Les Français et la science : un rapport marqué par des fractures et des paradoxes
L’enquête menée par Cluster17 dans le cadre du Paris-Saclay Summit Choose Science met en évidence une relation ambivalente des Français à la science. D’un côté, une large majorité la considère comme une source fiable de connaissances et un outil essentiel pour relever les défis contemporains. De l’autre, des clivages marqués apparaissent sur certaines thématiques, notamment en fonction du niveau d’éducation et des orientations politiques.
Le niveau de connaissance scientifique des Français s’avère globalement moyen, avec une note moyenne de 11,3/20 sur l’ensemble des questions soumises aux sondés. Les écarts sont significatifs selon le niveau de diplôme : les détenteurs d’un bac +5 obtiennent une moyenne de 13,5/20, tandis que les non-diplômés plafonnent à 7,8/20. Une fracture générationnelle se dessine également : les 18-24 ans affichent la meilleure note, avec 12,4/20, mais ce sont aussi eux qui expriment le plus de critiques sur les applications technologiques. Par ailleurs, certaines idées fausses persistent, notamment sur des sujets de santé publique. Près d’un quart des sondés ignorent encore que les antibiotiques ne sont efficaces que contre les bactéries. Concernant le changement climatique, 83 % des Français reconnaissent l’impact majeur des activités humaines, mais 17 % continuent d’attribuer ce phénomène à des cycles naturels ou à des variations du rayonnement solaire.
Malgré ces lacunes, la confiance envers la science demeure forte. 88 % des Français estiment qu’elle constitue une source fiable d’information, et 95 % considèrent qu’elle doit rester une priorité budgétaire nationale. Cette adhésion est cependant nuancée par des doutes sur l’intégrité des chercheurs, en particulier chez les groupes se positionnant comme « antisystème ». Si 85 % des sondés estiment que la science est un levier essentiel pour lutter contre le réchauffement climatique, 65 % considèrent néanmoins qu’elle ne suffira pas à elle seule à résoudre ce problème.
Le clivage politique joue un rôle important dans la perception des enjeux scientifiques. La reconnaissance du rôle humain dans le réchauffement climatique varie fortement selon les sensibilités partisanes. Elle atteint 99 % chez les sympathisants EELV, mais tombe à 57 % chez les électeurs du Rassemblement National. De manière plus générale, 97 % des Français estiment que la science améliore la qualité de vie, mais près de la moitié jugent que ses effets dépendent avant tout de la façon dont elle est utilisée et réglementée.
Une méfiance spécifique émerge autour des nouvelles technologies, et la volonté de les encadrer plus strictement varie en fonction des appartenances politiques. 30 % des électeurs de LFI ou EELV souhaitent une régulation forte du développement technologique, notamment dans des domaines comme l’intelligence artificielle ou le génie génétique. Cette proportion tombe à 21 % chez les électeurs du RN, et à 5 % chez les sympathisants LR et 6 % chez ceux de Renaissance. Dans l’ensemble, 19 % des Français estiment qu’il faudrait limiter significativement les innovations technologiques.
L’étude met également en lumière une évolution majeure : la défiance envers la science ne se limite plus aux milieux conservateurs ou religieux. Une forme de scepticisme « éclairé » se développe au sein des classes moyennes et des diplômés intermédiaires, qui se montrent particulièrement prudents à l’égard des innovations scientifiques. Ce phénomène se manifeste notamment sur les sujets environnementaux et sanitaires. La question des vaccins illustre bien ces divergences : 62 % des Français déclarent leur faire totalement confiance, mais ce chiffre masque d’importantes variations en fonction des sensibilités politiques.
En définitive, si la science bénéficie encore d’un fort capital de confiance en France, les perceptions divergent de plus en plus selon les appartenances sociales et idéologiques. Elle n’est plus perçue comme un élément neutre et universel, mais comme un enjeu politique structurant, cristallisant des visions parfois antagonistes de la société et du progrès.