11 février 2025

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Les Français et la science : un rapport marqué par des fractures et des paradoxes

L’enquête menée par Cluster17 dans le cadre du Paris-Saclay Summit Choose Science met en évidence une relation ambivalente des Français à la science. D’un côté, une large majorité la considère comme une source fiable de connaissances et un outil essentiel pour relever les défis contemporains. De l’autre, des clivages marqués apparaissent sur certaines thématiques, notamment en fonction du niveau d’éducation et des orientations politiques.

Le niveau de connaissance scientifique des Français s’avère globalement moyen, avec une note moyenne de 11,3/20 sur l’ensemble des questions soumises aux sondés. Les écarts sont significatifs selon le niveau de diplôme : les détenteurs d’un bac +5 obtiennent une moyenne de 13,5/20, tandis que les non-diplômés plafonnent à 7,8/20. Une fracture générationnelle se dessine également : les 18-24 ans affichent la meilleure note, avec 12,4/20, mais ce sont aussi eux qui expriment le plus de critiques sur les applications technologiques. Par ailleurs, certaines idées fausses persistent, notamment sur des sujets de santé publique. Près d’un quart des sondés ignorent encore que les antibiotiques ne sont efficaces que contre les bactéries. Concernant le changement climatique, 83 % des Français reconnaissent l’impact majeur des activités humaines, mais 17 % continuent d’attribuer ce phénomène à des cycles naturels ou à des variations du rayonnement solaire.

Malgré ces lacunes, la confiance envers la science demeure forte. 88 % des Français estiment qu’elle constitue une source fiable d’information, et 95 % considèrent qu’elle doit rester une priorité budgétaire nationale. Cette adhésion est cependant nuancée par des doutes sur l’intégrité des chercheurs, en particulier chez les groupes se positionnant comme « antisystème ». Si 85 % des sondés estiment que la science est un levier essentiel pour lutter contre le réchauffement climatique, 65 % considèrent néanmoins qu’elle ne suffira pas à elle seule à résoudre ce problème.

Le clivage politique joue un rôle important dans la perception des enjeux scientifiques. La reconnaissance du rôle humain dans le réchauffement climatique varie fortement selon les sensibilités partisanes. Elle atteint 99 % chez les sympathisants EELV, mais tombe à 57 % chez les électeurs du Rassemblement National. De manière plus générale, 97 % des Français estiment que la science améliore la qualité de vie, mais près de la moitié jugent que ses effets dépendent avant tout de la façon dont elle est utilisée et réglementée.

Une méfiance spécifique émerge autour des nouvelles technologies, et la volonté de les encadrer plus strictement varie en fonction des appartenances politiques. 30 % des électeurs de LFI ou EELV souhaitent une régulation forte du développement technologique, notamment dans des domaines comme l’intelligence artificielle ou le génie génétique. Cette proportion tombe à 21 % chez les électeurs du RN, et à 5 % chez les sympathisants LR et 6 % chez ceux de Renaissance. Dans l’ensemble, 19 % des Français estiment qu’il faudrait limiter significativement les innovations technologiques.

L’étude met également en lumière une évolution majeure : la défiance envers la science ne se limite plus aux milieux conservateurs ou religieux. Une forme de scepticisme « éclairé » se développe au sein des classes moyennes et des diplômés intermédiaires, qui se montrent particulièrement prudents à l’égard des innovations scientifiques. Ce phénomène se manifeste notamment sur les sujets environnementaux et sanitaires. La question des vaccins illustre bien ces divergences : 62 % des Français déclarent leur faire totalement confiance, mais ce chiffre masque d’importantes variations en fonction des sensibilités politiques.

En définitive, si la science bénéficie encore d’un fort capital de confiance en France, les perceptions divergent de plus en plus selon les appartenances sociales et idéologiques. Elle n’est plus perçue comme un élément neutre et universel, mais comme un enjeu politique structurant, cristallisant des visions parfois antagonistes de la société et du progrès.

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Sondage pour Le Point sur le sommet de l’IA : 67% des Français doutent de la capacité de leur pays à devenir un leader

Une ambition présidentielle accueillie avec scepticisme

L’objectif d’Emmanuel Macron de positionner la France comme un leader mondial en intelligence artificielle et dans les nouvelles technologies suscite des doutes parmi la population. D’après l’étude Cluster17 pour Le Point, une majorité de Français (67 %) se montrent sceptiques quant à la capacité du pays à rivaliser avec des puissances comme les États-Unis ou la Chine dans ce domaine.

Ce pessimisme s’inscrit dans un climat général de défiance vis-à-vis du rôle de la France sur la scène internationale, un sentiment qui se retrouve dans d’autres enquêtes d’opinion. La segmentation des résultats révèle que les clusters les plus critiques sont les Révoltés (88 % de défiance), les Identitaires et les Traditionalistes, qui expriment un regard décliniste sur les capacités nationales en matière d’innovation et de leadership technologique.

À l’inverse, une minorité plus optimiste (26 %) juge que cet objectif reste atteignable. Parmi eux, les Libéraux, les Sociaux-Démocrates et les Modérés apparaissent comme les plus convaincus du potentiel français dans ce secteur.

Intelligence artificielle : une priorité secondaire pour les Français

Si l’intelligence artificielle est perçue comme un enjeu stratégique, elle ne constitue pas pour autant une priorité budgétaire pour une large majorité des sondés. Près de trois Français sur quatre considèrent que d’autres domaines méritent davantage d’investissement public. Ce rejet est particulièrement marqué chez les Multiculturalistes (90 %), les Solidaires (91 %) et les Sociaux-Patriotes, qui d’ordinaire défendent les enjeux de souveraineté, mais ne placent pas l’IA au cœur de leurs préoccupations.

Toutefois, 27 % des sondés estiment que la France doit investir prioritairement dans l’IA. Ce soutien se retrouve principalement chez les Libéraux (56 % favorables) et les Centristes (52 % favorables), qui valorisent l’innovation et l’économie numérique.

Une fracture idéologique sur le rapport à la technologie

L’enquête met en évidence un clivage politique dans la perception des nouvelles technologies. À gauche, une méfiance marquée se dégage : les électeurs de La France Insoumise sont parmi les plus sceptiques quant aux bénéfices de l’IA, tandis que les groupes plus progressistes et écologistes expriment une réticence à voir la technologie s’imposer comme une priorité nationale. Cette prudence semble alimentée par des préoccupations liées à la transition écologique et aux inégalités sociales.

À l’inverse, les électeurs situés à droite de l’échiquier politique manifestent une adhésion plus forte au développement technologique, perçu comme une opportunité économique et industrielle. Un paradoxe apparaît chez les Traditionalistes : bien qu’ancrés dans des valeurs conservatrices, ils sont 53 % à soutenir un investissement accru dans l’IA et comptent parmi les utilisateurs les plus assidus de ces outils (34 % déclarent les employer régulièrement).

Un usage encore limité mais en progression

Malgré ces divergences, l’intelligence artificielle s’installe progressivement dans le quotidien des Français. Aujourd’hui, 21 % des sondés déclarent utiliser régulièrement ces technologies, principalement pour des tâches pratiques telles que la recherche d’informations, la traduction ou encore le traitement de données.

L’enquête souligne un net écart générationnel : 49 % des 18-24 ans affirment recourir fréquemment à l’IA, contre seulement 6 % des plus de 75 ans. De même, les cadres et professions intellectuelles sont les plus enclins à intégrer ces outils dans leur vie professionnelle et personnelle.

Si l’IA ne révolutionne pas encore massivement les habitudes, elle s’ancre progressivement dans certains usages spécifiques, notamment chez les jeunes générations et les catégories socio-professionnelles favorisées.

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