaché à l’UE et au marché, qui avaient tendance à rejeter le RN et sa leader. Marine Le Pen recueille 15% de soutien dans ce cluster (+9) et 36% de sympathie (+14). Cette progression dans un cluster modéré vient attester la « banalisation » du RN qui lui a permis de gagner de nombreux duels de 2nd tour aux législatives, fait inédit dans notre Cinquième République.
Enfin, Marine Le Pen progresse dans les clusters de la droite plus radicale : les Anti-Assistanat et les Identitaires, deux clusters dans lesquels elle était en concurrence notamment avec Éric Zemmour. Elle le surpasse désormais nettement dans le cluster des Identitaires : elle atteint 78% de soutien et sympathie (+9) tandis que lui chute à 53% (-10). Toutes ces évolutions, si elles devaient se confirmer, marqueraient un élargissement sensible de la coalition de Marine Le Pen, avec pour conséquence la disparition de ce qui fut longtemps qualifié de « plafond de verre » électoral pour le RN.
Emmanuel Macron faiblit sur ses jambes gauche et droite, Elisabeth Borne affectée par l’absence de majorité
Si Emmanuel Macron était sorti assez fort politiquement de la présidentielle, parvenant à unir un large bloc modéré du centre gauche au centre droit, les élections législatives ont vu cet alliage faiblir, lui empêchant même d’obtenir une majorité à l’Assemblée. Cela se perçoit dans notre baromètre par une chute assez significative de ses soutiens dans deux clusters emblématiques du « En même temps » présidentiel : Emmanuel Macron perd 18 points de soutien chez les Sociaux-Démocrates (ex-cœur électoral du PS) et 18 points chez les Libéraux (ex-cœur de l’UMP puis des Républicains).
Le renforcement du pôle de gauche autour de la NUPES et la permanence d’un vote LR ancré territorialement ont remis sur le devant de la scène un début de retour au clivage gauche-droite, néfaste à la majorité présidentielle. En effet, les clusters élitistes du centre-gauche et du centre-droit se coalisent sur la demande de stabilité, sur l’UE, sur une forme de continuité institutionnelle mais sont clivés sur les retraites, la redistribution économique, l’immigration, la sécurité. Or, ce sont ces sujets qui ont été mis en avant médiatiquement ces dernières semaines, causant une désarticulation de l’électorat de la majorité présidentielle.
Si jamais Emmanuel Macron voyait ces deux pôles de son électorat faiblir durablement, la mise en minorité de sa politique serait inéluctable et la viabilité de son projet politique durablement affectée. En effet, le niveau de rejet atteint bien souvent plus de 50% dans de nombreux clusters, côtoyant même les 80% dans les clusters populaires tels que les Solidaires et Sociaux-Patriotes et parmi les clusters radicaux de gauche et de droite, tels que les Multiculturalistes et les Identitaires.
A l’instar du Président, la Première Ministre Elisabeth Borne chute fortement dans l’ensemble des clusters de la coalition présidentielle : -14 chez les Centristes, -11 chez les Sociaux-Démocrates, -11 chez les Libéraux, -7 chez les Conservateurs, -5 chez les Sociaux-Républicains. Au final, elle recueille seulement 22% de soutien et sympathie dans l’ensemble de l’électorat et le rejet de sa personnalité monte à 40% (+4).
A gauche, François Ruffin talonne Jean-Luc Mélenchon, percée d’Olivier Faure
Jean-Luc Mélenchon reste stable ce mois-ci avec 17% de soutien et se classe deuxième du classement derrière Marine Le Pen. A l’instar d’Emmanuel Macron et Marine Le Pen, il clive fortement et suscite un niveau élevé – 56% – de rejet contre sa personne. Il peut compter sur un noyau dur de soutien particulièrement au sein des trois clusters de la gauche radicale et populaire : les Multiculturalistes, les Solidaires et les Révoltés. Ce sont ces trois clusters qui ont porté sa candidature l’an dernier lorsqu’il était estimé entre 11 et 13% dans nos sondages au début de la campagne, avant d’enclencher une dynamique de vote utile dans les deux clusters de gauche modérée et diplômée que sont les Sociaux-Démocrates et les Progressistes. On voit bien qu’au sein de ces deux clusters, on a voté Jean-Luc Mélenchon en partie par défaut. Dans ces deux clusters qui ont voté, au moins partiellement, pour lui au 1er tour de la présidentielle, il recueille uniquement 16% de soutien et plus de 50% de rejet.
Fait nouveau : la percée à gauche de François Ruffin. Le député de la Somme est 4eme au classement général avec 13% de soutien et seconde Jean-Luc Mélenchon dans la plupart des clusters de gauche. Il le devance même ce mois-ci dans le cluster des Solidaires, un cluster plus sensible au social qu’au sociétal. Plus significativement encore, François Ruffin réalise une percée chez les Sociaux-Démocrates à 24% (+16) et se classe deuxième juste derrière Emmanuel Macron. Il obtient également de bons scores dans des clusters populaires antisystème « marinistes », en particulier chez les Sociaux-Patriotes : il s’y classe 5eme avec 6% de soutien mais 37% de sympathie (+18).
Enfin, Olivier Faure sort également renforcé de cette séquence législative. Sa progression au classement général reste limité : 6% de soutien (+4). Mais cette progression est spectaculaire dans les clusters de gauche : +17 chez les Multiculturalistes, +10 chez les Sociaux-Démocrates, +7 chez les Progressistes, +5 chez les Solidaires. C’est le signe que l’adhésion du PS au sein de la NUPES a clarifié la position politique du parti et séduit à nouveau un électorat appartenant au cœur de la gauche qui jadis votait pour lui mais qui s’en était éloigné. Olivier Faure semble avoir ressuscité l’intérêt de l’électorat de gauche pour le Parti Socialiste mais aussi sa considération. Demeure pour lui l’enjeu de la notoriété : 54% des français disent ne pas le connaître ou être indifférents à sa personnalité.